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Les 100 meilleurs albums des années 2000 : de 100 à 91

Tous les lundis de cet été, nous dévoilons notre classement des meilleurs albums des années 2000 du rap français. Dix par dix, vous allez pouvoir découvrir et réécouter ce qui a rendu cette décennie si riche.

Les années 2000 sont un paradoxe étrange dans le rap français. Bien qu’elles aient vu exploser certains des meilleurs rappeurs de France et qu’elles nous aient fourni des oeuvres intemporelles, elles ont aussi marqué la naissance du fameux slogan « Le rap c’était mieux avant ». C’est après avoir été témoin d’une énième discussion sur la prétendue pauvreté de la période que nous avons décidé de défricher la décennie pour essayer d’émettre un avis objectif. L’idée de proposer un classement nous est vite venue mais dans un souci d’objectivité nous avons contacté presque tout ce que la France compte de journalistes rap pour définir le plus précisément possible ce qui avait fait l’essence des années 2000. Ce classement n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou immuable, il marque juste une certaine cartographie de ce cycle de dix ans de rap français et, on l’espère, un outil pour que les jeunes générations s’intéressent de plus près au patrimoine du mouvement.

100 – Fayçal – Secrets de l’oubli (2009)

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Après l’excellent Murmures d’un silence en 2006, Fayçal était déjà attendu de pied ferme par les amateurs. Est-ce que le Bordelais saurait imposer sa patte et son niveau ? La réponse est absolument positive. Son deuxième album glisse avec la douceur d’une œuvre raffinée. Les thèmes sont poussés, on sent chaque mot choisi avec précision. Porté par des productions de VII et 2FCH, l’ensemble balade l’auditeur dans un monde de strophes et de vers scandés par un rappeur à la discographie parfaite. Secrets de l’oubli représente le chaînon parfait entre les deux décennies qu’il chevauche presque, assumant complètement les références aux géants du genre et portant haut la voie de ce genre de rap qui redeviendra populaire auprès des plus jeunes à peine trois ans plus tard.

Le morceau qu’on recommande : La Morale d’un Candide, parce qu’il réussit à emprunter à Voltaire sans avoir à rougir et à conclure par « Il faut cultiver notre jardin », mais à sa manière. Chapeau.

99 – La Rumeur – Regain de tension (2004)

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Nous sommes en 2004, l’élan fraternel black blanc beur de 1998 est réprimé depuis longtemps. L’atmosphère se fait de plus en plus anxiogène au fil des années. La Rumeur devient un danger public de la République par le biais d’Hamé, en procédure judiciaire depuis 2002. De quoi témoigner d’un vrai Regain de Tension. L’album se prête parfaitement au contexte. Il est plus sombre que le précédent, plus revendicatif aussi. Rarement des titres, des instrus et des paroles auront aussi bien illustré le titre d’un album. Sur le fond et le flow, il faudrait pouvoir retranscrire les paroles de chaque titre. En faire un tri ne rendrait pas justice aux auteurs. Les thématiques sont partie prenante de l’image de La Rumeur : le groupe reste violemment fidèle à son identité. Rien de joyeux, rien de léger. Le seul rire émis est ironique ou amer. Le groupe en deviendrait presque caricatural s’il ne s’y attelait pas avec autant de talent, de confiance et de crédibilité.

Le morceau qu’on recommande : Inscrivez Greffier, parce qu’ils y disent « Jusqu’à quand, combien de temps le ghetto restera-t-il aussi patient ? » On était alors en 2004. En 2005, nouveau ministre de l’Intérieur élu, punchline maladroite du petit Nicolas sur le Kärcher. Et les banlieues s’embrasent comme un vulgaire champ de coton. La Rumeur, un groupe visionnaire.

98 – Expression Direkt – Wesh on écoute ou quoi ? (2000)

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Cinq ans après la sortie de La Haine (on entendait Mon esprit part en C*** dans le film) et de sa bande originale où figuraitDealer pour Survivre, Express D n’a pas vraiment connu le succès qui lui était destiné. Le premier album Le Bout du Monde a eu son succès d’estime mais insuffisant pour les quatre membres. Deux ans après, ils reviennent avec Wesh On écoute ou Quoi ? qui ressemble déjà à un best-of. 5 des 19 titres sont issus de leurs classiques mais loin de déséquilibrer la cohérence du disque, ils s’intègrent parfaitement au tout. Toujours partagés entre humour et sérieux, Express D n’a rien perdu de sa superbe et signe un disque important. A posséder.

Le morceau qu’on recommande : Condamnés à Réussir, parce qu’il évoque déjà des thématiques encore actuelles et sous un semblant d’égotrip, c’est une véritable chronique sociale qui se dessine.

97 – Southcide 13 – Du berceau à la tombe (2008)

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Le Southcide 13 est beaucoup plus qu’un groupe de rap. Et si l’on entend régulièrement des rappeurs sublimer leurs vies sur disque, il est fort probable que OG Kim et BG Lolo aient minimisés pas mal de leurs exploits de chasseurs de skins. Produit entièrement par Aelpéacha, Du Berceau à la Tombe est l’album G-Funk français le plus réussi et le plus abouti musicalement. Impossible de ne pas remuer la tête en rythme avec la production et de ne pas sourire à certaines phases nonchalamment posées par un des deux rappeurs ou leurs prestigieux invités. Mais ce qui fait vraiment le sel de cet album, c’est le contraste fulgurant entre les sonorités west coast et le ton de certains morceaux à la limite de l’angoissant.

Le morceau qu’on recommande : Chasseurs, la narration sans fioriture de la chasse aux skins qui anima les nuits parisiennes pendant une bonne décennie avec la verve inimitable des deux rappeurs du 13ème arrondissement.

96 – La Clinique – Tout Saigne (2000)

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Formé par Doc Gynéco à son heure de gloire, c’est en s’émancipant de son ombre encombrante que La Clinique revient dans sa formation définitive pour sortir un album à l’aube de l’an 2000. Tous les anciens se souviennent du morceau La Playa, lancé à l’été 1999, qui servira de single au groupe mais aussi de trompe- l’œil car La Clinique n’est pas du tout un groupe festif et jovial. Son « Tout Saigne » répond au « Tout Baigne » de Ménélik et le ton de l’album est véritablement noir. Entre réminiscences de l’enfance et fatalisme sur l’avenir, Papillon, Charlie Waits et Dumbia signent un grand projet, bien plus profond que ce single qui leur colle à la peau depuis vingt ans.

Le morceau qu’on recommande : Faites du Bruit, en featuring avec Casey pour le couplet complètement stratosphérique de cette dernière. Elle glisse sur l’instrumentale et délivre un sans-faute si parfait que les couplets des autres membres, pourtant expérimentés, paraissent fades.

95 – KDD – Une couleur de plus au drapeau (2000)

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Déjà avec Résurrection, KDD s’était éloigné de son premier album Opte pour le K. Bien plus sombre et engagé, il avait surpris les auditeurs de rap français qui attendaient donc le nouvel opus du groupe toulousain. Bien leur en a pris car Une Couleur de plus au Drapeau sera le sommet de la carrière de KDD. Cet album va bien plus loin que les précédents et creuse profond dans les entrailles de l’animal France, inspecte ses délits de facies et sa ségrégation insidieuse avec 113 et Don Choa en soutien sur deux morceaux excellents. Mention spéciale à la pochette, absolument magnifique et inventive.

Le morceau qu’on recommande : Une Couleur de plus au Drapeau, le morceau éponyme de l’album, pour le premier couplet absolument stratosphérique de Dadoo. « Un franc symbolique, un flic, un flingue, des vies symboliques / Un sous-sol plein d’espoir, un social symbolique / Un arabe au 13 heures et 2600 au cachot / Donc, une couleur de plus au drapeau. » L’une des meilleures entrées de l’histoire du rap français.

94 – Disiz – Disiz The End (2009)

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En 2009, Disiz annonce à grands renforts de promotion son dernier album. La fin de sa carrière dans le rap français. Et on y a cru. Disiz The End a tourné toute l’année 2009 porté par le tube Bête de Bombe 4 et sa prod’ infernale de Canardo. Ce projet n’échappe pas à tous les défauts inhérents à l’œuvre de Serigne : nonchalance, dogmatisme et manichéisme un peu trop poussé. Mais il surprend son monde en allant plus loin dans l’introspection et la prise de recul sur une carrière qui aurait pu (dû ?) être plus impressionnante.

Le morceau qu’on recommande : Alors tu veux rapper ? / Flowmatic, un double morceau sur deux productions différentes d’Astronote et Dave Daivery. Disiz s’amuse à changer de flow tout en narrant sa progression linéaire dans le monde du rap. Imparable.

93 – Sinik – En attendant l’album (2004)

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Nous sommes en 2004 et Sinik surfe déjà sur une bonne vague de buzz. Ses deux précédents maxis ont eu un véritable succès d’estime et le rap français attend l’album de pied ferme. Quelle meilleure occasion que celle-ci pour sortir un street-album spontané pour faire patienter le public ? Dans ce projet sobrement nommé, Sinik est peut-être déjà à son apogée. Muni d’un flow foudroyant et d’un sens de la formule impressionnant, il découpe littéralement les instrus sur tous les morceaux que comporte le disque.

Le morceau qu’on recommande : Hardcore, reprise du classique d’Idéal J. D’abord paru sur la compilation Têtes Brulées, il sera aussi sur l’album Flashback de Kennedy en featuring ici. Sinik lâche les chiens et se permet du name-dropping à tous les étages : R.Kelly, Chirac, Bush etc. se font découper en lamelles sur l’instru originale.

92 – Mac Tyer – Le général (2006)

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En 2006, Mac Tyer revient auréolé d’une grosse attente pour son premier véritable solo. Précédé par l’énorme succès de Tandem, Le Général ne convaincra que moyennement les foules. En cause, un double album aux sonorités dirty qui tranchent avec la couleur musicale des précédents projets de Socrate. Pourtant Le Général est bon. Il est certes très éloigné de ce que Mac Tyer proposait en groupe mais il n’en reste pas moins excellent. L’enfant du 93 n’a rien perdu de sa verve et il éclabousse de son talent les productions de Wealstarr, Street Fab et autres Tyran.

Le morceau qu’on recommande : Racaille Ambition, en featuring avec son regretté frère Bigou, une ode au hustle et à la débrouille des banlieues sombres. Oui oui, si si.

91 – LIM – Enfant du ghetto (2005)

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Voix rocailleuse et voie racailleuse, LIM fait partie de ses succès inattendus si cher au rap français et à l’image d’un Jul actuel, il a représenté toute une génération de jeunes auditeurs absolument fans de son rap cru mais loin d’être cliché. En effet, LIMne se cantonne pas aux thèmes de rue mais il se promène sur des sujets de société avec pertinence (femmes battues, enfants maltraités, misère sociale etc.) et peu d’albums auront décrit la France de 2005 aussi pertinemment.

Le morceau qu’on recommande : Demande à la Rue, en featuring avec Mala parce que chaque matin, la rage sourit à LIM. Tellement fort que ce son n’aurait pas dépareillé sur Mauvais Œil rappé par Ali et Booba. Oui oui, c’est si bon.

La méthodologie : chaque votant devait choisir cinquante albums. Il attribuait cinquante points à l’album qu’il plaçait en première position, quarante-neuf points au second et ainsi de suite jusqu’au cinquantième qu’il créditait d’un point. La liste de base n’était pas fixe et chacun était libre d’ajouter les albums de son choix.

Les votants : nous avons eu la chance de pouvoir compter sur la participation des rédactions de L’Abcdr du Son, Reaphit, Le Bon Son, Revrse ainsi que feu SURL, en plus de Genono, Spleenter et Olivier Cachin. Leur présence a fait monter le total des votants à 43 et il est à noter que dans un souci de partialité, l’organisateur de ce classement a préféré s’abstenir afin de n’influer d’aucune manière sur le résultat final.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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