Sélections Top 100 années 2000

Les 100 meilleurs albums des années 2000 : de 20 à 11

Les années 2000 sont un paradoxe étrange dans le rap français. Bien qu’elles aient vu exploser certains des meilleurs rappeurs de France et qu’elles nous aient fourni des oeuvres intemporelles, elles ont aussi marqué la naissance du fameux slogan « Le rap c’était mieux avant ». C’est après avoir été témoin d’une énième discussion sur la prétendue pauvreté de la période que nous avons décidé de défricher la décennie pour essayer d’émettre un avis objectif. L’idée de proposer un classement nous est vite venue mais dans un souci d’objectivité nous avons contacté presque tout ce que la France compte de journalistes rap pour définir le plus précisément possible ce qui avait fait l’essence des années 2000. Ce classement n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou immuable, il marque juste une certaine cartographie de ce cycle de dix ans de rap français et, on l’espère, un outil pour que les jeunes générations s’intéressent de plus près au patrimoine du mouvement.

Retrouvez la première partie ici : de 100 à 91
Retrouvez la deuxième partie ici : de 90 à 81
Retrouvez la troisième partie ici : de 80 à 71
Retrouvez la quatrième partie ici : de 70 à 61
Retrouvez la cinquième partie ici : de 60 à 51
Retrouvez la sixième partie ici : de 50 à 41
Retrouvez la septième partie ici : de 40 à 31
Retrouvez la huitième partie ici : de 30 à 21

20 – La Caution – Arc-en-ciel pour daltoniens / Peines de maures (2005)

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Deux frères, deux MC hors du temps dans un rap français qui se diversifie de plus en plus au milieu des années 2000. Second album des Noiséens Hi-Tekk et NikkfuriePeines de Maures / Arc-en-Ciel pour daltoniens est un disque avant-gardiste pour son époque. Une oeuvre aux signatures multiples – l’atmosphère différente enveloppant chacun des disques en témoigne – illuminée par son ambiance sonore, l’affirmation d’une identité nord-africaine revendiquée et la fusion d’univers éclectiques, quelque part entre la culture orientale et la musique électronique. Une décennie plus loin, ce(s) disque(s) reste(nt) un sommet dans une carrière qui attend son nouveau coup de maître.

Le morceau qu’on recommande ? Peines de maures, titre éponyme du premier tome pesant par son trop-plein de références encore d’actualité sur le devant de la scène géopolitique.

19 – Orelsan – Perdu d’avance (2009)

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L’insolence de l’adolescence et le génie de la jeunesse : c’est le premier album d’Orelsan en quelques mots. En 2007, Saint-Valentin notamment avait introduit le personnage du jeune adulte paumé refusant de quitter l’adolescence ; en 2009, Perdu d’avance l’approfondit et le popularise. Un rap qui quelques années plus tôt aurait été cantonné à l’étiquette maudite d’ « alternatif » et à un succès confidentiel explose (la polémique Sale pute n’y est pas pour rien), révélant tardivement au grand public que la discipline avait débordé le cadre de la cité et de ses codes esthétiques. Sur des productions hétéroclites de SkreadOrelsan rappe son mal-être en quatorze titres oscillant de l’humour de Pour le pire à la gravité de La peur de l’échec, dans le large spectre du post-ado désabusé auquel bon nombre de jeunes âmes ont pu s’identifier. Perdu d’avance a signé le succès tardif d’un rap lyrique, centré sur la subjectivité et les émotions de l’artiste.

Le morceau qu’on recommande : Jimmy Punchline, egotrip conscient de sa propre connerie et exercice de style unique dans la discographie d’Orelsan, très justement nommé puisque rempli de punchlines plus subtiles les unes que les autres : « J’distribuais des CD dans l’Hexagone / Pendant qu’tu distribuais tes CV dans les McDo / Alors j’comprends qu’tu voudrais faire un feat / Mais moi j’voudrais un Big Mac et une grande frite ».

18 – Ali – Chaos et harmonie (2005)

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On a beaucoup usé d’encre à parler d’Ali mais trop rarement en le dissociant de Booba, l’acolyte des débuts flamboyants. Pourtant, Ali en solo est un rappeur excellent et surprenant tant dans le fond que dans la forme. Sur un quatorze titres flamboyant, il reste dans la continuité de Mauvais Oeil et déverse toujours la même prose littéraire. Un album qui met la pression.

Le morceau qu’on recommande : La Vérité reste la vérité, un vibrant plaidoyer et une explication de texte sur les croyances d’Ali.

17 – Booba – Panthéon (2004)

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Quoique premier album publié sur Tallac RecordsPanthéon s’inscrit dans la suite directe de son prédécesseur, Temps mort. La recette n’a que peu changé, mais s’est raffinée. Booba développe alors ses acquis sans se reposer sur ses lauriers, et tous les aspects de son rap gagnent en fluidité : la rime devient plus technique et moins forcée, le flow plus millimétré et plus agile, l’egotrip plus arrogant et plus noir que jamais. La production du projet est moderne et fait la part belle aux sons saturés et aux grosses basses rondes, reprenant et améliorant les techniques qui avaient largement contribué au succès de Temps mort. Le duo Animalsons est toujours de la partie, accompagné de Kore et Skalp mais aussi de Skread dans l’une de ses premières apparitions sur CD. Bref, Panthéon porte bien son nom et grave plus durablement le nom de Booba sur le fronton du rap français.

Le morceau qu’on recommande : Hors-saison, pour son instrumentale d’Animalsons, si sobre et si efficace, et pour son rap, si « Lève les bras qu’j’te fasse les poches ».

16 – Fabe – La rage de dire (2000)

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Chevauchant deux décennies, la carrière de Fabe est un sans-faute. Tous ses albums sont des classiques incontestés, sa retraite précoce a donné du crédit à ses positions et son panache face à Nagui font de lui une légende. Sur son dernier album, le rappeur du 18ème apporte la touche finale à son oeuvre et continue de tirer sur tout ce qui bouge avec ce ton caustique qui lui est cher. Savait-il que ce serait son dernier album en l’enregistrant ? On ne le saura sûrement jamais mais cela ne nous empêchera pas de profiter de l’excellence de ces seize titres.

Le morceau qu’on recommande : L’emmerdeur public numéro 1, le dernier morceau du dernier album et un premier couplet où Fabe rappe un constat sociétal inchangé depuis trente ans.

15 – Sniper – Gravé dans la roche (2003)

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Jeunes talents révélés deux ans plus tôt sur la planète rap avec un premier opus imposant, AketoTunisiano et Black Renegat reviennent en 2003 avec l’album qui allait confirmer leur potentiel. Osons même parler d’apogée pour le groupe val d’oisien tant ce second projet tient ses promesses en ajoutant la juste dose de maturité qui manquait à l’épisode précédent. Et si le titre éponyme ciblé grand public est une réussite, c’est encore avec des morceaux “moins abordables” que le trio révèle son identité et son talent artistique pour que le nom de Sniper se retrouve définitivement “gravé dans la roche”…

Le morceau qu’on recommande ? Jeteur de pierres, l’un des morceaux les plus emblématiques sur un sujet tant de fois abordé par le milieu rap. Un décor rigoureusement planté, des lyrics efficaces, une prise de position revendiquée, la recette parfaite pour un titre réussi dépassant les frontières du rap.

14 – Le Rat Luciano – Mode de vie… Béton style (2000)

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Le Rat Luciano figure régulièrement en tête des classements recensant les rois sans couronne du rap français. Il faut dire que ce rappeur au talent hors norme n’a jamais eu une carrière à la hauteur de ses performances. Trop sincère pour être numéro 1 diront certains. Manque de travail, aussi, diront d’autres. Si la vérité se situe sans doute entre les deux, Le Rat reste une légende du rap français et des rues marseillaises.

Après avoir fait remarquer son flow nonchalant et sa facilité déconcertante à poser sur Dieu Veut et Bad Boys de MarseilleLe Rat est le premier membre de la FF à sortir un solo. Et ce sera fait dans la douleur, tant le rappeur est connu pour être un éternel insatisfait. Le résultat, réellement honorable mais parfois pas assez poussé, ne plaira d’ailleurs pas réellement au principal intéressé, qui confie avoir parvenu à faire ce qu’il voulait uniquement sur les derniers titres produits, dont Faut niquer le bénéf.

Imparfait, Mode de Vie Béton Style est pourtant un petit bijou qu’il serait dommage de ne pas écouter avec attention. L’album s’illustre même comme une œuvre à part, apportant un contenu qu’on ne retrouvera jamais sous cette forme par la suite : celle d’une ode aux marginaux, aux zinzins, aux pauvres et oubliés de la République. Involontairement marxiste par moment, l’album témoigne constamment de l’opposition entre « nous » et « eux », entre la classe ouvrière (comme l’appelle lui-même Le Rat) et les nantis, mais tout en revendiquant une soif d’argent. Tout au long de l’album, le marseillais représente pour les siens et clame son amour pour les gens simples mais vrais, les gens de la zone, comme rare avant lui. Côté instru, c’est Pone qui est à la console et qui concocte sa célèbre recette de samples des années 80, de la Soul et du Funk. Un album finalement majeur qui a influencé de nombreux rappeurs actuels de la scène marseillaise, Jul en tête.

Le morceau qu’on recommandeLibre penseur, car malgré les imperfections du couplet de Costello et la simplicité du beat, le morceau accueille l’un des couplets du Rat les plus puissants de l’album.

13 – Nessbeal – La mélodie des briques (2006)

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Premier album solo de la moitié de Dicidens, La mélodie des briques correspond à son époque : pas d’interlude, pas de chant et des thèmes sombres qui collent parfaitement à la voix incomparable de Nessbeal. Certifié classique dès sa sortie malgré le peu de succès commercial, l’introspection du rappeur de Boulogne a marqué durablement les aficionados du rap français.

Le morceau qu’on recommande : La mélodie des briques, le morceau éponyme où Nessbeal déverse quatre minutes de poésie même si « aucune mélodie ne rendra beau l’immonde« .

12 – Rohff – La fierté des notres (2004)

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Troisième album de l’emblématique rappeur du 94, La Fierté des Notres est un album immense tant par le nombre de pistes que par la qualité intrinsèque des morceaux qui le composent. Porté par des productions impeccables de noms glorieux comme Sayd, JR, Skalp, Kore et autres Big Nas, soutenu par des featurings costauds comme Kery James, Admiral T et Intouchable, Rohff signait là le premier double album solo d’un rappeur français. Et bien qu’il soit assis sur l’Arc de Triomphe, c’est au panthéon du rap français qu’il entrait à cette occasion.

Le morceau qu’on recommande : Message à la racaille, un seul couplet et plus de sept minutes de réflexion pour un Rohff presque au sommet de son art.

11 – Tandem – Ceux qui le savent m’écoutent (2001)

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Pour graver son nom dans l’esprit d’un large public, il fallait soigner son entrée. Épaulés par Masta et Tefa côté production, la doublette “Mac” d’Aubervilliers livre quelques années après le passage au XXIème siècle, une pièce musicale à laquelle les années n’allaient cesser de donner du cachet. Rares sont les albums qui marquent les esprits dès la première écoute, Ceux qui le savent m’écoutent est de ceux-là. Là où beaucoup de rappeurs ne parviennent toujours pas à attirer l’attention après la 24ème piste de leur projet, Mac Gregor et Mac Tyer ne semblent pas forcer derrière le “mic” pour impressionner l’auditoire. De Tandem, la petite histoire du rap français retiendra ce premier coup réussi. Tout simplement.

Le morceau qu’on recommande : La symbiose opère entre les deux MC sur les huit pistes, mais ce sont bel et bien leur deux morceaux solos, Les maux et Imagine, qui offrent à ce projet une lumière plus intense.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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