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Les 100 meilleurs albums des années 2000 : de 40 à 31

Les années 2000 sont un paradoxe étrange dans le rap français. Bien qu’elles aient vu exploser certains des meilleurs rappeurs de France et qu’elles nous aient fourni des oeuvres intemporelles, elles ont aussi marqué la naissance du fameux slogan « Le rap c’était mieux avant ». C’est après avoir été témoin d’une énième discussion sur la prétendue pauvreté de la période que nous avons décidé de défricher la décennie pour essayer d’émettre un avis objectif. L’idée de proposer un classement nous est vite venue mais dans un souci d’objectivité nous avons contacté presque tout ce que la France compte de journalistes rap pour définir le plus précisément possible ce qui avait fait l’essence des années 2000. Ce classement n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou immuable, il marque juste une certaine cartographie de ce cycle de dix ans de rap français et, on l’espère, un outil pour que les jeunes générations s’intéressent de plus près au patrimoine du mouvement.

Retrouvez la première partie ici : de 100 à 91
Retrouvez la deuxième partie ici : de 90 à 81
Retrouvez la troisième partie ici : de 80 à 71
Retrouvez la quatrième partie ici : de 70 à 61
Retrouvez la cinquième partie ici : de 60 à 51
Retrouvez la sixième partie ici : de 50 à 41

 

40 – Don Choa – Vapeurs Toxiques (2002)

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Plus d’un an après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, ville natale de Don Choa, l’album « Vapeurs Toxiques » fait son apparition dans les bacs. Talonnant de près dans le temps les solos du Rat Luciano et de Sat, celui-ci ne fait pas exception au théorème de la FF : tout ce qu’ils touchent devient de l’art. En 17 morceaux et plusieurs bijoux, de l’Apocalypse aux Entrailles, le Don marque définitivement le rap français de son empreinte sur des productions en majorité orchestrée par l’inévitable Pone.

Le morceau qu’on recommande : Sale Sud, en featuring avec Dadoo un autre natif de Toulouse, un hymne à tout ce qui est « sale et sincère et aussi bourrin que Bourvil ».

39 – Mafia K’1 Fry – La cerise sur le ghetto (2003)

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Collectif de légende bien avant la sortie de ce premier album, la Mafia k’1 Fry est une dream team qui a su mieux que personne mettre en musique l’ambiance banlieusarde de la région parisienne. Ici, pas de complaisance ou de propos moralisateurs : ceux qui rappent sont ceux qui vivent directement le truc. Rap de rue authentique sans artifice, la musique de la Mafia k1 Fry s’était jusque-là toujours mieux porté à l’esprit freestyle qu’aux morceaux trop léchés. Finalement, le groupe se décide à sortir un véritable album studio, et La Cerise sur le Ghetto est à la hauteur de l’attente. Plus canalisée que sur leurs précédentes apparitions, l’énergie de la Mafia k1k1 reste intacte et garde toujours cette trace caractéristique de l’humour banlieusard (qu’un groupe comme Lunatic, souvent comparé à la MKFR, a toujours délaissé). L’album se paye même le luxe de compter un des plus grands classiques du rap français : Pour ceux. La plupart des autres titres sont efficaces, à l’image d’un CBRBalanceEn bas des tours ou Rabzouz. Et font directement entrer le groupe dans la légende du rap de rue le plus authentique qui soit, mais aussi le plus efficace pour manier l’image et la métaphore.

Le morceau qu’on recommande: Comment ne pas évoquer Pour ceux, hymne ultime de la rue (bien plus que le Demain C’est loin d’Iam, au final) et les mesures impeccables de chaque rappeur intervenant sur le morceau. La Mafia K’1 Fry prouve aussi avec ce titre qu’elle fait partie des plus grands as de la punchline – presque chaque phase est marquante et cinématographique. Mention spéciale aussi pour CBR et son “dehors c’est mort comme le disco”, inoubliable.

38 – Despo Rutti – Les sirènes du charbon (2006)

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Les jours défilent, une année complète s’est écoulée depuis que la mort de deux adolescents a ravivé les braises sur le sol de France. Sur fond de débat sans fin autour de l’immigration et du passé colonial “made in France”, la rhétorique cinglante de Despo Rutti trouve son chemin pour sortir de la lumière et exposer les travers d’une société française divisée. Et si la pochette de ce premier EP sorti chez Soldat sans grade en est déjà une démonstration explicite, c’est bien musicalement et plus encore lyricalement que Despo potasse brutalement la thématique en direction d’un public élargi. Son talent indéniable pour les formules et images chocs d’une société emmêlée dans ses problèmes d’inégalités latentes oblige l’auditeur à l’écoute attentive de ce projet fleuve soutenu par de nombreux invités. Le titre éponyme et ses “sirènes” loin des images mythologiques mais tout aussi attirantes pour les âmes en perdition suffisent à dévoiler l’atmosphère suffoquante d’un disque lourd à digérer.

Le morceau qu’on recommande : Le Silence des Macaques, un écho terrible à l’affaire Eunice Barber qui sert de fil rouge à cette chronique du racisme systémique propre à la France.

37 – La Rumeur – Du cœur à l’outrage (2007)

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Avril 2007. La Rumeur affirme. La Rumeur confirme. Nicolas Sarkozy s’apprête à prendre les commandes du pays tout en poursuivant en parallèle une bataille judiciaire commencée cinq ans plus tôt pour envoyer le groupe de rap dans les cordes. L’entre 2 tours de l’élection présidentielle devient un moment propice pour sortir un troisième disque grand format dans la mare républicaine cinquième du nom. Avec du Coeur à l’outrage, l’ouvrage prend une forme aboutie, puisant sa force dans les volets précédents dont elle reprend les ingrédients pour mieux les mijoter. Surtout, La Rumeur prend son temps afin d’exposer ses griefs et les rendre audibles, aidée dans sa besogne par une ambiance sonore brute devenue marque de fabrique du quatuor parisien. Là où beaucoup d’entités ont échoué à laisser leur empreinte sur la scène au tournant des années 2000, EkouéHaméPhilippe et Mourad ont su maintenir le cap vers l’intemporalitéQui ça étonne encore ?

Le morceau qu’on recommande ? Nature morte, la deuxième percée en solitaire du Bavar sur l’album. Sur un thème qu’il a écorché à maintes reprises par le passé, Philippe semble ici jeter un ultime souffle vers les braises d’une Histoire encore brûlante sur le sol de(s) France(s). Le morceau dure moins de trois minutes, son écho semble pourtant résonner bien plus longtemps.

36 – Alpha 5.20 – Vivre et mourir à Dakar (2006)

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Distribuant ses mixtapes et autres projets du Ghetto Faboulous Gang depuis le marché aux puces de Clignancourt, Alpha 5.20 ne déroge pas à la règle avec ce disque étendard porté avec fierté, le regard résolument tourné vers le continent africain. Un premier album solo à travers lequel Ousmane Badara semble déjà commencer à rédiger son testament en vue de quitter la scène artistique quelques années plus loin. Dans son rôle de parfait mauvais exemple “d’intégration” au sens où la République.fr souhaite le faire comprendre, le MC de la Banlieue nord est plus à l’aise que jamais, signant quelques-unes de ses plus belles prestations sur des morceaux collectifs comme Le mal qu’on a fait ou sur l’entêtant Boss 2 Panam.

Le morceau qu’on recommande ? Les larmes du soleilparfaite illustration de la trajectoire d’Alpha 5.20, bien au delà de son parcours dans le rap. Un titre “témoin de l’Histoire”.

35 – Hugo TSR – Flaque de samples (2008)

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Déambulations nocturnes dans les rues du XVIII, briquets, clopes et bouteille à la main. Les années ne semblent pas avoir d’effet sur ce haut-lieu de la capitale quand il s’agit de parler hip-hop, ce deuxième solo d’Hugo TSR vient confirmer le diagnostic. Depuis le bas de la butte, le MC distille avec les flaques un rap à son image, ni plus, ni moins ! Un flow qui varie peu pour évoquer une vie quotidienne laissant peu de place aux illusions et beaucoup aux rêveries. Sept ans après le premier album de la Scred, Paris 18 maintient la bonne direction qui a été la sienne depuis les débuts et le TSR Crew y est certainement pour quelque chose.

Le morceau qu’on recommande : Deux minutes pour conclure, relié à Deux minutes pour Convaincre du début d’album. Sur un piano entêtant et après un mini sample de Pink Martini, Hugo TSR tire les enseignements de l’aventure de la production d’un album quand on est « l’épicier qui lutte face à Carrefour ».

34 – Unité de Feu – Haine, misère et crasse (2006)

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Toujours sur Neochrome, Alkpote et Katana lâchent en 2006 un album cru et incendiaire auquel certains reprocheront un manque de finesse évident. Mais si cet album est toujours plébiscité plus d’une décennie plus tard et les deux membres du groupe toujours aussi respectés, c’est pour la spontanéité et la pertinence des propos défendus par les deux rappeurs d’Evry. Les thèmes ne sont pas novateurs mais c’est bien la qualité d’écriture qui fait ici la différence notamment sur le morceau éponyme ou sur Fer de Lance.

Le morceau qu’on recommande : Rimes de Vampires, un featuring gigantesque avec

33 – La Caution – Asphalte hurlante (2001)

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Deux ans après Les Rues Electriques, La Caution faisait voler en 2001 les murs un peu trop serrés du rap français. OVNI musical et excellent produit, Asphalte Hurlante est peut-être déjà l’apogée de Hi-Tekk et Nikkfurie, soutenus par des productions parfaites de DJ Fab. Novateur, avant-gardiste, culotté, une avalanche d’adjectifs pourrait coller à cet album qui a probablement changé la face du rap français en douceur, montrant à tout le monde que la différence était parfois une incroyable richesse.

Le morceau qu’on recommande : Entre l’index et l’annulaire, une prouesse lyricale en featuring avec Izno, Saphir et 16S64 sur un format d’échange de couplets inhabituel.

32 – MC Jean Gab’1 – Ma vie (2003)

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Ce n’était qu’un morceau sur les fantasmes et les accents moralistes du rap français, ce dernier l’a transformé en traumatisme ! Difficile de parler du premier album de MC Jean Gabin sans évoquer J’t’emmerde, son titre d’ouverture et sa longue liste de MC assis sur le banc des accusés. Mais Ma vie, c’est d’abord et surtout un projet autobiographique. Celui de Charles M’Bouss, enfant de la DDASS devenu braqueur puis emmerdeur du rap français après une existence passée dans l’ombre des rues parisiennes et des cellules berlinoises. Ol’ Tenzano dans un rôle de guide côté production, cet album aurait pu être un livre, il est aujourd’hui le témoignage le plus marquant d’un MC qui n’était pas attendu pour tenir ce rôle.

Le morceau qu’on recommande : Enfant de la DDASS, pour un bout d’existence au cœur d’un monde laissant l’innocence sur son palier, pour le phrasé de Gab’1 en symbiose avec le thème, pour le clip qui l’accompagne.

31 – Kery James – Si c’était à refaire (2001)

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Premier album solo de ce monstre du rap français, Si c’était à refaire a été enfanté dans la douleur. Après le décès de Las Montana dans des circonstances troubles, Kery James quitte la musique pour chercher la paix dans l’islam. Convaincu par ses proches de revenir à son premier amour, le rap, il revient avec un ton complètement différent de celui qui était le sien avec Ideal J. Épuré dans le fond comme dans la forme, Si c’était à refaire est un monument du rap, un disque profond et inoubliable.

Le morceau qu’on recommande : l’évident 28 Décembre 1977, une longue et lente autobiographie portée par des arrangements sublimes.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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