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Les 100 meilleurs albums des années 2000 : de 50 à 41

Les années 2000 sont un paradoxe étrange dans le rap français. Bien qu’elles aient vu exploser certains des meilleurs rappeurs de France et qu’elles nous aient fourni des oeuvres intemporelles, elles ont aussi marqué la naissance du fameux slogan « Le rap c’était mieux avant ». C’est après avoir été témoin d’une énième discussion sur la prétendue pauvreté de la période que nous avons décidé de défricher la décennie pour essayer d’émettre un avis objectif. L’idée de proposer un classement nous est vite venue mais dans un souci d’objectivité nous avons contacté presque tout ce que la France compte de journalistes rap pour définir le plus précisément possible ce qui avait fait l’essence des années 2000. Ce classement n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou immuable, il marque juste une certaine cartographie de ce cycle de dix ans de rap français et, on l’espère, un outil pour que les jeunes générations s’intéressent de plus près au patrimoine du mouvement.

Retrouvez la première partie ici : de 100 à 91
Retrouvez la deuxième partie ici : de 90 à 81
Retrouvez la troisième partie ici : de 80 à 71
Retrouvez la quatrième partie ici : de 70 à 61
Retrouvez la cinquième partie ici : de 60 à 51

50 – Psy 4 de la Rime – Block Party (2002)

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Moins de 3 secondes auront suffi à Sya Styles pour faire bouger les têtes, avant de laisser la couverture au trio Alonzo,Soprano et Vicenzo. Avec la sortie du single Le son des bandits, le sample tiré du titre So Sad de la chanteuse Marianne Faithfull accouche d’un second classique promis à l’éternité, 2 ans après la sortie de Touche d’espoir d’Assassin. Un travail de production remarquable qui n’attendra pas longtemps pour être remarqué. L’année 2002 voit à travers Block party, l’émergence d’un groupe faisant écho à toute une génération. Loin d’être seuls dans cette tâche artistique, les Marseillais sont de ceux que le succès d’estime n’oubliera pas, conséquence d’un premier grand format maîtrisé et cohérent d’un bout à l’autre.

Le morceau qu’on recommande : Il y a des morceaux faits pour marquer l’identité d’un groupe. Sale bête, peut-être encore mieux que Le son des bandits, remplit ce rôle à merveilles sur Block Party : ambiance, force, maîtrise, tout y est !

49 – 113 – 113 fout la merde (2002)

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Si cet album du 113 n’est pas l’apogée de DJ Mehdi, il y touche quand même les sommets et son duo avec Manu Key sublime tout le disque. Mais 113 fout la merde est bien plus que ça : un casting incroyable (KarlitoRohffDon Choa et Le Rat Luciano), l’intervention d’un membre des Daft Punk sur le titre éponyme et des tubes en pagaille. Victime de son relatif succès (même s’il est disque d’or), cet album sera réédité l’année d’après sous le nom de 113 dans l’Urgence. Un désaveu malheureux pour un disque très solide qui a su traverser les époques comme Rim’K.

Le morceau qu’on recommande : De l’autre côté de la rue, une passe d’armes entre AP et Rim’K sur un sample de Curtis Mayfield (The Other Side of Town) où ils jouent avec le name-dropping du commissaire Broussard pour raconter l’autre côté du périph’.

48 – Seth Gueko – Patate de forain (2007)

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Alors que revoilà Seth Gueko. Deux ans après Barillet PleinSeth Guexx revient baffer le rap français avec son style très à lui. C’est surtout le côté brut et cru de l’ensemble qui a frappé les auditeurs de l’époque et qu’ils continuent de plébisciter. Un rap sale et débridé dans un street-album cohérent et bien produit, rempli de bons mots outranciers, c’était la recette parfaite pour devenir l’un des rappeurs qui aura le plus marqué la décennie.

Le morceau qu’on recommande : J’marche avec ma clique, parce qu’il ne faut jamais oublier de mettre en avant les featurings avec Despo Rutti. Sur une production de Cirozsport, les deux rappeurs phares des années 2000 témoignent de toute l’affection qu’ils ont pour la police. Imparable.

47 – Rocé – Identité en crescendo (2006)

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La tenue d’explorateur enfilée, Rocé part en quête des identités avec un grand “S”. En commençant par les siennes, abritées sous le nom de José Kaminsky que le MC décompose sur le morceau d’ouverture, Je chante la France. Identité géographique, identité historique, identité sociale construite entre clichés et préjugés persistants. Épaulé par Archie Shepp, cet album reste une œuvre singulière dans le paysage rapologique, Rocé y quittant sa zone de confort pour le chemin de l’expérimentation musicale après un “Top départ réussi.

Le morceau qu’on recommande : Des problèmes de mémoire, pour des problèmes de résonance en 2019.

46 – Karlito – Contenu sous pression (2001)

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Étrangement décrié à sa sortie, cet album de Karlito est depuis toujours cité parmi les grands. On lui reprochait son flow traînant ou maladroit mais c’est aussi son originalité qui lui a permis de durer. La patte de Mehdi est si forte qu’on tient peut-être là la première collaboration entre un rappeur et un producteur sur un album entier dans le rap français. Finalement l’essentiel se trouve dans les textes de Karlito, toujours pointus et pertinents, mis en valeur de manière exquise par la talentueuse et regrettée Mehdiorite.

Le morceau qu’on recommande : La Rue Cause, parce que “doute de ton pouvoir, tu donnes du pouvoir à tes doutes.”

45 – Diam’s – Dans ma bulle (2006)

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On a tendance à l’oublier mais en 2006, Diam’s a autant survolé l’année que l’équipe de France de football. Sorti début février pour la Chandeleur, Dans ma Bulle était disque de diamant à Noël à une époque où cela signifiait encore un million d’albums physiques vendus. Troisième album de la rappeuse du 91, il est aussi le plus maîtrisé, une espèce de combinaison parfaite entre le commercial et le populaire. Parce que si l’album a des travers un peu grotesques qu’on ne connaissait pas à Diam’s (Confessions Nocturnes), il dispose quand même d’excellents morceaux que ce soient des tubes (La Boulette) ou des introspections plus poussées (Feuille BlancheCar tu portes mon nom). Tous les travers potentiels du disque sont de toute façon balayés par la fougue et la puissance de Mélanie quand elle rappe au micro. Et elle le fait sacrément bien.

Le morceau qu’on recommande : Petite Banlieusarde, un morceau sans refrain où elle raconte son rapport à la gloire et le peu que ça représente pour elle.

44 – Disiz la Peste – Poisson rouge (2000)

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Sorti à la fin de l’année 2000 après l’immense succès de J’Pète les Plombs à l’été, Le Poisson Rouge avait tout pour plaire au grand public. Deux immenses featurings (Joey Starr et Akhenaton), d’autres artistes complets (Juan Rozoff et Thione Seck entre autres), des thèmes convenus et des productions dans l’air du temps suffirent à placer Disiz en orbite pour le restant de sa carrière. 19 ans après, on constate que cet album a marqué les auditeurs et que l’empreinte du natif d’Evry sur cette décennie est indéniable.

Le morceau qu’on recommande : La philosophie du hall pour les présences de Juan Rozoff et Eloquence sur une grosse production de Jmdee. Eloquence et Disiz se renvoient des couplets sur les naufragés du quartier entrecoupés des refrains suaves de monsieur Rozoff.

43 – Médine – Jihad (2005)

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An 2005. L’hypothèse est confirmée : Médine ne sera pas de ces MC’s à la résonance éphémère. Avec ce second opus “coup de poing”, le Havrais perfectionne ses talents de narrateur, en marche sur un fil séparant pédagogie et provocation. Et si le titre de cet album suffit seul à illustrer cette volonté de bousculer les cerveaux, les quinze pistes qu’il contient suivent le même objectif. Pari réussi. Ce “Jihad” laisse entrevoir un espoir entre les lignes à qui fait la démarche d’écouter attentivement.

Le morceau qu’on recommande : Du Panshir à Harlem. Pour ceux qui n’ont pas trouver le temps de visionner le Malcolm X de Spike Lee et qui n’ont jamais entendu parler d’Ahmed Massoud.

42 – Ärsenik – Quelque chose a survécu (2002)

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Comment enchaîner après un album aussi énorme que le premier des deux frangins ? C’est forcément la question qu’ils se sont posés en entrant en studio. La réponse est simple : continuer à faire ce qu’on sait faire mieux. Et même si ce second disque est moins marquant que le premier, il n’en reste pas moins excellent. On y retrouve ce qui a fait la force d’Ärsenik, des textes percutants et des couplets incendiaires et même si les productions ont pris un peu de lumière et sentent moins la pluie que sur Quelques Gouttes Suffisent, les seize titres offrent une virée en terre hostile des plus réjouissantes.

Le morceau qu’on recommande : P***** de Poésie, sur le rapport introspectif à l’écriture et la sincérité qu’il en émane.

41 – Keny Arkana – Entre ciment et belle étoile (2006)

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De sa carrière, on retiendra avant tout l’engagement de Keny. Comme elle le dit elle-même, “[elle n’est] pas une rappeuse mais une militante qui fait du rap”. Tête de file d’un mouvement d’extrême gauche dont elle revendique largement l’appartenance, chantre de la décroissance, du militantisme écologique, de l’anticapitalisme, et de l’altermondialisme, cette argentine d’origine, boulonnaise de naissance et marseillaise d’adoption arrive en 2006 avec ce premier album qui fait suite à plusieurs mixtapes et maxis. On retrouve dans cet album ce qui a fait et fera l’ADN de Keny Arkana : un rap offensif, colérique, qui parle aux oubliés de la mondialisation et du nouveau monde ; un accent marseillais, du storytelling autobiographique, un appel à la mobilisation. On aurait pu reprocher à Keny de sacrifier la forme sur l’autel du fond, mais c’est bien l’alchimie entre flow et paroles qui fait de ce disque un grand disque. Car si Keny Arkana fait passer son message avant toute chose, elle n’en reste pas moins une excellente rappeuse capable de créer des morceaux cohérents, de varier les flows sur différents types d’instrumentales. Un vrai disque de rap français, conscient sans être chiant, revendicatif et vindicatif sans être rébarbatif avec des morceaux devenus de réels hymnes dès leur sortie.

Le morceau qu’on recommande : le piano et la guitare sèche argentine de Victoria, avec son refrain chanté et joué par Claudio Ernesto González, un guitariste de rue argentin que la marseillaise a découvert par hasard et qu’elle a invité sur ce morceau contant l’histoire tragique d’un pays brisé à travers les yeux d’une jeune fille.

La méthodologie : chaque votant devait choisir cinquante albums. Il attribuait cinquante points à l’album qu’il plaçait en première position, quarante-neuf points au second et ainsi de suite jusqu’au cinquantième qu’il créditait d’un point. La liste de base n’était pas fixe et chacun était libre d’ajouter les albums de son choix.

Les votants : nous avons eu la chance de pouvoir compter sur la participation des rédactions de L’Abcdr du Son, Reaphit, Le Bon Son, Revrse ainsi que feu SURL, en plus de Genono, Spleenter et Olivier Cachin. Leur présence a fait monter le total des votants à 43 et il est à noter que dans un souci de partialité, l’organisateur de ce classement a préféré s’abstenir afin de n’influer d’aucune manière sur le résultat final.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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