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[Chronique] 2010 – Etoiles Du Sol – Dooz Kawa.

En 2010 sortait Etoiles du Sol, le premier album de Dooz Kawa. Totalement inattendu mais très prometteur, il apportait alors un peu plus de diversité dans le rap français. En indépendant, l’ex membre de T Kaï Cee met toute sa créativité au service du rap : lumière sur un artiste décalé et inspiré.

La singularité de Dooz Kawa, on l’anticipe à la lecture du premier titre, Balalaïka. Ce mot surprend : balalaïka, une sorte de luth russe. Pourquoi un titre pareil ? Quelques notes et on comprend. L’introduction est chantée en slave et le rappeur se fait accompagner par le guitariste Mandino Reinhardt, un poids lourd du jazz manouche français. En parcourant les pistes, on compte deux autres collaborations avec des instrumentistes : Bireli Lagrene, Mito Loeffler. De fait, Dooz Kawa privilégie l’instrument aux samples, et ça paie.

Il ne s’agit pas de balancer trois accords de guitare et de flirter avec le jazz manouche pour faire un album de qualité. Le tout est dans la manière : l’album créé une symbiose entre un milieu rap affirmé et des mélodies d’un autre univers.

C’est là qu’intervient l’artiste. Cette osmose, elle tient en fait à sa propre personne. Sa voix chaude et lumineuse, il n’hésite pas à la moduler selon le propos qu’il tient. De la sorte, elle fait écho, et aux mélodies parfois sombres, parfois doucement lancinantes, et au contenu de son rap. Une voix douloureuse pour des textes mélancoliques, toujours sur un ton tendu et tremblant. Dooz Kawa a beaucoup à dire et peu de temps pour le faire, et donne l’impression toujours d’être à deux doigt de s’effondrer. Une voix ravagée, de quoi transmettre une charge d’émotion supplémentaire, en plus de celle de ses textes.

Ces textes ont une teinte le plus souvent mélancolique : aux réflexions existentielles sur l’amour ou sur Dieu répondent des textes plus centrés sur sa propre vie ( “Je suis de la mauvaise herbe locale / Poussant en liberté dans le jardin accidenté hexagonal”). L’artiste accompagne son ton souvent cynique et désabusé (“Moi j’aime la race humaine avec du sel et du Mezcal”)  d’une plume résolument poétique :

“Quand il n’y aura plus de soleil
Même dans les yeux de l’andalou
Je t’offrirai les fleurs du ciel
celles qui rendent les anges jaloux
Si seulement t’étais réelle”

Si bien que Dooz Kawa semble allier deux artistes assez éloignés. Il y a du Soklak et du Oxmo Puccino*, dans l’écriture et dans les choix artistiques.

Ne pas se méprendre pour autant : l’intérêt de Dooz Kawa, c’est qu’il fait du Dooz Kawa. Une voix particulière utilisée dans toutes ses inflexions. Une personnalité assez marquée pour avoir un flow qui lui est propre. Une ambiance musicale dont il s’imprègne totalement. Trois éléments qui en font un artiste dans sa pleine maturité. Il n’est pas le novice en quête d’identité ou de reconnaissance. Il est l’ovni strasbourgeois du rap français. Un album qui brille dans l’ombre : c’est en fait ça, l’Etoile du Sol.

Soufiane Khaloua

* Concernant le Black Popaye, le MC a de lui même fait la référence : “J’ai mal au mic, pour paraphraser un MC pas rassasié.”

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

1 commentaire

  1. Bonjour
    Petite précision
    L intro c est du yiddish
    Je ne sais pas pourquoi l artiste à fait ce choix mais cela m interpele

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