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2010 – La Cuenta – Rohff

Le duel n’aura pas eu lieu. Le fameux clash attendu Booba/Rohff a accouché d’une souris. D’une part, parce que les intéressés n’y prêtent guère attention et d’autre part, car leurs albums sont très différents. Rohff revient avec un sixième album aux accents espagnols. En effet, La Cuenta signifie l’addition dans la langue latine. Sera-t-elle salée ? Rendez-vous en fin de chronique.

La couverture.

Face aux acheteurs, Rohff se présente avec un regard de défi. Prêt à en découdre. Légèrement de côté, un petit sourire aux lèvres, comme pour narguer. Les lettres brillantes et la numérologie de carte de crédit ne nous rappellent que trop le penchant du bonhomme pour l’imagerie bling-bling et tous ses dérivés.

Le flow.

Egal à lui-même, Rohff a toujours beaucoup de puissance dans les cordes vocales. Sur certains sons comme On Fait Le Taf, il développe une technique quasi-parfaite. Régulier dans son phrasé, il ne varie quasiment pas d’un iota de tout l’album d’où une certaine lassitude au bout des 16 pistes. En effet, sur trois morceaux pris au hasard (Rien à Prouver, Célibatard, Fais-moi La Passe), la moyenne de mot à la seconde est quasi-identique puisqu’elle atteint 3.5. Et ce n’est pas le talent des huit featurings qui réussit à rattraper le coup puisqu’ils sont six à abuser de l’auto-tune.

Les instrumentaux.

Que vise Rohff avec cet album ? Parce que après des sons comme Rien à Prouver, On Fait le Taf, Fais Doucement et Dans Ma Werss avec un beat électro, la question mérite sérieusement d’être posée. Son public risque de s’y perdre et les auditeurs de Hip-Hop aussi. Pourtant, la première piste de l’album laisse présager d’une atmosphère sombre et inquiétante. C’est dommage car à trop vouloir faire dans la tendance, on finit par ne plus aller dans la bonne direction.

Les textes.

Il est déprimant de constater qu’après plusieurs écoutes, il n’y a pas grand-chose de positif à retenir de cet opus de Housni. Tout d’abord et comme sur l’album de Booba, le contenu est beaucoup trop décousu pour être pris au sérieux. En prenant des notes à l’écoute de chaque titre, la rédaction a inscrit « propos confus » pour sept des seize pistes.

Quand on a l’indéniable niveau de Roh2f, sortir une rime comme « J’ai l’art et la manière de m’en sortir sans C.V. / Mon studio ne capte pas mais je sais que vous me recevez », surtout pour ouvrir un morceau, est une faute professionnelle. Et les exemples sont légions : « Leurs albums vendent moins que mes vieilles chaussettes sur eBay / Je suis bankable, les jours se lèvent pour m’apporter la paye », « Je vois ton aluette vibrer au fond de ta bouche quand t’es morte de rire », « Tu vivras d’un tournevis il te faut une boite à outils / On se déshabille sans amour, entends les cris de la routine ». Vous aurez compris notre point de vue.

Ce qui est malheureux, c’est que rien n’a retenu notre attention à part quelques pauvres phrases perdues qu’on ne peut même pas qualifier de punchline comme sur Tu Pardonneras : « Je peux savourer ma gloire, bling bling, villa, piscine / Ma vie n’aura jamais le goût de sa cuisine » pour le petit côté nostalgique. Nous avons apprécié aussi celle-ci sur Célibatard : « Les Je t’aime aux jeux de haine ».

Cette pénurie est surement la faute des thèmes abordés. Comment peut-on diversifier son talent en parlant toujours inlassablement des mêmes choses ? Encore une fois comme Booba, le rappeur de Vitry ne parle quasiment que de femmes et d’argent. Crachant son arrogance aux oreilles de ses auditeurs, il oublie de respecter son public. D’autant plus qu’en invitant Wynter Gordon, notoire vendeuse de soupe plus ou moins dance ; Jena Lee, qui se définit elle-même comme faisant du « Emo-R&B » ; rajoutons-y Zaho, Karim Benzema et La Fouine, Rohff vise clairement une cible précise : les adolescents.

Conclusion.

Au final, alors que Rohff a un passé plutôt agréable, on en vient à avoir du mal à terminer l’écoute de cet album. L’overdose étant proche à l’arrivée de l’avant-dernier morceau : Fais-moi La Passe ressemble à tout sauf à un titre de rap et le gimmick ridicule « Roh2f est là, Benze-Benze-Benzema » scandé par un semblant de foule nous a semblé être une parodie du niveau de Yannick (Ces Soirées-Là) tant le morceau est risible. Pour conclure, l’addition n’est pas salée, partez-tous sans payer. Ça vaudra mieux.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

3 commentaires

  1. Ce n’est pas avec des albums comme ça qu’il sera meilleur rappeur français et encore moins de tous les temps.

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