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[Chronique] Triptik – Depuis.

On attendait avec impatience le retour du triptyque au style unique. Le groupe, connu d’un relatif grand public pour les titres Bouge tes cheveux et Panam’ se reforme, après l’échec commercial et non mérité de leur TR-303. Partis voguer sur leurs carrières solitaires, Drixxxé, Dabaaz et Black’ Boul reviennent au port tous ensemble presque dix ans après. Et c’est une bonne prise.

Drixxxé annonce la couleur dès l’intro. On repart sur la même base musicale que TR-303, avec ici un sample old school de KRS-One. Dabaaz vient confirmer cette impression en envoyant un On remet le couvert c’est parti sans équivoque. Un bon morceau de transition avec l’album précédent. La nostalgie est présente dans ce titre, comportant quelques punchlines dans l’ambiance jazzy presque habituelle du trio (trompette, saxo et batterie), appuyé par un clip à l’ancienne. Triptik adopte la tendance moralisatrice présente chez les rappeurs de leur expérience, comme Rocé a pu l’exprimer également sur la piste Le Savoir En Kimono tirée de l’album L’Être Humain et le réverbère . Bref, Triptik voulait se faire entendre en se resituant sur la scène rap actuelle. Confirmation, ils font bien partie des seuls trentenaires à rapper comme des adultes.

Ils le confirment en abordant le thème de la paternité avec Papa. L’attaque du couplet nous envoie un clin d’œil de la fin des années 90, tout comme le sample de Xzibit. Cette chanson relate les moments de la vie de père mais sans apporter de réflexion approfondie sur le sujet. Par moment, dans ce titre, le flow de Black’ Boul pourrait rappeler celui de Talib Kweli, irrégulier mais toujours très bien posé. Les effets musicaux sont nombreux tel le crescendo précédé du mute avant le début du second couplet et la fin brutale du titre. On retrouve par la suite un accompagnement rappelant le titre J’Ai Fléchi de Pit Baccardi. Justement, il est abordé un sujet identique et unique chez Triptik : l’amour. Il est évoqué par l’intermédiaire d’une brève réflexion sur les difficultés et les bons moments de la vie de couple, le thème de la paternité revient une nouvelle fois. Il est bon de les entendre un peu se livrer à nous.

Le titre Pas De Doute débarque comme un cheveu sur la soupe au milieu de cet album avec son instru électro où apparaissent 2 collaborations : Deen Burbigo et 3010. Le morceau égotripé a l’avantage de mettre en avant la jeune scène française, à défaut de texte réfléchi. Des groupes plus récents que Triptik, comme 1995, se sont justement faits critiqués pour des contenus similaires. Sauf qu’ici bien sûr on ressent l’expérience d’écriture et de phrasé. La production est plus sophistiquée, les flows sont plus élaborés. Le titre En Haut traite de leur vision du rap et entre autres de la nouvelle vague, qu’ils acceptent volontiers. L’outro arrive en fondu enchaîné pour nous annoncer la fin de cet EP.

Voilà pour les titres majeurs de cette galette. Un autre morceau à distinguer est Bande De Followers, un titre sur une production électro avec vocoder, semblable à celles que l’on peut entendre actuellement. Avec le lancement d’entrée du refrain, on se dit que Triptik s’est laissé tenter par les tendances actuelles. Mais non, bien au contraire, c’est pour mieux critiquer cette mouvance aussi bien musicale que sociale. Et même si les membres de ce délirant crew ne veulent pas être pris pour des moralisateurs, on aimerait justement qu’ils donnent plus leur avis et qu’ils traitent notamment certains sujets actuels comme ils l’avaient auparavant fait avec AmericaBrousse UrbaineNouveau Visage ou le délirant Star System. Certes, ce n’est pas leur domaine de prédilection mais c’est ce qui semble manquer à l’ensemble.

On retrouve donc dans cet album des morceaux proches de ce qui a fait le succès de Triptik, mais également des morceaux aux goûts du moment, qui nous montrent qu’ils restent à la page. Et s’ils font la part belle à l’égotrip, gageons que c’est parce que le format EP s’y prête plus et que l’album ne comportera pas plus que les quatre pistes concernées ici. La traversée du désert est terminée pour le trio, ils nous reviennent en pleine forme avec une très belle ébauche. En attendant le prochain voyage.

Guy Laguitt.

 

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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