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[Interview] Warlock Bazané : « Le One One, c’est la crème de la crème »

Le  One One By Bazané, c’est le plus grand open-mic de France mais ce sont aussi des soirées où l’on s’exprime librement et où l’ambiance est au rendez-vous. 50 mcs qui se succèdent sur scène devant une salle chauffée à blanc. À la tête du concept, Warlock Bazané, que nous avons rencontré.

Pourquoi « Warlock Bazané » ?

Warlock c’est un personnage de BD Marvel, il est méchant au début et bon à la fin. Il est super charismatique. Bazané c’est simple, on a pris ce qui nous représentait le plus. On était trois à l’époque dans le groupe et on était que des basanés, maintenant on est plus que deux. Ol Zico et moi.

Et pourquoi les open mic « One One » s’appellent comme ça ?

Parce que ça se termine en affrontement, un contre un. Il n’y a pas de clashs mais à la fin les mecs sont l’un face à l’autre.

C’est toi qui est à l’origine du concept ?

À l’origine du concept plus ou moins, parce que à l’époque, au début des années 2000, il y avait un bordel qui s’appelait 12Inch Allstar auquel j’étais participant, j’avais même gagné une édition. Ol Zico aussi avait gagné une édition. C’était Lex qui organisait ça et c’était mortel. Ça se passait au Batofar.

C’était quelle époque ?

C’était entre 2001 et 2003. Ensuite il y a eu End Of the Weak au Batofar qui a commencéen 2004. Ça s’appelait donc 12Inch Allstar, c’était 50 voir même 60 MCs et il y avait un seul vainqueur à la fin. C’était à peu près le même concept sauf qu’il y avait 12 sélectionnés, donc à la finale il y avait 3 MCs et je trouvais ça un peu bizarre. J’ai réduit à 8. Et puis c’était le public qui décidait sur les phases finales qui allait sortir. C’était un gros bordel puisqu’il y avait des mecs qui venaient à 20! Nous on a adapté ça, on a fait le One One avec 50 MCs, il y a 8 sélectionnés et un seul vainqueur.

Et le public n’a pas son mot à dire, la décision appartient au jury ?

Oui, après ça se discute encore parce qu’il s’avère que pour le dernier One-One, avec le recul je suis pas forcément d’accord avec le choix du jury. Donc j’hésite encore à faire revenir le public pour les phases finales. Je pense que ça peut apporter un truc en plus. Ça se discute.

C’est vrai aussi que plus le MC a de potes avec lui dans la salle, plus il a de chance de gagner…
S’il est venu avec 15 potes et qu’on est dans une salle de 250 personnes, le bruit qu’ils vont faire si l’autre l’a démonté va être négligeable. Au 12Inch ça payait toujours, le public choisissait et il y avait quand même toujours une cohérence. Donc on discute encore pour savoir si le deuxième tour va se faire à l’applaudimètre.

Est-ce que le concept se rapproche de celui d’End of the weak ?

Je trouve pas du tout. Moi j’aime l’impro et même si aux End of the weak il ne font pas que de l’impro, ça reste très centré la-dessus. J’aime bien aussi Rap Contenders, c’est du clash, c’est cool. Je pense qu’il fallait une place pour le texte, il n’avait sa place nulle part dans le paysage des contests de rap français.

Il n’y a jamais d’improvisation dans les One-One ?

Si tu peux faire de l’impro mais c’est à tes risques et périls. Faut pas couper dans les One-One, faut vraiment défoncer ça pour le faire !

Une fois l’idée trouvée, comment tu t’y est pris pour rendre le projet concret niveau logistique? Trouver des salles, des organisateurs,etc…

Il y a beaucoup de One-One aux Cuisines à Chelles. J’ai une longue histoire avec Chelles parce que j’étais au lycée la-bas et déjà très jeune, j’avais organisé quelque chose aux Cuizines. On en a fait aussi à Paris, en l’occurrence à l’Alterna. En fait je n’ai pas vraiment d’équipe, je suis assez solitaire sur le projet. Mais il y a plein de personnes autour: il y a eu l’atelier de Chelles qui m’a apporté une grosse aide sur la vidéo, que ça se passe à Chelles ou à Paris; maintenant il y a Pierre Win qui filme. Je travaille avec des gens mais c’est vrai que pour démarcher des salles et ce genre de choses, je fais tout tout seul. C’est de l’autoproduction totale.

Il y a des gens qui te sponsorisent ou qui t’aident financièrement ?

Financièrement j’ai un partenaire c’est Hold Up Wear, c’est une marque de vêtements. On ne va pas se mentir, c’est une marque qui en est encore à ses balbutiements donc ils ne m’apportent pas encore quelque chose niveau financier, même en sapes ils ne donnent pas grand chose. Je trouve quand même que c’est bien de travailler avec une marque dès le début, de la prendre au berceau. Nous même, on est une start-up. On fait les choses ensemble, en parallèle, et s’il y en a un qui pète et qu’il y a moyen d’envoyer une corde, c’est cool.

Hold up wear

Comment tu arrives à fédérer autant de monde aux open mic sachant que c’est assez loin, je pense à Chelles par exemple ?

On va revenir à Paris. Il y avait juste un énorme problème c’est que bizarrement depuis certains événements (ndrl : les attentats), il semblait que j’avais plus de mal à trouver quelque chose ! Notamment parce que le rap français recommence un peu à faire peur à cause de ces trucs là. Je ne sais pas pourquoi on les assimile mais c’est comme ça et donc il n’y a plus trop de place pour le rap français. End of the weak est déjà bien installé sur Paris. Moi je n’étais pas trop installé, j’étais encore en train de changer de salle pour trouver la perle. Ça a été compliqué mais je pense que l’année prochaine on sera à Paris. Si on a réussi a ramener 200 personnes à chaque One One jusqu’à Chelles, je pense qu’à Paris on va faire venir encore plus de monde.

J’ai vu qu’il y avait eu un One One à Bordeaux, il y aura d’autres villes ?

Il y a Clermont-Ferrand le 9 avril (ce sera la quatrième date là-bas), il y a Marseille de prévu aussi (ce sera la troisième date), mais j’attends qu’il fasse beau! Je t’avoue que quand j’y vais, je profite aussi du soleil. Et puis il y aura surement une date à Bordeaux avant l’été.

Dans les autres villes ça marche aussi bien qu’ici ? 

Bordeaux je pense que c’est la date qui a le mieux marché. Pas en termes de peuple, même s’il y avait du monde. Je crois qu’on était 240/250 personnes dans une salle prévue pour 250 personnes justement. Mais dans l’engouement les mecs avaient vraiment la dalle, j’ai rarement vu des mecs qui avaient autant la dalle qu’à Bordeaux. Ils ne voulaient pas lâcher le mic. Dans la salle, c’était un bordel monstre, franchement c’était cool.

En ce qui concerne le jury, comment tu les choisis ? À chaque fois c’est des rappeurs ?

Pas forcément, il y a eu des journalistes. En l’occurrence il y a eu Hakima Aya de LFM radio, une spécialiste de rap français depuis longtemps. Il y a eu Lion Scott qui a fait ses marques aussi dans le rap français. Il y a eu Sayd des Mureaux qui est un gros beatmaker. Il y a eu aussi plein de rappeurs, des bonnes têtes. Des mecs qui ont fait leur bout de chemin dans le rap Français.

C’est toi qui les choisis ?
Oui, et c’est aussi selon la disponibilité des mecs. J’ai pas tout le monde non plus. Je fais avec les mecs que je connais. J’appelle pas de mecs que je connais pas. Vu que ça fait longtemps que je suis dans le rap français, je connais quand même du monde donc ça va, j’arrive à gérer des têtes intéressantes. Les gens reconnaissent leur légitimité dans le délire. Il y a eu Swift Guad, Deen Burbigo, Scar Logan, Paco, Flynt, Nasme, et j’en passe.

La première soirée One One c’était quand ?
C’était le 12 janvier 2012.

Donc c’est assez récent ! Tu a constaté des changements ? Le phénomène a pris de l’ampleur ?

C’est très bizarre parce que chaque One One est différent. Avec ses avantages et ses inconvénients. Un soir ça va être plus le niveau que l’ambiance, un autre soir plus l’ambiance que le niveau, un autre soir les deux. Je pense que le One One le plus ouf c’était au Café de Paris, la deuxième édition. Il y a eu d’autres One One de frappés aussi, mais c’est vrai que la deuxième édition était incroyable au niveau de l’ambiance. La salle était trop petite, il y avait 300 personnes dans une salle prévue pour 80, donc les gens se marchaient presque dessus. Il y avait des gens sur les tables, c’était un bordel monstre. Les DJ ne pouvaient même pas aller pisser parce qu’il y avait trop de monde, on ne pouvait pas traverser c’était impossible. Grosse soirée, en mode cainri (rires), truc de malade.

Comment les MCs doivent s’y prendre pour participer ?

Il y en a 25 qui s’inscrivent et après on essaye de faire passer tous les MCs qui sont dans la salle. On dit 50 participants mais parfois c’est 53, 58. Dans la mesure du possible puisqu’on a un timing. Quand il est terminé on passe à la suite.

La sélection se fait comment ?

Je sélectionne dans la salle directement, comme à l’ancienne. À l’arrache. Il y a du MC dans la salle. Les mecs lèvent le bras, il n’y a pas de critère. J’essaye de faire rapper tout le monde. Peu importe le mec qui va monter, si je le connais ou pas rien à foutre. D’ailleurs je préfère même faire monter des mecs que je connais pas. La plupart du temps on fait poser tous les MCs de la salle, c’est rare qu’il y en ait qui repartent déçus. Je n’ai même pas le souvenir que ce soit déjà arrivé.

Peut être que tu ne les vois pas ?

Si, les critiques tu les as le lendemain. Dès que je me réveille je me connecte sur Facebook et j’ai des retours.

Et il y a des filles qui participent?
Au dernier One One il y en a eu deux. Il y a une fille qui a gagné qui s’appelle Nasma, une meuf qui venait d’ailleurs de Suisse. Elle fait partie de Red Collectif. Elle est venue, elle a vaincu.

 

Nasma du red
Il n’y en a quand même pas beaucoup.

Il y en a très peu et c’est dommage, en plus je pense que certaines ont des appréhensions. Pourtant les MCs sont plutôt à l’aise quand elles viennent. Justement la plupart des filles m’ont dit qu’elles ne s’attendaient pas à ça. Elles montent sur scène, elles sont hyper bien accueillies, elles ont l’impression limite d’être entre copines. Je ne sais pas si t’as déjà vu une meuf monter sur scène au One One, mais franchement c’est cool.

Là, c’est la quantième édition ?

À Paris c’est la 16ème. Avec les autres villes on a fait 23 éditions.

C’est à quelle fréquence ?

À un moment c’était tous les trimestres, mais on a fait une pause parce que je suis devenu papa. On est en train de reprendre tranquillement.

Le vainqueur gagne quoi à part la fierté ?

Une place sur la compilation et un peu de promo radio, on essaye d’en faire le plus possible. Il y a la grande finale qui va arriver aussi avec tous les gagnants d’Ile de France. Il y aura un gros showcase, on va essayer de mettre une bonne tête, un bon kicker français. Comme ça, on va passer une bonne soirée.

Tu as des envies d’évolution ?

Ça va être du développement d’artiste surtout. Pour le grand vainqueur on va faire un maxi. Et puis notre carrière artistique va influer sur les One One c’est certain. Plus on fera de choses plus il y aura de gens qui verront le One One et vice-versa. Il y a aussi d’autres artistes à qui on essaye de donner de l’exposition. On essaye de les bouger en concert. Par exemple à Clermont-Ferrand on part avec ILI.S pour qu’il fasse un petit showcase et qu’il puisse faire la promotion de son nouveau projet. Il y a R Le Stick aussi. Ils font des premières parties : la Scred Connexion, Deen Burbigo, même Big Flo & Oli… Bon, c’est ce que c’est, mais c’est toujours bon à prendre. Il y a un public pour eux et les MCs du One One sont prêt à kicker devant ce public. Il y a plein de têtes comme ça, Seth Gueko aussi. On essaye de leur donner le plus possible de force et s’il y a moyen d’en faire plus, c’est sûr sur qu’on en fera plus. C’est bon pour tout le monde.

D’un point de vue plus personnel, tu as des projets pour ton rap?

Oui bien sûr, on est en train de fignoler l’album. On est un peu tatillon, c’est pour ça qu’on a mis tant de temps et qu’on a fait si peu de projets dans notre carrière. On va sortir ça bientôt, on est sur les finitions. Mais ça risque d’être long. Le dernier opus que l’on a sorti c’était en 2007, et là, on s’est mis remis au travail en 2014.

warlock

Le rap c’est un loisir?

Il n’y a pas que ça dans nos vies. Mais on y met beaucoup d’énergie pour un loisir, c’est plus une passion.

Si tu devais me vendre le concept en deux secondes?

C’est la crème de la crème. Je ne sais pas si tu as déjà vu une soirée où tu as 50 MCs qui posent. C’est du vrai social. Tu es dans la salle, si tu veux rapper, tu rappes, tu montes sur scène et tu t’exprimes. Le reste, le vainqueur et tout, limite on s’en fout. Kiffe ce genre d’ambiance, viens voir!

Ça permet de donner sa chance à tout le monde ?

Oui, et déjà de pouvoir s’exprimer. C’est une chance qu’on ne te donne pas partout. Aujourd’hui tu t’exprimes derrière un clavier. Nous, on propose de s’exprimer vraiment en montrant sa tête, en s’assumant sur scène. On donne plus ces occasions-là au jeunes MCs. Venez kicker, venez vous exprimer, faites vous plaisir, faites vous du bien.

 

Eleonore Santoro

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"Si vous ne vous levez pas pour quelque chose, vous tomberez pour n'importe quoi." Malcom X

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