De le redondance des tops de fin d’année. Immuable comme l’alternance gauche/droite, le match CR7/Messi pour le ballon d’or ou le soupir agacé du puriste à l’énonce du nom de Jul, le débat va une énième fois porter sur le fait que les mêmes noms sont présents dans cette liste. Cette remarque est évidemment loin d’être infondée mais elle a le mérite de montrer une chose : les absents de cette liste sont une preuve que le rap français dans toute sa diversité contient un nombre effrayant de beatmaker de qualité, et qu’il nous faudrait plus qu’un top 10 pour les mettre à l’honneur. Cela ne peut que nous réjouir ! Cette précision faite, voici la liste (sans classement particulier) de ceux qui à nos oreilles ont marqué l’année 2016 :
Art Aknid
Tour de manège est un collectif international de producteurs dont la réputation de certains membres ont déjà dépassé le cercle des amateurs de beat tape. On pense notamment à Goomar, Jim ou même Linkrust. D’autres comme Our Samplus ne démérite pas et multiplie les sorties de qualités. Afin de mettre à l’honneur ce collectif qui nous a régalés tout au long de l’année, nous avons décidé de mettre en avant un de ces membres éminents en la présence d’Art Aknid. Dans sa beat tape intitulé High & Voltage, ces beats mélancoliques poussiéreux nous auront offerts une beat tape de haute volée, tour d’horizon de ce que le beatmaking boom-bap a de mieux à offrir. Entouré de Mani Deiz, Ours Samplus ou le pianiste Sofiane Pemart, le beatmaker lillois demeure fidèle à sa réputation de beatmaker underground, fournisseur quasi inépuisable de phase B de qualité pour nombre de MC en rade d’instru. Via le site internet du label Tchernolille qu’il a fondé, nombre de ses productions sont ainsi en libre téléchargement et font le bonheur d’Emcees underground confirmés ou plus obscurs. A noter aussi qu’Art Aknid a produit le désormais célèbre Là-haut d’Hugo TSR. Une certaine vision du beatmaking, du rap et du hip-hop en général qu’on souhaitait saluer et mettre en avant.
Astronote
Avoir la tête dans les nuages. Astronote n’a beau avoir à son tableau de chasse que « des productions pour Espiiem« , il nous paraissait difficilement concevable de le tenir en dehors cette sélection. En premier lieu, parce qu’en terme de placement de prod’, il a réussi à glisser un beat (et pas le plus mauvais hein) sur l’album d’un des rappeurs les plus influents du game avec Kendrick Lamar. Si cette raison n’est pas suffisante (et elle ne l’est pas), on peut jeter une oreille à son travail. Commençons par Yakuza d’Espiiem. Que l’on apprécie Espiiem ou pas, ce morceau est une frappe et c’est en grande partie dû à la production soignée d’Astronote. Sans que l’on sache trop comment, le beatmaker arrive à créer de toutes pièces une ambiance classieuse avec des arrangements presque délicats mais Yakuza garde cependant un côté street indéniable. Au fond, c’est Espiiem qui le décrit le mieux avec le refrain dudit morceau. On ne saurait que trop vous recommander également l’EP Out of Body Experience avec des morceaux à la funk imparable comme Out of Body ou Experience.
Sheldon
C’est l’un de ceux qu’on n’avait pas franchement vu arriver. Autre producteur de la 75 ème session, Sheldon a notamment obtenu sa place pour ses productions sur le projet de Lu’Cid. En effet, Ex-Nihilo frappe fort et Sheldon y distille ses intrsus lourdes et étirées qui permettent au membre des Tontons Flingueurs de dérouler ses textes hallucinants à sa façon si iconoclaste. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre comment Sheldon joue avec la boucle de Retiens le Bien. Beat autant découpé que la boucle pour suivre les placements de Lu’Cid, l’association est juste parfaite. D’une certaine façon, l’association Sheldon – Lu’Cid fait penser à l’association Prince Waly – Myth Syzer. Un duo gagnant. Autre collaboration gagnante que l’on peut citer : Sheldon – Sopico pour le très bon Mojo.
Diabi
« Avec Alph Lauren 2 et The Cold Snell 2 qui devrait sortir prochainement, l’ascension de Diabi vers les sommets devrait se poursuivre en 2016 « . Voici mot pour mot ce qu’on avait écrit dans le classement précédent et on est plutôt heureux de voir Diabi confirmer. Parce qu’on aime ce beatmaker un brin touche à tout et ses remixs sont toujours très attendus par chez nous. On attendait donc un effort solo pour valider son début d’année en fanfare. On a donc eu droit à The Last Draft qui, loin de décevoir, a montré toute la versatilité du producteur et son appétence pour tout type de son. Si on ajoute à cela, ces productions remarquées sur l’album de Georgio ou encore celui de Nekfeu, nous tenons là un solide prétendant.
Hologram Lo’
A son tour de briller… Souvent cité, toujours placé mais jamais véritablement nommé, Hologram Lo’ semble parfois pâtir du fait d’évoluer derrière des MCs aussi brillant que Nekfeu ou Alpha Wann. Si parfois, citer le nom du DJ de 1995 apparaît comme facilité pour le rédacteur en manque d’idée, il ne faut pas oublier pour autant que le beatmaker est bourré de talent. Pour preuve, on notera la sortie de l’EP Jeep, quatre titres à l’accent très électro qui tranchent avec le superbe EP Lexus où s’enchaînaient breaks débridés, ambiances funky et beats à l’envie d’évasions récréatives. A l’écoute de ces sorties et au vu de son évolution artistique, Lo’ semble marcher sur les traces déjà pas si fraîches de feu DJ Mehdi. On s’éloigne du simple beatmaking pour rappeur mais cet EP suffit à montrer (s’il en était encore besoin) qu’Hologram Lo’ est définitivement un artiste à part entière.
Hugz Hefner
On l’avait laissé de côté l’an dernier malgré l’imminence du succès annoncé de Nekfeu. Beatmaker estampillé Seine Zoo, Hefner participe activement à forger le son rap français actuel. Avec intelligence, comme sur le banger On va le faire, le grenoblois sait créer une ambiance maitrisée, offrant le cadre parfait à chacun des protagonistes du S-Crew. Il illustre par là l’une des qualités les plus sous-estimée du beatmaker : être capable de faire ressortir en une seule prod’ le meilleur du MC.
Myth Syzer
DJ Weedim
Oster Lapwass
« Oderunt Poetas est un bel album, Lapwass a réussi un compromis pas dégueu entre musicalité et beat rap.
– Ouais on s’en fout, ce qu’on veut et ce qu’on attend d’une prod, c’est un truc qui frappe.
– Clair ! Et puis ce côté intello-branchouille, c’est pas du rap ça.
– T’as écouté au moins ? »
Dialogue de sourd, discussion qui tourne en rond comme souvent lorsqu’on touche au collectif l’Animalerie (UP à ce propos pour le morceau Frank Michael issu de l’album en question). Si ces discussions ont toujours cours, cela tient souvent à une question d’apparence. En faisant abstraction de l’étiquette pour se focaliser sur le son, il est difficile de contester la quête permanente de Lapwass de repousser les limites d’un genre qu’on cherche trop souvent à cloisonner. Peut-être plus que n’importe quel membre de ce collectif hétéroclite, Oster Lapwass symbolise la philosophie de L’Animalerie. Un exemple ? Les boucles chiadées Orties et Orchidées, qui en funambule, hésitent entre boucle de piano rap, saveur pop à la sauce synthé et nappes électros douteuses. Finalement, on y entend ce qu’on veut et c’est peut-être là tout le talent du bonhomme…
Mani Deiz
L’Apollo Brown français. Style boom-bap revendiqué, une activité de tous les instants et une constance dans l’excellence qui ne se dément pas, on peut l’écrire sans en avoir trop honte, Mani Deiz nous fait parfois penser au producteur de Détroit. Pour cette année, la liste de ses albums/projets/EP filent encore une fois le tournis. Album commun avec Swift Guad (Masterpiece), Martyr Moderne au côtés de Pejmaxx, Nefaste et Ol Zico, 42 grammes avec Lacraps mais aussi Trois fois rien avec Senamo et Seyté. Sur tous ces projets, le boom-bap clair et sans concession de Mani Deiz s’impose tranquillement comme une marque au marketing bien rodé. Comme si cela ne suffisait pas, l’homme a également décidé de prendre le micro sur Comme les autres et donc de passer un cap artistique évident. Les producteurs/MC ayant un niveau équivalent dans les deux disciplines se comptant sur les doigts d’une main, Mani Deiz trouvera certainement là un défi à la hauteur de son talent…
merci pour votre travail sur la création de se cite et vive les beatb makers