Explications d'albums

Flynt nous a raconté son album.

C’est au tour de Flynt de se plier à l’exercice délicat de l’explication de son propre album. Avec ce perfectionnisme qui lui est propre, l’auteur d’Itinéraire Bis nous livre ce qui se cache derrière les douze pistes.

1. J’ai choisi mon camp (Beat par Just Music)

Un long couplet sans refrain avec un titre explicite qui donne le ton de l’album. J’adresse des messages à un certain nombre de personnes dans cette introduction. Je resitue ma démarche et ma vision des choses dans le rap et dans la vie en général. Le titre commence avec J’aime mon fils, j’aime ma femme, j’aime ma mère, c’était délibéré de commencer l’album comme ça. Il se termine sur une phrase extraite du couplet de DMX intitulé The Industry, qui m’a inspiré pour écrire ce morceau.

Morceau choisi : Je suis né à Colombes et c’n’est sûrement pas un hasard, je porte un message anti-guerre, anti-violence, anti-barbare.

2. Haut La Main (Beat par Nodey)

Haut La Main est un titre dédié à mon public, destiné à faire le lien entre mon premier et mon deuxième album. Itinéraire Bis s’inscrit dans la continuité de J’Eclaire Ma Ville, mon style d’écriture, mon discours et ma démarche n’ont pas changés. Haut La Main a été conçu pour être efficace en live, et il l’est grâce à ce beat incroyable concocté par Nodey! J’accorde énormément d’importance aux concerts, j’essaie d’en faire le plus possible, emmener le disque sur scène est mon objectif principal.  Il y a un thème de fond qui est celui de la réussite. Il y a un jeu de mot entre Haut la main, l’expression qui renvoie au fait de réussir, à la victoire, et le public qui lève la main en l’air en concert. Et les deux fusionnent car mon rap a rencontré son public et c’est ça ma plus grande réussite.

Morceau choisi : J’ai quelques bougies de plus donc j’éclaire encore mieux ma ville.

3. Les Clichés Ont La Peau Dure (Beat par Soulchildren)

Casser les clichés : c’est une des premières thématiques que j’ai abordé quand j’ai commencé à écrire mon album. Je ne me reconnais pas dans le portrait-robot qu’on dresse du rappeur en France, ni dans la plupart des images communément véhiculées par les médias ou par certains rappeurs eux-mêmes. Le hip-hop ne devrait pas tirer les gens vers le bas et tous ses acteurs ne devraient pas être tous mis dans le même sac, malheureusement ce n’est pas le cas.

Même si je suis pour la liberté de chacun et pour que chacun puisse faire le rap comme il l’entend, je pense que le hip-hop est porteur de valeurs à la base, valeurs que chacun devrait connaître et respecter et si possible véhiculer. Je parle de ces valeurs dans le second couplet.  La déclaration de paix du hip hop, initiée entre autres par KRS-One, m’a aidé à préciser ma pensée et à sortir ce que je voulais pour ce morceau.

Morceau choisi : Tu n’m’as pas vu accourir pour soutenir Pierre Belanger, toute cette facette du mouvement j’y suis totalement étranger.

4. En Froid (Beat par Soulchildren)

En Froid prend le contre-pied de ce qu’on imagine être la gamberge d’un rappeur. Je suis en froid avec certains codes du rap, avec certains codes de la rue aussi. Je valorise le travail et les études, je n’ai aucune fascination pour la vie de rue, la violence et la prison. J’ai longtemps aidé des jeunes à s’occuper, à trouver une passion ou à faire leurs devoirs. Il s’avère que ce n’est pas le discours qu’on entend généralement car ce n’est pas avec ce discours qu’on vend des disques de rap en France.

Morceaux choisis : Demande à l’Abbé Pierre si les meilleurs partent toujours en premier.

Les prisons n’ont pas attendu le hip-hop pour se remplir mais c’est moche que certains raps contribuent à c’que ça empire, à en être dégoutés, en vérité, c’est moi qui fait le rap que les moins d’vingt ans devraient écouter.

5. Homeboy avec Calamity Jeanne (Beat par Soulchildren)

Homeboy est un titre sur la famille. Il y a un jeu de mot entre le Homeboy au sens mec du rap et  Home-Boy traduit mot à mot. Je suis les 2 à la fois, je parle de ce que représente la vie de famille pour moi et des sacrifices qu’elle implique.

Morceau choisi : Chez moi y a à boire et à manger, c’est propre et rangé, je fais le ménage et la lessive avec fierté, ya toujours une place à table pour que mes amis s’asseyent, accueillis les bras ouverts comme un feuillet Sacem.

6. Mon Pote (Beat par Nodey)

A un moment donné dans l’avancement de mon album, j’ai voulu écrire un titre plus léger, plus drôle. J’avais dans un coin de ma tête le thème de l’amitié, sur lequel je voulais écrire depuis longtemps. Avec cette thématique on peut à la fois parler de choses sérieuses et drôles. Orelsan était tout à fait la personne qu’il fallait pour le titre que je voulais faire. On a abordé ce thème en prenant soin de ne pas tomber dans les clichés.

Morceau choisi : Mon pote c’est mon suisse même s’il a pas d’oseille (…) mon pote c’est mon gros mais c’est pas Pierre Menès, il ne casse pas de sucre sur mon dos, il peut supporter l’OM et si ça l’aide je mentirai à sa femme sans problème.

7. Quand Tu S’ras Mort (Chanson de haine) (Beat par Just Music)

C’est le premier titre de l’album que j’ai écrit. Cette chanson est un l’antithèse de la chanson d’amour, c’est pour ça que le sous-titre chanson de haine est important. Ce titre a été pensé comme J’ai Trouvé Ma Place qui figurait dans mon premier album. Il n’y a pas de temps, pas de lieu, pas de personnage… Il n’y a même pas d’embrouille ni de raison à ce déferlement de haine en particulier, c’est un exercice de style. Du coup, chacun peut s’approprier cette chanson et l’adresser à son/ses ennemi(s) comme on pouvait adresser J’ai Trouvé Ma Place à la femme de sa vie.

Morceau choisi : J’attends ta chute comme un magazine people.

8. Itinéraire Bis (Beat par Fays Winner)

Ce titre est la suite du titre J’Eclaire Ma Ville, et comme lui il porte le nom de l’album. Ce morceau éclaire vraiment la ville car j’y cite un certain nombre d’adresses, en majorité à Paris. On démarre 47, bd Ornano, le premier appartement où j’ai vécu, pour finir 20 Avenue Rachel, au cimetière de Montmartre, où je serai peut-être enterré qui sait. Elles ne sont pas explicitées et c’est à l’auditeur de faire l’effort d’aller chercher à quoi ces adresses renvoient pour comprendre les subtilités du morceau. C’est un titre avec un vrai concept inédit, je crois. Il parle de rue de manière différente. Je me suis éclaté à écrire.

Morceau choisi : La rue m’a vu grandir mais elle ne m’a pas éduqué, je lui montrais mon doigt à chaque fois qu’elle me faisait du pied.

9. La Balade Des Indépendants avec Nasme et Dino (Beat par Angelfex)

Ce deuxième album est totalement autoproduit, je suis parti au charbon tout seul et dans ce contexte, le sortir a été long et difficile. Ce statut de MC et producteur explique en partie le temps qui s’est écoulé entre les deux albums. J’ai eu l’idée de faire ce titre lors d’un concert à La Miroiterie, où j’étais venu en tant que spectateur. Ce soir là, beaucoup de personnes du public m’avaient demandé : Alors ça sort quand ton 2ème album ? J’ai trouvé ça intéressant de répondre à cette question dans un morceau et de montrer un peu la cuisine des MC/producteurs indépendants. J’ai invité Nasme et Dino sur le titre parce qu’ils produisent aussi leurs disques eux-mêmes. L’indépendance et l’autoproduction sont des thèmes qui nous parlent, c’est ce que nous vivons.

Morceau choisi : Malgré les aléas on n’est pas prêt d’plier, quand le disque sortira tu pourras pas l’oublier.

10. Toujours Authentique avec Tiwony (Beat par Soulchildren)

Sur un beat assassin de Soulchildren ! Le track s’est longtemps appelé Le plus pro des amateurs. C’est un titre qui vire à l’égotrip et qui parle de ma façon d’aborder le rap, un des thèmes que j’affectionne le plus.

Morceau choisi : J’suis tellement d’Paris que mon blaze commence par F.L.

11. J’en Ai Marre De Voir Ta Gueule épaulé par Taïro (Beat par Soulchildren)

C’est certainement le titre de l’album que je préfère. C’est un morceau qui parle de l’envie de changer d’air. J’ai demandé à Taïro de m’aider à chanter juste le refrain que j’avais écrit et il a ambiancé le titre et fait des chœurs. Le refrain est très efficace en concert. Il est adressé à Paris, aux gens que tu croises tous les jours, à ton quotidien, à ton taf… J’ai eu la chance de voyager un peu ces dernières années et ça m’a fait me poser pas mal de question. Fait extrêmement rare, j’ai écrit intégralement ce titre en une après-midi. Après quelques semaines de réflexion au préalable quand même. Ca ne m’était jamais arrivé, les quelques heures d’écriture de ce morceau sont un des meilleurs moments de ma carrière.

Morceau choisi : Feu d’artifice dans le re-vé, avec 2, 3 re-frés, on est loin on est bien on est repeint on est refaits, tu veux tutoyer les sommets mais tu vouvoies le sbire d’un patron, tu bousilles ta santé au charbon, 47 semaines sur 52 c’est beaucoup trop long, avec une fiche de paie enfoncée profond dans le colon, virée dans le Zion, défoncé comme au fêtes de Bayonne, Take it easy comme Mad Lion, en pleine ascension le nez collé contre un hublot, je trouve que mon quartier vu du ciel est bien plus beau alors comprend que j’veux partir en vacances, quitter la France…

12. Le Dernier Seize (Yin&Yang) (Beat par Just Music & Soulchildren)

Ce titre a une dimension conclusive très forte. Au départ je voulais juste écrire un dernier seize de conclusion, que j’aurais appelé le dernier seize mais juste parce que c’était le dernier de l’album. Pour la petite histoire, il se trouve que j’avais retenu 2 instrus pour ce morceau de fin. Je n’arrivais pas à choisir l’une ou l’autre. Pour moi les 2 étaient complémentaires. L’une est sombre et désabusée, l’autre est lumineuse. Ces deux instrus complètement différentes m’ont guidé. J’avais le titre Yin&Yang dans un coin de ma tête, c’était un morceau que je voulais faire avec Sidi O au départ, le morceau ne s’est finalement pas fait mais j’ai gardé l’idée. A partir de là, j’ai décidé de faire deux couplets, un Yin (sombre/négatif) et un Yang (lumineux/positif).

Et en ressassant ce titre Le Dernier Seize que j’avais choisi, je me suis dit que j’allais me mettre dans la peau du mec qui écrit le dernier couplet de sa carrière. Qu’est ce que je dirais si ce couplet était mon dernier couplet ? Mais ce n’est qu’après avoir écrit le couplet Yin, en commençant à écrire le couplet Yang que j’ai eu l’idée de garder la trame du premier couplet et de ne changer que quelques rimes qui changent totalement le sens du deuxième couplet et en font un couplet Yang. J’ai transformé le premier couplet Yin en un couplet Yang juste en changeant d’instru et toutes les rimes paires. Par contre, ce n’est pas du tout mon dernier seize. En tout cas, ce n’est pas mon projet.

Morceau choisi : Les derniers seront les premiers à déguster ma galette.

 

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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