Chroniques Focus sur

[Focus sur] Scoop & J.Keuz

En 2012, ces deux-là ont emprunté le chemin inverse de nombreux MC hexagonaux, se retrouvant pour entreprendre la création d’un disque commun. Deux albums et quelques EP plus tard, Scoop & J Keuz se présentent en ouvriers d’un troisième opus qu’on n’a pas manqué d’écouter au sein de notre bonne vieille rédac’. Découverte d’un duo bien inspiré.

Cosne-sur-Loire, début des années 2000. Point de départ de l’aventure artistique entre Scoop, beatmaker et backer, et J.Keuz, rappeur… et beatmaker lui aussi, à ses heures perdues. Deux « jeunes branleurs » comme ils se définissent à l’époque, qui décident de partager leur passion au sein de Maestria (tiens, tiens !), groupe issu du collectif La Griffe verbale. Quatre ou cinq années de délires artistiques s’engagent, entre amusement micro en main, sorties de maquettes, EP et concerts. Puis, le temps limite la connexion, le collectif disparaît en 2009 et une période plus creuse se dessine, non sans faire apparaître les formes des retrouvailles futures de cette fameuse année 2012. Laissons notre binôme raconter la suite :

Scoop : « Pendant ces années, on a fait notre bout de chemin. Moi je sors des trucs en solo, participe à diverses formations dans différentes esthétiques musicales, du côté de Bourges et Orléans, pour m’installer définitivement à Nantes en 2011. Pendant que Keuz écrit quelques lignes par-ci, par-là, continue de peindre et de voyager. »

J.Keuz : … et mettre des sous à gauche…

Scoop : En 2012, il me check en me demandant si j’ai quelques prods à lui filer. Je lui en envoie un petite fournée, et « Bim », on entame Antoine, notre premier album en duo. Ça s’est fait très naturellement, comme si on n’avait jamais arrêté de faire du son ensemble…

Scoop et J.Keuz Focus 08 02 2016

« On va pas s’mentir, détruire le peu qu’on a… »

Retour vers le présent. En cinq ans, le duo nantais a eu le temps de peaufiner son art. Soutenus par le jeune label Warooba Records qu’ils ont intégré l’année dernière, Scoop et J.Keuz ont travaillé patiemment ce troisième album au titre explicitement nostalgique, illustrant l’harmonie existant entre les deux acolytes : « On n’a pas réellement de ligne artistique, on fonctionne surtout au coup de cœur sur les prods et les thèmes d’écriture. On a beaucoup d’influences en commun donc on tombe d’accord assez vite », résume J.Keuz. Un constat partagé et complété par Scoop : Pour ce qui est de l’écriture, Keuz a toujours apporté ce regard « sans pitié » dans ses textes. Y a un truc simple qui fait qu’on s’identifie vite aux textes, c’est de parler de la vie qu’on traverse, avec nos propres choix, nos doutes, nos galères, nos kiffs, etc… Globalement, la sincérité et la véracité de tes histoires jouent beaucoup sur l’impact, tu vois tout de suite quand un rappeur n’a pas grand chose à raconter, du coup les mêmes thématiques reviennent. « Pétard-spliff, pétard-spliff »…

« C’est notre itinéraire, l’histoire d’une génération à cheval sur deux millénaires… »

Moins sombre que leur précédent projet, L’acide dans les idées, aux dires des protagonistes eux-mêmes, Maestria se présente comme un disque au caractère intimiste, réaliste et parvenant à trouver un équilibre entre le cynisme du monde et la banalité du quotidien qui n’invite qu’au sourire. A couteaux tirés, Nouvelle page, On a fait sans, Le coeur du problème (et son sample tiré du 10/10 de Rocé) illustrent les différentes facettes d’un projet qui ne s’écoute pas en coup de vent pour pouvoir être apprécié à sa juste valeur.  Et puis, il y a bien entendu Serge Dassault poussant son caddie, Histoire de… histoire de monter dans les tons graves sans tomber dans la faille du démagogue ou du rabat-joie. Un constat de l’âge adulte sur la régence du monde par ses « tontons » costumés, dans un morceau qui a marqué ce début d’année, ironiquement rattrapé par le feu de l’actualité, à l’heure où Serge se voit contraint de régler quelques comptes.

Mais Scoop et Keuz réfutent cette position réductrice de « messagers » dans un rap français qui en compte déjà beaucoup : « On se méfie beaucoup des pseudo-apôtres et on ne veut surtout pas tomber là-dedans. Si dans la vie, tu n’es qu’en mode message tout le temps, tu dois être chiant comme mec. Ça ne me donne pas envie de te connaître », confient ces derniers. Reste à savoir si la recette sera appréciée. Le binôme semble s’y appliquer, en témoignent l’esthétisme et l’aspect visuel de leurs créations. L’une des marques de fabrique du groupe qui a su bien s’entourer à ce niveau en déléguant la conception et la réalisation de leurs clips à Un Escroc. Depuis 2013, Scoop et J.Keuz développent également la communication, épaulés par leur complice La Fleuj, artiste plasticien « multicartes » et Yannick Françoise, illustrateur du côté de Bourges. Un entourage apportant « confiance et sérénité » au duo, pour aborder avec assurance le virage que représente ce troisième album. Maestria !

Album Maestria, disponible depuis le 6 février 2017 : https://wiseband.lnk.to/maestria

https://waroobarecords.bandcamp.com/album/maestria

À proposLaurent Lecoeur

Tombé dans la marmite du rap français. Ressorti sans formule secrète mais avec l'envie d'y replonger pour en savoir un peu plus...

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