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[Chronique] 1995 – Paris Sud Minute : POUR.

Après deux EP sortis en moins de 2 ans – La Source et La Suite – le groupe 1995 présente enfin, à la veille de 2013, son premier album, Paris Sud Minute. Le Rap en France n’a pas manqué l’occasion de se pencher sur le projet du groupe parisien.

Une des grandes qualités – ou défaut diront certains – de 1995 est de maitriser parfaitement l’art du teasing. Ainsi les gars du ninety five ont su savamment faire grimper la pression avant la sortie de cet album. Dès le mois d’octobre, un premier single efficace, flingue dessus, agrémenté d’un clip était diffusé sur Youtube. En novembre, le groupe présentait  la pochette, par ailleurs  très réussie, de l’album. Enfin début décembre, les rappeurs parisiens offraient à leurs fans un freestyle clipé de haute volée (Freestyle PSM). En ajoutant  la sortie de La Suite début 2012 suivie par une tournée dans toute la France, dire que le projet était attendu tient de l’euphémisme.

Inutile de faire durer le suspense plus longtemps, Paris Sud Minute est une réussite. S’il reste dans la lignée des précédents projets du groupe, l’album dévoile une nouvelle facette, plus mature, du crew parisien.

Paris Sud Minute fait référence à New-York minute, expression apparue à la fin des années 60 qui veut qu’une minute pour un Texan ne soit qu’un instant pour un New-yorkais et que la vie se déroule à 100 à l’heure dans la grande ville américaine. Vu la densité du projet, le titre sied parfaitement à l’album des jeunes rappeurs parisiens. Paris Sud Minute, c’est tout simplement  1h10 de son, 17 titres, des kilomètres de lyrics et des thèmes variés. C’est surtout l’impression d’avoir à faire à une œuvre beaucoup plus complexe qu’il n’y parait après la première écoute.

Derrière une simplicité apparente voire une certaine nonchalance dégagée par le groupe, on ressent rapidement que cet LP est le fruit d’un immense travail où rien n’est laissé au hasard tant au niveau des instrus que des lyrics.

Paris Sud Minute est surtout porté par la richesse, la puissance et la variété de ces instrumentaux. Dj Lo, le beatmaker du groupe, auteur de 12 des 17 instrus del’album, semble maintenant parfaitement maitriser son art. Il n’hésite plus à oser et prendre des risques. Certains sons comme ceux de J’participe, Baisse ta vitre, Paris Sud Minute ou Réel sont impressionnants d’efficacité et permettront aux rappeurs parisiens de continuer à faire parler d’eux dans les mois à venir avec la sortie de nouveaux extraits. Toutefois pas de surprises, nous sommes bien face à un album de 1995 et l’univers du groupe reste présent, marqué par des sonorités jazzy et  l’influence du rap des années 90.

Limiter Paris Sud Minute à ces singles  potentiels serait pourtant réducteur. Forts d’une solide culture musicale ne se limitant pas au rap, Alpha Wann, Areno Jaz, Fonky Flav, Sneazzy West, Nekfeu et Hologram Lo livrent un album ambitieux et dévoilent le large éventail de leurs possibilités. Techniquement les rappeurs maitrisent et ils ne se laissent pas déborder par la puissance et la variété des instrus.

Inutile de se lancer dans la recherche du meilleur rappeur  des 5. La force de 1995 tient dans la variété tant lyricale que technique de ses membres et dans la synergie et l’osmose qu’ils arrivent à créer entre eux.

Au niveau des lyrics, certains couplets peuvent sembler manquer de fond ou paraitre maladroits mais ces défauts sont vite oubliés face à la sincérité qui se dégage de l’œuvre. Les rappeurs de 1995 ne cherchent pas à s’inventer une vie. Leur objectif est bien de coller au plus près de la réalité. C’est ça notre vie comme l’affirme l’outro de l’album sur un sample du 113. Ainsi les différents thèmes tels le quotidien (Paris Sud minute), la morale (Pleure salope), les ragots (Bla bla bla) sont abordés avec une authenticité touchante. L’ensemble reste cohérent et on se laisse transporter par les cinq rappeurs dans leur univers : la vie de jeunes dans le Sud de Paris.

La capitale française tient d’ailleurs une place essentielle dans le projet. Paris est ainsi présente dans le titre de l’album, le morceau Flotte mais jamais ne sombre est la traduction de la devise de la ville Fluctuat nec mergitur et le blason de la capitale apparait à la fin du clip de Réel, le nouvel extrait de l’album.

Cette revendication quasi-permanente de venir de Paris va sans doute apporter de l’eau au moulin de ceux qui taxent la musique de 1995 de rap de bobos. Toujours est-il que les jeunes rappeurs parisiens tentent d’apporter quelque chose de nouveau à un rap français parfois trop replié sur lui-même. L’album n’est pas parfait mais fait souffler un vent de fraicheur sur le mouvement.

Avec Paris Sud Minute, les 6 membres de 1995 répondent aux attentes placées en eux et s’affirment encore un peu plus sur la scène du rap hexagonal avec un projet massif. Finalement Sneazzy West avait peut-être raison avec sa punchline dans La Source : Le rap c’était mieux demain donc laisse-nous faire.

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2 commentaires

  1. C’est très réducteur comme façon de les concevoir je trouve. On peut ne pas aimer, il faut admettre qu’ils ont apporté une fraîcheur, une émulation, un état d’esprit qui manquait au rap français. Et surtout qu’ils ont remarquablement progressé après deux EP très inégaux. Cet album est loin d’être parfait mais reste remarquablement produit et surtout reflète une vraie démarche artistique.

    Quant aux reproches sur la forme, il suffit d’écouter par exemple le couplet d’Alpha Wann sur « Ca raisonne », monstrueux sur tous les points, pour s’apercevoir que c’est loin d’être une remarque applicable à l’ensemble du groupe.

  2. Je n’épiloguerais pas très longtemps sur ce groupe mais bon…Ils ont au moins le mérite de reprendre les défauts de l’âge d’or (ha bon??) du rap français.

    A savoir : avoir un flow nonchalent, une qualité vocale laissant à désirer, et une variétée dans la variation du flow quasi absente, enfin bref, l’essentiel qui permet de caractériser la musicalité d’un rappeur…

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