Sélections Tops

Top projets 2017

2017 a une nouvelle fois offert une quantité impressionnante de projets et il faut dire que nombre d’entre eux étaient de haute qualité. Nous nous sommes restreints à n’en conserver que dix, autant dire que les choix ont été difficiles tant d’autres projets auraient également mérité leur place. Ainsi, Pacifique (Disiz), Prose élite (Médine), 445e nuit (Népal), Requiem/Nativité (Lucio/Oster), 000$ (Josman), Masque de chair (Scylla), Contes cruels (Dooz Kawa), Morale 2 (Roméo Elvis/Le Motel), Enfants Terribles (Columbine) ou encore Digitalova (Laylow) ratent de peu d’intégrer notre top. Voici donc notre sélection des dix projets qui nous ont le plus marqués, bougés et touchés en 2017 !

10 – Booba – Trône

« Y a encore d’la place dans mon casier, révolution dans l’élocution ». Depuis son premier album solo Temps mort, l’auto proclamé « Boss du Rap Game » ne cesse d’affirmer son rayonnement en dictant, à chaque projet, la direction artistique à adopter pour les mois à venir. Une fois n’est pas coutume, l’ex membre de Lunatic propose un projet aux allures bipolaires. Dès le premier track, on ressent l’ethos guerrier du projet avec Centurion (Grade de commandement sous l’Antiquité Romaine – CC Genius) même si ce dernier a longuement affirmé que Trône n’est pas une « bataille » mais « juste un album ». Pourtant, cet opus symbolise aussi l’avènement d’une sensibilité rarement observée dans les derniers projets du DUC. B20, nous ouvre, sur certains tracks comme Petite Fille ou encore A la folie les portes de sa sphère intime pour un voyage introspectif. Les références au continent Africain imprègnent une nouvelle fois le projet du rappeur du 92 avec, notamment, le déjà reconnu DKR ou encore la participation de Sidiki Diabaté sur Ca va aller. Mais malgré l’attente et l’écart avec le dernier projet, Trône ne bouleverse pas les tendances hip-hop. Ce rappeur faiseur de tendances, qui a souvent dicté les chemins artistiques à emprunter, ne s’éloigne pas énormément de ses propres sentiers battus. La symbolique du couronnement et l’achèvement artistique prend alors tout son sens. Booba n’a plus rien à prouver et ses seules préoccupations seront, désormais, d’attendre « Canon scié sur les genoux » Luna et son fiancé. B20 brille donc toujours comme une étoile. Mais pour combien de temps encore ? – Alain

 

9 –  Vîrus – Les soliloques du pauvre

« Le Pauvre » ! Celui qu’on prend par le bas pour remonter dans les sondages, celui que l’on regarde de haut le pas pressé sur les grands boulevards de la déshumanisation. Par la force des choses, les trajectoires du poète Jehan Rictus et de Vîrus étaient faites pour se croiser un jour. Alors, Lorsque ce dernier est venu nous parler de ses 5 livres références, en septembre 2015, l’idée germait déjà dans son esprit : « Les Soliloques Du Pauvre de Jehan Rictus, le seul bouquin de poésie que j’ai été amené à lire. C’est du parlé, c’est de l’argot et ça date de 1897 mais c’est toujours d’actu. J’avais d’ailleurs adapté un des textes à l’occasion d’un concert à la Maison de la Poésie (Paris). C’est un truc que j’aimerais développer à l’avenir… ». Un projet qui a donc pris forme, cette année, avec ces Soliloques « nouvelle génération », fruit d’une collaboration insolite entre le MC normand et l’acteur Jean-Claude Dreyfus. Deux « auteurs » imprégnés dans toute leur verve par la plume du troisième, Gabriel Randon, alias Jehan Rictus, pour libérer un recueil musical dans un format inédit, les huit titres du disque s’accompagnant d’un livre préfacé de 80 pages. Une création qui prend au tripes, chroniquée avec une éloquence « rictussienne » par votre site préféré en avril dernier.Laurent

Chronique Les soliloques du pauvre à lire ici.

 

8 –  Isha – La vie augmente vol.1

La vie augmente vol. 1, le premier projet du phœnix Psmaker sous le nom d’Isha est un numéro d’équilibriste. Durant onze titres, le rappeur belge oscille entre l’adulte qu’il est en train de devenir, l’enfant plein de rêves qu’il a été, et le jeune fou qu’il est encore parfois, celui qui va voir s’il « y a de la chatte au salon de l’automobile ». Isha est tantôt un personnage de cartoon loufoque, plein de punchlines salaces, qui prend l’accent du Sud pour faire rigoler ses potes, tantôt un homme qui regarde ses souvenirs, avec sincérité et sans fausse pudeur. Bref, comme il le dit, « [il a] changé mais [il] reste infréquentable ». La beauté et le caractère insaisissable du projet d’Isha tiennent dans cette manière qu’il a de marcher sur un fil, passant d’un registre à l’autre sans jamais faire le grand écart, parlant de son fils et de son dealer dans la même phrase, sans jamais se contredire.

Isha revit les émotions et les sensations du passé avec l’intensité et la précision du présent. Sa plume, celle qui lui « raconte des histoires », crée une vraie poésie du détail. Chez lui, l’émotion ne vient pas du désespoir grandiose, mais de la beauté des choses simples, remplies de ses images surprenantes : la « carcasse » de son Frigo américain, les pouces de sa meuf « en essuie-glace ». Et si la mort de son père va nous émouvoir, ce n’est pas par son aspect tragique, mais par le pyjama qu’il portait ; et si son aventure érotique va nous séduire, c’est parce qu’elle a lieu à 3h37, très précisément. Quelque part entre la folie dévastatrice et l’évocation sensorielle et émotive du détail, le funambule Isha arrive à nous surprendre, nous émouvoir, et nous faire rire, en même temps. – Guillaume E

Chronique La vie augmente vol.1 à lire ici.

 

7 –  Hamza – 1994

Du haut de son immeuble, paire de lunettes posées sur le nez, osmose de couleurs et ambiance à moitié nocturne, c’est sur la pochette de sa mixtape qu’Hamza prend des airs de super héros pour nous livrer ce qui marquera profondément le rap francophone en cette année de 2017 : 1994. Pour nous préparer à l’arrivée du projet, en juillet dernier sortait l’excellent Godzilla, aux airs chantés si spécifiques au prodige, mais aussi marqué par une réalisation d’exception avec une composition de l’image soignée et parfaitement mise en scène : 1994 est un objet qui se regarde en plus de s’écouter : le projet entier est marqué par l’aspect visuel de la musique d’Hamza, comme si la composition avait été faite pour se visualiser les couleurs, les ambiances des morceaux, comme appuyés par les images que l’artiste nous livrerait à travers sa musique. Naviguant à travers ses émotions, cette mixtape est aussi une perpétuelle quête de l’amour, à la recherche de reconnaissance, d’amour charnel, ou de réconfort « il n’y avait que ma mère et ma conscience pour me consoler quand j’étais seul », témoignage de la rage qui régnait à l’intérieur de son cœur à travers morceaux introspectifs et bangers compulsifs. Un très beau projet qui caractérise la constante évolution musicale de l’artiste, un strike de plus pour le grand Hamza. – Tim

Chronique 1994 à lire ici.

 

6 –  Caballero & JeanJass – Double hélice 2

Incontestablement, 2017 aura été l’année de l’explosion du rap Belge. La preuve, 4 albums de notre top sont issus du plat pays. Et parmi cette nuée de nouvelles têtes venant du royaume, un duo en particulier a su tirer son épingle du jeu et s’imposer comme une des têtes d’affiches de l’année : Caballero et JeanJass. Après un premier effort réussi en 2016 avec Double Hélice, le binôme le plus improbable du rap francophone a transformé l’essai avec le sobrement intitulé Double Hélice 2. Différents mais complémentaires, les deux rappeurs gastronomes (cf leur émission culinaire High et fines herbes) reproduisent la formule qui a fait le charme de leur premier opus : egotrip à la cool à prendre au 10e degré, humour omniprésent et prods modernes et soignées, dont deux sont réalisées par JeanJass. En résulte un 14 titres cohérent, bourré de bangers efficaces comme de morceaux plus introspectifs, ou avec une couleur plus pop et légère. Le tout est agrémenté d’invités de marques (l’omniprésent Roméo Elvis, sa sœur Angèle ainsi que Seven) dont les interventions sont plaisantes sans être envahissantes. La recette fonctionne à merveille, et a permis à nos deux compères de dépasser les frontières belges et de retourner les festivals et salles de concert en France, au Québec et en Suisse.
On leur souhaite le meilleur pour l’année 2018, et en plus du respect, on met sur leur nom l’espoir qu’ils cassent tout l’année prochaine. Et avec une telle qualité, on ne peut qu’être confiant pour la suite. Vivement Double Hélice 3 ! – Lucas

 

5 –  OrelSan – La fête est finie

Ceux qui sont encore éveillés et (presque) sobres à la fin d’une grosse soirée entre potes connaissent bien l’étrange impression que produit la vision du cimetière de bouteilles vides et de boites de pizzas éventrées aux alentours de 5-6 heures du matin. Pour la plupart d’entre eux, cette sensation s’estompe après le rangement du bordel et un tour dans l’air frais du matin. Pour OrelSan, il semble que ce sentiment d’abattement mêlé de satisfaction d’avoir vécu le moment se soit prolongée jusqu’à ses trente-cinq ans. Du coup, il en fait un album : La Fête est finie, chronique lucide d’une ascension sociale imposée par un large succès. Derrière ce titre aux accents défaitistes, OrelSan livre un album une fois de plus très personnel, où l’on parle de ses racines et de ses rêves avec humour et cruauté, où la fête est apparaît surtout comme un lieu de déchéance et la fin de celle-ci comme l’instant de la renaissance au monde. À « la fin du début de sa carrière« , OrelSan prouve qu’il a plus que jamais des choses à dire, après avoir rencontré le succès à la télé et au cinéma, dans cet album plein à craquer du conflit existentiel inhérent aux éternels insatisfaits. – Jacques

 

4 –  Vald – Agartha

Premier véritable album de Sullyvan après une longue salve d’exercices préparatoires et d’avant-goûts, Agartha reprend et développe en les raffinant tous les thèmes et procédés qui définissent sa pratique rapologique. Chaos discursif et violence de l’egotrip de mieux en mieux maîtrisés et exploités, au service de schémas de rimes et de flows toujours plus souples et complexes, productions variées et souvent audacieuses – au même titre que ses différents usages du chant et de l’autotune, coexistence désormais consacrée de l’humour le plus absurde et incisif avec une lucidité et une intelligence existentielles qui touchent parfois au tragique, formes musicales et sujets poétiques encore plus universels, hétéroclites et inattendus. Vald s’est révélé en 2012 en tant que néophyte surdoué officiant plus dans la performance que dans la musique ; aujourd’hui en 2017 et demain pour l’année 2018 et les autres, il est et sera un musicien non seulement accompli, mais plus encore novateur, toujours imprévisible et soucieux d’étendre les champs de sa musique et de son rap. – Idir

Chronique Agartha à lire ici.

 

3 –  Lomepal – FLIP

Projets après projets, c’est depuis plus de 5 ans que Lomepal prend de la hauteur, prêt à faire le grand saut avec son premier album. Porté par la volonté de porter toujours plus loin sa musique, Lomepal se dépasse, et s’essaye bien plus au chant sur ce premier album, donnant à son art une nouvelle dimension qui lui permet de repousser toujours plus les limites de son talent. Véritable échantillon de ses milles et unes capacités, Flip réunit à lui seul des dizaines de genres musicaux sur un très beau disque de 15 titres, caractérisant les multiples influences qui l’inspirent chaque jours à rapper, chanter, créer. Oscillant entre de nombreux styles différents et presque inqualifiables, les morceaux qui construisent Flip unissent bangers, chansons introspectives, morceaux rappés avec le coeur et tracks naviguants entre les dédales de son passé pour nous livrer ce qui est de loin un des meilleurs albums de 2017, et qui gravera longtemps la carrière de l’artiste et l’histoire du rap francophone.  – Tim

 

2 –  Hugo TSR – Tant qu’on est là

Au fil des années, Hugo s’est érigé en réelle légende urbaine. Loin d’être militant et de représenter la figure du soldat que beaucoup lui prêtent, il n’est que le fruit le plus pur de son environnement. Simple observateur, il use de sa mine pour décrire la situation telle qu’il la vit, à un instant T. Une situation souvent noire, mais bien plus évolutive que ce que ses détracteurs laissent croire : si la couleur instrumentale de ses albums reste similaire, ce que rap Hugo évolue album après album, au rythme de sa vie et de ses expériences personnelles.
Ne reste alors qu’un récit des faits, un recueil brut à prendre au premier degré, sans analyse, sans fioritures. Tant qu’on est là, son 3ème album solo, en est la preuve la plus aboutie. Hugo a grandi, sa vision du monde également, et sa maturité grandissante lui permet de livrer cette chronique urbaine décrivant si âprement un paysage qu’il a vu se développer en marge. Comme un trop plein de lucidité, comme un besoin de dire ce qui est plus que ce qu’il est, Hugo signe ici le regard le plus représentatif possible des gosses de la « génération shit et grec frites« . – Léo

 

1 – Damso – Ipséité

Vous vous en doutiez un peu, Damso truste la première place du classement avec Ipséité. Plus qu’une confirmation du talent de William Kalubi, Ipséité marquera l’année 2017 ainsi que cette décennie de rap français en tant que marqueur décisif de l’histoire du genre. Outre la poursuite l’affirmation de la Belgique comme l’un des territoires les plus importants du rap francophone, au même titre que la région parisienne ou la cité phocéenne, Ipséité a permis le déverrouillage total de grand nombre de tabous pesant encore sur le rap,  déverrouillage amorcé par des artistes par Booba, Disiz ou Maître Gims au début de la décennie. Tel Néo pliant la cuiller dans la maison de l’Oracle, Ipséité, c’est Damso qui plie un genre tout entier à sa volonté, en revendiquant le droit de parler de paternité et de sexe, de religion et de pêché, de raison et de folie en un album impitoyable, pornographique, puissant et maîtrisé; le tout en repoussant encore plus loin les limites mélodiques des rappeurs. Ipséité dégage à jamais la voie au chant dans le rap (technique que l’on pensait peut-être jusqu’à lors réservée aux entertainers du genre) et accroit encore un peu plus la portée du style musical le plus populaire de nos contrées tout en le poussant sur les chemins de la légitimation. – Jacques

La Rédaction

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2 commentaires

  1. Hugo TSR mérite amplement sa 2ème place. L’album est excellent, des textes jusqu’aux instrus.
    Par contre il y a une coquille, c’est son 4ème album solo, pas le 3ème.

  2. Les louanges que vous prêtez à Damso auraient pu se prêter à Lomepal et lui permettre de truster la première place (c’est l’album Flip qui a réellement poussé les limites du rap francophone à son paroxysme, et il a surtout brisé plus de tabous que Damso en se travestissant sur la pochette de son album). Et mettre Hugo TSR dans le classement…bof bof, je ne savais pas qu’avoir un flow linéaire et monocorde avec tout le temps les mêmes thèmes abordés pouvait rendre un MC talentueux.
    Et l’album Double Hélices 2 de Caba et JJ comporte 16 tracks et non 14

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