Sélections Tops

Top beatmakers 2017

2017 a été une nouvelle année faste en terme de rap et plus que jamais, Atlanta et sa région semble être devenu le centre névralgique d’un hip hop renouvelé. Il est donc normal que ce top beatmakers s’en ressente et que la trap soit présente à quasi tous les étages de ce classement. Nous avons pensé ce dernier comme un reflet fidèle de l’année, nous basant sur les sorties ayant marqué le rap français (ne devrait-on pas dire francophone désormais).

Avec cette omniprésence, la trap draine son lot de détracteurs. Les beats seraient tous identiques, simplistes et inaudibles. Degré zéro d’argumentation… Remplacez le mot trap par boom-bap et vous obtenez les mêmes critiques rencontrés par le rap des 90’s. Ces propos sont d’autant plus faux que de réelles différences de style et de genre existent entre les producteurs. Peut-on réellement dire en étant de bonne foi qu’Ikaz Boi sonne comme Twinsmatic ?

Le rap fonctionne par cycle et on peut penser que l’on approche de l’apogée de la domination de la trap même s’il parait évident que le genre est amené à perdurer et restera une composante essentielle du rap de demain. Néanmoins, les autres styles et genre n’ont pas totalement disparus comme en témoigne la présence d’Al’Tarba ou Skread dans notre top. Certains beatmakers recherchent l’équilibre entre tradition et modernité (Eazy Dew et VM the Don) quand d’autre cherchent à créer de nouvelles voies (Le Motel, Myth Syzer).

C’est en partie dans la diversité de ces styles et des opinions qui la parcourent qu’on peut juger de la vitalité d’un genre musical. A bien y regarder, de ce point de vue, le rap ne va pas trop mal. Merci pour lui !

 

Myth Syzer

Quelle est la différence entre un bon beatmaker et un beatmaker de légende ? La réponse est à chercher dans la trace laissée sur la durée. Un « signature sound » qui le différencie des autres et qui permet dès la première écoute de reconnaître une patte. Dire que Syzer en est à ce niveau serait assez exagéré. On peut cependant admettre que parmi l’ensemble des producteurs français, l’intéressé se démarque assez facilement de la concurrence principalement pour la versatilité de ses productions. Rien que pour cette année, on pourrait citer Coco Love et sa production aussi doucereuse qu’efficace qu’il a offerte à son collègue Ichon. A l’opposée du spectre et donc dans un tout autre style, on pourrait tout aussi bien citer un track terrible comme Jim Beam. Une référence !

 

 

Ikaz Boi

Grand complice de Myth Syzer (on se remet à grande peine de l’EP commun entre ces deux là), Ikaz Boi le suit également de près dans notre sélection puisque les deux sont ex-aequo parmi les votes de la rédaction. Plus actif que son compère de toujours, cette année fut globalement faste pour le producteur signé chez Bromance. Que ce soit pour introduire le fameux Ipésité avec Nwaar is the new black, garnir de prods l’album d’Hamza avec un titre comme Monopoly ou pour Kami, pilier de la bouillonnante scène rap de Chicago, Ikaz Boi fait preuves d’un savoir certain pour froisser des nuques. En plus des morceaux précités, il est également à l’origine de l’un des morceaux phare de l’année à savoir Vision de Joke. Tout le talent d’Ikaz Boi est résumé dans ces 2min30 de trap bruts et hallucinés, où ce pattern drum lourd contrastent avec des mélodies électros minimalistes qui donnent une vraisemblance insoupçonnée au soliloque de Joke. Ce n’est qu’habillé par Ikaz Boi que les propos de Joke deviennent de véritables visions et que le morceau atteint sa plénitude.

 

 

Ponko

Avec l’exposition grandissante d’Hamza, difficile de ne pas mentionner Ponko dans ce top. Le producteur belge fait en effet partie de la garde rapprochée du « SauceGod ». L’occasion pour lui de démontrer qu’il fait partie des tous meilleurs producteurs actuels. Crédités sur les deux premiers tracks du fameux 1994, Ponko y montre quelques unes des facettes de son talent. Avec Life, il construit patiemment un beat aux variations multiples et subtiles qui viennent casser la monotonie inhérente au genre et qui donne le ton de l’album. Sur le morceau d’après intitulé Juste une minute, il s’amuse à dérouler un sample cramé de Rachid Taha et a en faire quelque chose de neuf à l’aide d’un séquençage audacieux. Ce qui n’est pas le plus petit des tours de force… Par ailleurs, Ponko a plus d’un tour dans ces samplers et jeter un coup d’oreille à ces remix est loin d’être du temps perdu. Avec un remix comme celui de Get Ur Freak On de Missy Eliott, Ponko montre que ses influences dépassent le cloud rap et qu’il est également capable de sévir dans un genre différent mais tout aussi efficace. On notera également sa belle association avec Disiz La Peste sur plusieurs morceaux de Pacifique dont le très réussi La fille de la piscine.

Easy Dew

Rappeur, beatmaker, Easy Dew est certainement l’artiste le plus polyvalent de cette liste. Polyvalent, il l’est aussi dans son approche du son. Batteur de formation, c’est tout naturellement qu’il s’oriente vers le boom bap à ses débuts. Ses projets datant de cette époque comme Pièces 12’13 peuvent en témoigner. Entre le boom bap qu’il affectionne et les sonorités actuelles, Dew refuse de choisir et crée une musique hybride au beat lourd et minimaliste. Résultat ? Des titres monstrueux comme Sur mon nom de Caballero et JeanJass et surtout La cage  de Josman. C’est d’ailleurs sur l’album de ce dernier que le travail d’Easy Dew prend tout son sens. En plus d’être polyvalent, il a été très productif : Lomepal, Slimka, Isha, Krisy, A2H ont tous posé sur l’une de ses prods en 2017 !

 

 

Al Tarba

Pour beaucoup, le meilleur producteur français depuis de nombreuses années. Al’Tarba ne cesse de s’améliorer tout en restant fidèle à sa ligne directrice présente depuis ses débuts. Une formule basée autour du sample et une appétence certaine pour les références cinématographiques décalées. Avec deux projets sortis dans l’année, les fans du producteur ne peuvent que se réjouir. Le vent se lève, sorti en début d’année, est un LP classique estampillé Al’Tarba à l’ambiance sombre et des changements d’ambiances bien senties avec en point d’orgue ce featuring bien senti avec Vîrus. Cependant, à nos oreilles, le projet majeur du producteur est l’EP sortie en fin d’année Bad Acids & Malicious Hippies. Petit bijou où le beatmaker devient littéralement compositeur et éclate les cloisonnements de style pour y conter une histoire sanglante. Sans contestation possible, cet EP constitue un des éléments les plus riches entendus cette année. Pour plus de détails, vous pouvez relire notre chronique ici.

 

 

Le Motel

Morale 2 de Roméo Elvis est probablement un des albums de rap les plus audacieux de l’année. On vous le disait déjà à sa sortie (ici). Plusieurs mois après, le constat est toujours le même et Le Motel est loin d’être étranger à ce résultat. Avec son appétit pour les musiques électroniques et le blues pop, héritage d’un temps pas si lointain où il officiait au côté de YellowStraps, le producteur ne cesse d’influencer et pousser le rappeur belge dans ses retranchements. Jusqu’à aboutir à cette musique qui n’est pas sans rappeler les débuts d’Anticon et de toute cette scène que l’on a taxé un peu vite « d’alternative ». Fragile équilibre entre mélodie doucereuse et beat trap, la musique que Le Motel propose à Roméo Elvis est un fil et tout le talent du rappeur belge est de savoir s’y balader à sa guise. Avec toutes les possibilités musicales offertes par cette combinaison (presque duo?), la musique d’Elvis pourrait très bien évoluer vers une pop « hard  » ou un rap  » sentimentaliste « . Finalement peu importe. L’important réside bel et bien dans la porte ouverte par Le Motel et dans la rupture avec les schémas établis.

 

 

Seezy

Placer de nombreuses productions sur des projets à grande visibilité mais être rarement cité au moment des tops de fin d’année, voilà tout le paradoxe de Seezy. Paradoxe qui a pris fin cette année puisque Seezy a imposé son nom sur la liste dès le début d’année 2017 avec la sortie d’Agartha de Vald où il signe la majorité des productions. Un gros défi pour un album si attendu qui a été relevé aisément par Seezy. Il parvient en effet à offrir à Vald des productions adaptées à son univers si singulier. Avec Eurotrap mais surtout Lezarman, les délires du rappeur aulnaysien sont domestiqués par les beats minimalistes de Seezy. A noter que c’est à Seezy que revient l’honneur d’arbitrer la rencontre entre Damso et Vald. La formule ayant été un franc succès, le couvert est remis en cette fin d’année avec Vald et Alkpote pour un titre explosif. A table !

 

 

VM the don

D’aucun diront qu’il n’a pas réellement sa place dans ce top parce que pas assez productif sur l’année contrairement à certains absents. Objectivement, l’argument est recevable mais VM the don est un nom qu’on aurait souhaité mettre dans le classement depuis un petit moment déjà. On appréciait déjà le boom-bap élégant de ses productions lorsqu’il officiait au côté d’Alpha Wann. Puisqu’Alpha ne semble pas pressé de revenir, c’est au côté d’Infinit, autre signature de Don Dada que VM a laché une prod’ dont il a le secret. On le retrouve également cette année au côté de Lomepal pour lequel il donne un ton un peu plus actuel à ses productions comme sur le très bon Club. Peu importe le registre dans lequel il évolue, il se dégage toujours une sensation de beauté de ses productions et c’est ce qui le rend si particulier.

 

 

Twinsmatic

Discrétion et efficacité. Voilà comment on pourrait résumer en deux mots l’année 2017 de Twinsmatic. Duo prometteur gravitant dans l’entourage de Booba depuis un certain moment, Twinsmatic fait incontestablement parti des producteurs du moment et ils réussissent l’exploit de s’imposer en très peu de prods. A la différence de VM the Don, leur place dans le classement pourrait tenir en un mot : Trône. En plaçant trois productions soignées et pas des moindres sur le dernier album en date du duc, Twinsmatic a indéniablement marqué cette fin d’année. 113 avec Damso, Ridin’ et Drapeau noir font partie des morceaux les plus streamés dudit album. Le classement semble donc méritée mais s’arrêter à ces arguments seraient terriblement réducteurs. Au delà des ventes, le travail musical de Twinsmatic mérite à lui seul de figurer dans notre sélection. Pour s’en convaincre, il convient d’écouter attentivement leur travail aux côtés de Take A mic tout au long de son EP Bipolaire. On s’arrêtera tout particulièrement sur Blessure d’amour : une production aérienne et joviale, oscillant entre beat rap et mélodie r’n’b. Le véritable tour de force du groupe est d’avoir réussi à imposer ce style clair aussi bien sur l’EP de Take A Mic que sur l’album de Booba.

 

 

Skread

Skread est l’exemple même du passage difficile de beatmaker à producteur. La différence entre placer des productions pour des gros noms et construire un univers musicale cohérent pour un artiste. En liant sa trajectoire à celle d’OrelSan, Skread s’est investi pleinement dans la construction du personnage de ce dernier en lui donnant un univers sonore digne de ce nom. Après, le long silence discographique du MC caennais, on retrouve avec La fête est finie, un univers musical qui a encore mûri et où la maîtrise technique offre davantage de possibilité comme cette rencontre musicale improbable avec Ibeyi. A l’image de l’album, Notes pour trop tard ne vise rien d’autre que la sobriété et le dépouillement pour mieux laisser la place à l’introspection d’OrelSan. C’est aussi un parti pris artistique de la part de Skread. La plupart des sonorités actuelles se veulent minimalistes dans leurs constructions mais sont ultra présentes dans le rendu final. Les interprètes haussent très souvent le ton. A l’inverse, Skread cherche ici à réduire la musique à un simple fond sonore, jouant sur d’infimes variation de guitare et de basses qui malgré leurs relatives discrétions restent en tête, bien aidée par les vocalises des deux sœurs d’Ibeyi distillées à la perfection. Illustration parfaite que la maîtrise technique au service d’une idée très basique mais partagée par deux artistes en symbiose aura toujours un magnifique rendu. Et c’est bien là toute la beauté de la musique.

Pour le top beatmakers 2018, c’est par là que ça se passe : 
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À proposZayyad

Singe Jaune. Le plus Hip Hop des frères Bogdanoff

3 commentaires

  1. Comment ne pas citer Oster Lapwass qui s’est encore une fois renouvelé en cette année 2017 ?! (cf : album avec Lucio Bukowski « Requiem/Nativité »). Un des beatmakers les plus polyvalents!
    Et Nizi et toutes ses prods (notamment pour Lacraps) qui maitrise aussi bien le boom-bap, la trap, et un mélange d’un peu tout ça!

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