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[Billet d’humeur] Les nouveaux rappeurs-hipsters sont-ils les pilleurs d’une culture ?

Cette année, plus que jamais, le rap francophone est apparu comme décomplexé quant à son héritage. Les succès de Lomepal, Caballero & JeanJass, Roméo Elvis, mais aussi à un moindre niveau de notoriété de Lord Esperenza, Hyacinthe, ou Nusky et Vaati montrent l’émergence et surtout la légitimation d’un nouveau type de rappeurs, prenant le contre-pied de l’imagerie du rap qui dominait jusqu’ici.

Loin de revendiquer une quelconque appartenance à la rue ou au quartier, ces rappeurs prennent les codes esthétiques du rap – des fringues à la musique – pour en faire un objet léché, proche d’une esthétique que l’on pourrait qualifier de manière floue de hipster. Comprendre des clips aux images rétros, des sonorités électroniques douces, des paroles introspectives qui évoquent le quotidien avec nostalgie. On est bien loin du rap social, qui se revendique d’en-bas, et qui attaque ceux d’eux haut. Alors, faut-il décrier nos rappeurs-hipsters ?

J’ai longtemps hésité à poser cette question. Tout d’abord, parce que je suis moi-même un blanc, fan de rap, à casquette, de middle-class. Suis-je dès lors le plus pertinent pour traiter de ce sujet ? Disons qu’il vaut mieux prévenir avant : sans doute qu’en traitant de ces tensions dans le milieu du rap, je vais chercher à résoudre certaines de mes contradictions internes aussi. Sans doute que cela a influé ma manière de penser et d’écrire cet article, et que cet article ne vaut que comme ce que ma position me permet de penser.

L’autre raison pour laquelle j’ai hésité, est la peur de tomber dans l’acceptation et l’aspect essentialisant de la création de catégories trop simplificatrices. En effet, qu’est-ce que ça veut dire, un rappeur-hipster ? Qu’est-ce que c’est que cette notion vaseuse qui prête aux amalgames ? La réponse est simple : ça ne veut rien dire. Ces catégories ne doivent pas être prises comme des réalités, mais davantage comme des esthétiques opposées qui sont vendues, présentées comme telles. Aujourd’hui, l’esthétique hipster est opposée à l’esthétique ghetto.

Comme le souligne Yérim Sar dans cet excellent article, l’opposition entre les rappeurs blancs et les rappeurs noirs et arabes s’est estompée. Les blancs ont su négocier leur place dans le rap, en assumant leur différences, et en s’intégrant ainsi au paysage rap, avec des exemples frappants comme SCH ou JUL, des rappeurs que personne n’oserait attaquer sur leur couleur de peau. La frontière n’est plus entre des rappeurs de couleurs de peau différentes, mais davantage entre des rappeurs renvoyant à des imageries socio-culturelles différents : ceux qui seront désignés de cailleras (parmi lesquelles on pourra trouver des blancs – JUL) contre ceux qui seront désignés de hipsters (parmi lesquels on pourra trouver des noirs – Ichon).

Ces catégories sont des discours du public, par rapport auxquelles les rappeurs se positionnent, dans ce que le sociologue  Ian Hacking appelle un « système de boucle » (Ian HackingEntre science et réalité. La construction sociale de quoi  ?, Paris, La Découverte, 2001, p. 147). On est catégorisé, et l’on agit face à cette catégorisation. On est défini comme rappeur-hipster, et l’on se positionne comme rappeur-hipster.

Encore une fois, il s’agit de revendications et d’attributions esthétiques, de discours, de représentations, et non de réalités. Certaines des pseudos-cailleras sont sans doute de vrais hipsters, et – qui sait – certains hipsters ont un vécu de bicraveur (même si l’on imagine mal Lonepsi en bas des bâtiments). On peut également, par stratégie, passer d’une catégorie à une autre ; les catégories ne sont pas figées. Ainsi, Jok’air, quand il collabore avec Hyacinthe () s’affirme en rappeur-hipster, autant musicalement, dans les paroles que dans son imagerie. Quand il collabore avec Hayce Lemsi (ici), il revient à un style davantage proche de ce qu’il faisait avec la MZ. Finalement, l’enjeu, c’est qu’aujourd’hui on a une nouvelle esthétique qui a émergé dans le rap, qui prend la banane du bicraveur pour en faire l’atout rétro du hipster, qui prend les grands ensembles de banlieue pour en faire des symboles mélancoliques de l’ennui du jeune urbain de classe moyenne. Les rappeurs choisissent ou non d’embrasser cette esthétique qui réutilise l’esthétique d’un rap d’en-bas, pour en faire celle de la classe moyenne et supérieure stylée.

Une fois ces deux mises au point faites, on peut rentrer dans le vif du sujet : cette appropriation pose-t-elle problème ? Faut-il la critiquer ? Le rappeur-hipster est-il un pilleur de culture ? Roméo Elvis, quand le nouveau média belge Check lui demande ce qu’il pense de ces accusations répond franchement (voir la vidéo ci-dessous à partir de 9 minutes).  « Des blancs de middle-class, comme moi, qui reprennent… qui se réapproprient des musiques comme ça, c’est juste un phénomène ultra-normal et ultra-logique, dans le sens que, bien avant que moi j’en fasse, cette musique s’est popularisée. Il y a ça avec le rock aussi. […] » Dans la suite de son propos, le bruxellois se défend d’être un hipster, en disant que l’on emploie ce terme pour tout et rien – ce qui est vrai, mais pas très important, car comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas la réalité effective des hipsters qui importe, mais la frontière esthétique que le terme pose entre certains rappeurs.

C’est la première partie du propos de Roméo Elvis qui est donc la plus intéressante. Roméo Elvis a raison. Le cas du rap est loin d’être isolé. Et pourtant, une forme de modèle d’appropriation culturelle des musiques urbaines populaires qui serait systématique suffit-il à dédouaner les pilleurs ? Roméo Elvis doit-il être dispensé de toute justification simplement parce qu’un autre Elvis, Elvis Presley, a pillé avant lui  ? Dégager des modèles ne fait pas des acteurs de ces modèles de simples mécanismes, ils gardent un libre-arbitre. Roméo Elvis a une responsabilité, son geste qu’il qualifie lui-même d’appropriation (en se reprenant, comme s’il choisissait finalement d’assumer la portée de son acte) a un sens. Alors, nos rappeurs-hipsters sont-ils des pilleurs, qui esthétisent la marginalité, fantasment la pauvreté ?

C’est dans la thèse de la chercheuse Pénélope Patrix, pourtant portant sur le tango et le fado, (Pénélope Patrix, Imaginaire des bas-fonds et poétique « canaille » dans la chanson urbaine. Le fado et le tango, des marges au patrimoine immatériel, 2014, Paris 7.) que j’ai trouvé des premiers éléments de réponse. Elle part d’une thèse formulée par Christian Mercadet en 1997. Toutes les chansons urbaines (Marcadet ne traite pas du rap en particulier mais sa thèse s’y applique particulièrement bien) vivraient le même schéma : une époque sauvage et légendaire (pour le rap, l’époque du terrain vague de La Chapelle), puis les acteurs se professionnaliseraient (les premiers albums de rap français dans les années 80), avant que la musique ne se diffuse et ne se popularise (NTMMC Solaar, IAM,…), et qu’elle soit enfin accaparée et folklorisée par les bourgeois (Roméo Elvis, Lomepal). Ce schéma paraît séduisant : un artiste comme Eddy de Pretto, qui n’a rien d’un rappeur, se sert ainsi de la culture hip-hop comme d’un outil exotique et sexy pour se revendiquer d’une marge poétique.

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Mais Pénélope Patrix renverse ensuite le propos de Christian Marcadet : pour elle, ce schéma est à déconstruire. En effet, ces origines sauvages n’ont pas de fondement. On peut en effet en attester pour le rap : on ne peut pas dire que Radio Nova, haut-lieu de diffusion de la culture hip-hop dès 1988 avec le Deenastyle  ne soit un lieu des marges. Ces origines relèvent donc davantage du mythe que de la réalité. En effet, pour la chercheuse, la popularisation de la musique se fait en même temps que la construction de ces origines mythiques et sauvages. Ainsi, dans son cas, son objectif est de montrer que l’implantation du tango et du fando dans la culture majoritaire se fait par un discours sur leurs origines. Autrement dit, les origines marginales ne précèdent pas chronologiquement la professionnalisation, mais la fondent logiquement.

La même thèse peut totalement s’adapter au rap. Après tout, ça commence à faire longtemps que l’on dit que « le rap c’était mieux avant »… Comme si cette origine mythique était le moteur même du rayonnement du rap et non son prédécesseur chronologique. Il ne faut pas non plus tourner ce discours sur les origines du rap en ridicule : qu’il soit vrai ou faux, il fait partie de la mémoire collective, et les rappeurs-hipsters doivent se positionner par rapport à lui. Simplement, la thèse de Pénélope Patrix nous permet de voir que les rappeurs-hipsters ne pillent pas le rap à ses origines : ce sont plutôt eux qui travaillent, à travers leur esthétisation de la marge, à construire et actualiser le mythe de ses origines.

Ils sont ceux qui contribuent à générer ce que Deena Weinstein, au sujet du rock, nomme la néo-nostalgie (Deena Weinstein, La Nostalgie construite, in Volume !, 2014). Il s’agit d’une nostalgie esthétisée, construite culturellement, qui ne renvoie à rien de réel. Le mythe d’une authenticité passée du rap, d’un Âge d’Or, est une simple production, de laquelle il ne faut pas être dupe. Et les rappeurs-hipsters dialoguent avec ce mythe, lui rendant hommage, s’inscrivant en rupture, l’esthétisant.

Alors, est-ce qu’il y a du nouveau dans la démarche des rappeurs-hipsters ? Sans doute pas. Le discours sur l’origine du rap français est simultané à sa professionnalisation. Qu’est-ce qui a changé alors, pour que les têtes d’affiche du rap puissent désormais être blanches, hypes, cools, gentrifiées, et décalées ? L’enjeu ne se pose peut-être pas tant finalement du côté des rappeurs que des médias. En effet, ce n’est pas Lomepal qui est nouveau dans le rap, mais sa médiatisation. Longtemps (on peut penser aux travaux du chercheur Karim Hammou), le rap a été associé par les médias à la racaille, à la banlieue, à l’effrayant.

Aujourd’hui que cette musique est devenue majoritaire en France – avec notamment l’ère du streaming qui érige le rap en musique préférée des français, les médias ne peuvent plus se permettre ce traitement réducteur. Pourtant, ils ne peuvent pas non plus se permettre de montrer Niska le lundi, Damso le lendemain, Booba le mercredi, avant d’accueillir JUL puis 13 Block pour finir la semaine glorieusement. Il faut garder certaines hiérarchies, certains codes, et une bonne ambiance sur le plateau télé. Alors, QuotidienC à vousFrance InterParis Match, inviteront Lomepal (17 millions de vues pour Yeux disent). En revanche, pas de traces d’un Niska (209 millions de vues pour Réseaux) sur ces médias grands publics. Seul Cyril Hanouna invitera le jeune charo à faire un playback foireux sur le plateau de Touche pas à mon Poste.

Les rappeurs-hipsters sont donc une opportunité pour les médias, pour mettre le rap en avant, mais en le mettant en scène comme la musique populaire qu’ils souhaiteraient qu’il soit : blanche, souriante, plutôt riche, pas trop vulgaire, qui s’exprime comme eux, qui a les mêmes codes qu’eux, qui s’adresse à eux. Pour ne pas se fissurer, la culture dominante doit rester dans l’entre-soi. En désignant Lomepal  – dont je ne discute pas du tout le talent ici, bien réel (on l’a même classé top 3 de notre top album 2017) –  révélation rap de l’année, Quotidien dessine le rap tel qu’ils aimeraient qu’il soit demain : un rap-Konbini, fait par des gens du même milieu social et culturel qu’eux, qui comprend leurs références culturelles et esthétiques, dont ils comprennent les références, et qui ne les dérange pas outre mesure.

Bref, les rappeurs-hipsters ne sont pas les pilleurs d’une origine, qui en réalité n’a jamais vraiment eu lieu. Ils font plutôt partie de ceux qui rêvent, qui construisent, et qui actualisent cette origine, qui a toujours été un fantasme, une chimère, puisqu’en France, comme le montre bien Yérim Sar dans son article déjà cité plus haut, on a tous reçu le rap en même temps : les riches et les pauvres, les noirs et les blancs, ceux en jogging Décathlon comme les fans de sapes. Ainsi, Sidney parlait de hip-hop sur TF1 dès 1984, devant tous les français. En revanche, la controverse se situe sans doute dans la surmédiatisation de ces rappeurs-hipsters, signe que les médias préfèrent encore et toujours inviter leurs semblables, tout en se donnant bonne conscience. Ce n’est plus la couleur de peau qui fait barrière, mais l’imagerie, l’esthétique, bref les références socio-culturelles, communes ou pas.

Pour eux, afficher l’étiquette rap en invitant Lomepal à tout bout de champ fait un véritable écran de fumée, devant la diversité. Lomepal devient l’arbre qui cache la forêt de rappeurs, lui qui avait choisi son nom de scène notamment en raison de la discrétion de sa couleur de peau dans le rap, lui, l’homme pâle. En prétendant inviter des rappeurs, les médias peuvent donc ainsi inégalement mettre en lumière les différents rappeurs et surtout les traiter de manière différenciée : dans Quotidien, Sofiane sera interrogé sur l’autoroute qu’il a bloqué (bouh), Damso sur le sexisme dans ses textes (bouuuh – on vous en parlait ici), Roméo Elvis sur sa famille talentueuse (bravo), Lomepal sur sa pochette créative (bravo bravo).

Ici, je n’incrimine pas du tout les artistes, qui sont souvent conscients eux-mêmes du problème que leur surmédiatisation représente, à l’image de Nekfeu, rappeur-hipster par excellence, qui rappe sur Martin Eden « Fils de pute, bien sûr que c’est plus facile pour toi quand t’es blanc » (même si la couleur, on l’a bien vu, n’est qu’un seul des différents paramètres du bon rappeur-hipster. Bref, laissons faire par les artistes la musique qu’ils veulent, sans se faire aveugler par les discours et les catégorisations bidons et simplificatrices (hipster contre bicraveur), mais ne laissons pas les médias généralistes dessiner le visage qu’ils veulent au rap : un visage lissé, aplani, rassurant.

Guillaume Echelard

À proposGuillaume Echelard

Je passe l'essentiel de mon temps à parler de rap, parfois à la fac, parfois ici. Dans tous les cas, ça parle souvent de politique et de rapports sociaux, c'est souvent trop long, mais c'est déjà moins pire que si j'essayais de rapper.

14 commentaires

  1. Excuse moi de ne te répondre que maintenant ! Merci pour ton commentaire qui ouvre plein de pistes de réflexion, qui en effet ne sont pas traitées dans l’article.Tu as raison, la dimension critique est bien sûre à poser dans un deuxième temps. Montrer l’aspect construit des catégories est un premier pas, montrer COMMENT elles sont utilisées, QUAND elles sont utilisées (comme tu le dis, des catégorisations émiques plus complexes existent), et POURQUOI. Merci donc pour ta remarque, qui montre bien que cet article pose une base (il faut se méfier de la catégorisation « rappeur-hipster ») sur laquelle il faut construire.

  2. Excuse moi pour cette réponse tardive. Tu as parfaitement raison, cet enjeu mérite d’être posé, surtout que certains artistes ont aussi des stratégies pour profiter de cette surmédiatisation : Lomepal quand il dit qu’il considère faire autant de chanson que de rap. A réfléchir en effet !

  3. Je tombe sur ce texte – courageux – j’ai bien aimé. Néanmoins (oui il est venu tôt celui-ci) je pense qu’on devrait pousser l’analyse en nous demandant si, au vu des enjeux, ces « ripster » ne devraient pas faire un pas de côté et refuser cette surmédiatisation positive ainsi que les retombées liées à cela?

  4. Carrément, l’article aborde seulement la question des très gros médias généralistes, mais c’est clair qu’il y a plein de choses à dire sur celle des plus petits médias ou des spécialisés, qui ont aussi une ligne éditoriale ou des présupposés. L’ABCDR n’aura pas la même ligne que Clique, Booska-P ou meme Le Rap en France haha

  5. Yes c’est carrément intéressant comme position ! Après en effet tout dépend de l’acception qu’on donne au terme de « politique ». Comme tu dis, le gangsta rap touche au micro-politique (la vie au quartier, des réflexions sur le libéralisme, l’indépendance voire libertaires comme tu dis), mais on peut dire la même chose de Lomepal ou Roméo Elvis qui effleurent des questions politiques par leur chanson (ne serait-ce que la pochette de Lomepal qui a un sens politique).

    Pour moi, sa dimension politique ne fait pas une quelconque spécificité du rap. Dans toutes les époques du genre comme dans toutes les époques de la pop, il y a eu des artistes politiques, et des moins engagés (Kurtis Blow n’est pas franchement un modèle d’engagement haha).

    Néanmoins jte rejoins complètement j’aurais dû aborder la question politique comme telle, c’est clairement un des enjeux sous jacents de la question.

  6. « L’autre raison pour laquelle j’ai hésité, est la peur de tomber dans l’acceptation et l’aspect essentialisant de la création de catégories trop simplificatrices. »

    outch !!!

  7. Merci pour ce très chouette article.

    Néanmoins, une question me vient à laquelle il ne me semble pas qu’une réponse y soit apportée.

    (mais peut-être est-ce dû au fait que je ne suis pas un lecteur régulier du site où cette réponse est peut-être massivement diffusée, auquel cas, pardon pour la redondance)

    J’entends bien que la couleur de peau ne doive plus être prise comme déterminante dans la critique musicale du rap (et donc sa catégorisation), j’entends aussi que les tendances catégorielles que sont les ghetto et le hipster peuvent être diffuses et diversement diffusées (y compris au sein de la disco d’un même artiste), j’entends enfin que ces tendances catégorielles sont surtout l’instrument d’une sélection médiatique. Mais qu’en est-il du point de vue de l’auteur, point de vue critique (et pas seulement analytique) sur ces tendances, leur utilisation médiatique et leur rapport aux transformations du rap (production, diffusion, imaginaire général, etc.) ?

    Par exemple, on pourrait voir d’un très mauvais œil la récupération médiatique de cette catégorisation tendancielle, en ce qu’elle invisibiliserait un rap non pas plus « authentique » (par rapport à « l’origine ») mais plus représentatif d’une réalité sociale à laquelle on accorderait un crédit, une importance, un intérêt supérieurs à une autre (clairement : la réalité du ghetto vs. celle du quartier résidentiel).
    Ou on pourrait au contraire rejoindre le point de vue de Quotidien.
    Mais on pourrait encore considérer que les deux tendances catégorielles gagneraient à être considérées dans leur complémentarité, et dans la diversité de leurs modes de diffusion, en ce qu’à travers le rap, ce serait une très large part des problèmes psycho-sociaux (de « j’ai mal à mon petit coeur » à « j’ai envie de tout brûler » en passant par d’autres) qui pourraient être exprimés.
    Qui plus est, on pourrait ressentir le besoin, sans pour autant oublier l’analyse formulée par Hacking, de diversifier, spécifier et complexifier ces catégories, en montrant par exemple que parmi les « ghetto », certains sont plus constructifs et d’autres plus destructifs, et que donc, outre l’aspect esthétique de la catégorisation, il y aurait un aspect sociologique ou politique à mettre en lumière.

    Bref, ma remarque/question me paraît un peu bête (j’ai envie de me répondre moi-même en me disant : « lis le site, mec »), mais je la pose là quand même, pour voir.

  8. L’article est cool, ça fait plaisir de lire un papier documenté et rédigé à l’universitaire sur l’actualité rap.

    Cependant, il y a un choix qui me laisse perplexe, tu décide de ne pas traiter le caractère politique du Rap. Vue de ma fenêtre, c’est le vider de 90% de sa substance et en faire un art politiquement neutre. Tu as raison de tacler les pseudos puristes en déconstruisant le mythe de la genèse du rap français, mais lui retirer ses revendications politiques, c’est le détruire. En faire de la Pop.

    Alors soit vous vous lancez dans un article de 30 pages pour définir ce qu’est le rap en proposant le fait que tout ce qui contient de la rime, un beat, une casquette et un flow doit être considéré comme tel, soit il manque un bout à l’article.

    Il y a pas si longtemps vous aviez fait un article sur Pacifique de Disiz en parlant de post-rap. J’y ai pas mal repensé (j’ai beaucoup le terme d’ailleurs) . Mais ce qui fait que Pacifique n’est pas « Party de plaisir » de Teki, c’est la présence d’un constat social et d’un message politique, moins lourdeaux que celles qu’on peut retrouver sur d’autres album de Disiz.
    Idée qui me passe par la tête, mais ça marche aussi pour Lucio Bukowski, ce qui fait que le mec est rappeur et pas poète, c’est le combo constat social + message politique construit.

    Tu mets totalement de côté le caractère apolitique, « docile » et non-clivant de ces nouvelles figures qui sont qualifiés (à tort selon moi) de rappeurs. Alors que c’est là que pour moi il aurait fallu commencer. Nessbeal et Lomepal ne sont pas deux extrêmes d’un même genre musical, mais bien deux cultures musicales contemporaines distinctes en train de s’acculturer.

    En réponse au terme de post-rap, je vous propose celui de néo-pop. Une musique de masse, majoritaire, qu’on peut faire écouter à ses enfants avec la consistance d’une la pop culture et les codes musicaux du rap.

    L’avantage de cette nouvelle définition : tu peux rentrer plein de chose dedans, jeter pelle-mêle de la Sexion d’Assault, du Nekfeu, de Lomepal, tout les booba-like etc.

    Encore une autre idée : c’est à creuser mais ça aiderait aussi à dépasser le débat sur Gangsta rap, rap conscient. Tu peux trouver des réflexions qui sont presque libertariennes dans le Gangsta rap, c’est selon ma théorie, ce qui en fait du rap.

    Je ne sais si vous avez compris où je voulais en venir. Mais si ça tente quelqu’un de se pencher sur le sujet moi ça me botte ! à rediscuter.

  9. Article super intéressant sur la différenciation de traitement entre différentes esthétiques du rap français, par les médias généralistes.

    Par contre, cela aurait pu être intéressant de contrebalancer cet exemple de traitement différencié, avec un traitement égalitaire pour toutes les franges du rap, avec notamment des médias cartonnant sur le web comme Clic.tv, ou Mouloud Achour traitera avec la même bienveillance Sofiane, Nekfeu, ou encore Medine. Dernier point concernant les médias web. Personne ne s’est attardé à la discrimination (sûrement inconsciente), du média Booska-P, qui préfère toujours favorisé un rap à l’esthétique de rue, et délaissé une imagerie de rappeurs poètes comme Gaël Faye ou JP Manova, qui sont quasi absents de leurs chroniques.

  10. Yes tu dis juste (carrément pour Orelsan, je n’y avais pas pensé pour cet article mais c’est bien vu), après on se permet des choses avec ces rappeurs que l’on ne se permettrait pas avec d’autres gens. Quand Johnny était invité à la télé, on ne le renvoyait pas à son exil fiscal, quand Pete Doherty vient dans Quotidien on ne le renvoie pas à la prison qu’il a fait pour possession de cocaïne, etc. Je pense qu’il y a quand même certains rappeurs qui font l’objet d’un traitement différencié et méprisant, et d’autres qui sont traités comme des « vrais » invités car ils s’approchent plus des codes normés des médias.

  11. à l’att de Guillaume: Très bon article, développement super intéressant. Tout à fait d’accord sur le traitement des médias qui sont complètement dépassés et restent dans leur zone de confort, cependant je me permet de rebondir sur « Sofiane sera interrogé sur l’autoroute qu’il a bloqué (bouh), Damso sur le sexisme dans ses textes.. » Autant je trouve relou que Hanouna ou Ruquier invitent Booba pour parler bling bling, autant des rappeurs qui bloquent des autoroutes ou disent « ferme là et suce » dans leurs textes.. Faudra bien s’attendre à ce que les « journalistes » blancs de classe moyenne non initiés leur parle de ça. Et ça aurait été Romeo Elvis ou Lomepal qui aurait bloqué une autoroute il y aurait eu droit aussi à mon avis.. D’ailleurs tu ne parle pas d’Orel San qui est invité partout mais traîne l’affaire « sale pute » depuis bientôt 10 ans. Alors que dans le monde hip hop, on s’en branle un peu.

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