Chroniques Focus sur

[Focus sur un beatmaker] Yung Cœur

C’est avec une productivité presque robotique que Yung Cœur, jeune talent du Dojo, inonde Internet de ses prods loufoques et entraînantes. Derrière les projets de Sheldon, L’ordre du Périph ou encore M le Maudit, le jeune palpitant laisse sa trace sur des albums marquants, plus ou moins relayés mais méritant tous une même attention. Voyage à travers les notes numériques et glitchs auditifs d’un nouveau talent du beatmaking français : Focus.

Phase de lancement

Avant de commencer les hostilités, laissons place aux présentations. Yung Cœur est un beatmaker et ingénieur son parisien. Il est un des piliers du Dojo, cette nébuleuse créative logée au nord de la capitale, mais il officie dans l’ombre : toujours camouflé, certains parlent de lui comme un producteur secret de la 75ème session, d’autres y voient une double identité avec un autre beatmaker, Kaïros. Étrange.

Mais mettons de côté ces hypothèses et concentrons-nous sur sa musique. Très présent ces derniers mois, Jean-Claude Yung Cœur dit « JC » bombarde Internet de ses folles productions. Ses premières apparitions sont assez difficiles à déterminer, étant donné que ses travaux sont tout à fait récents : sa plus vielle production rendue publique date de 2017 sur Ripley de Sheldon, un incroyable banger numérique aux influences geeks et spatiales. Depuis cette bombe, Yung Cœur ne s’arrête plus : on le voit apparaître sur le très bon projet de Népal, 445ème nuit,  et envahit peu à peu la toile de ses productions, à travers les excellents freestyles d’Hash 24, des morceaux du marseillais Zamdane ou encore le zinz’ Inspire. La machine est lancée.

Glitchs et mélodies

Le style musical de Yung Cœur est très éclectique : toujours surprenant, certaines productions marquent une réelle originalité dans le paysage du rap francophone, construisant un univers particulier à la croisée de nombreuses influences. C’est sur RPG, le projet de Sheldon sorti en mai dernier que le jeune JC a su montrer un échantillon de son talent. Produisant l’entièreté de cet EP, c’est autour des jeux vidéos et ses nombreuses références (le titre du projet est évocateur car signifiant « Role Playing Game ») que s’est construite une musique particulièrement adaptée, permettant à Yung Cœur de tester de nombreuses envolées numériques, notamment sur le morceau éponyme du projet sonnant comme un très mélodieux modem 56k. Un style totalement rodé permettant de montrer aux auditeurs la capacité qu’a le jeune cœur à construire une atmosphère solide autour d’une ligne directrice aussi riche que vaste, l’univers digital.

Pourtant adopter cet univers n’a pas semblé être un travail difficile pour Yung Cœur car il fait depuis le début entièrement partie de ses productions. Yung Cœur est né des nouvelles technologies : sa musique est totalement construite à partir des ordinateurs, sons numériques issus de jeux vidéos (De Fortnite à Metal Gear Solid en passant par Zelda) mais aussi des mélodies nouvelles, accompagnant l’ascension des consoles et ordinateurs dans les années 90. Un univers quasi infini que Yung Cœur explore depuis ses début, faisait naître une musique originale et transparente, reflétant ses influences et celles du Dojo.

Art contemporain

Si Yung Cœur est issu des nouvelles technologies, sa musique est le reflet direct de notre génération. Ses instrumentales étant un produit contemporain construit à partir de matériaux actuels, sa musique est un témoignage direct de la période musicale dans laquelle nous vivons. Avec la Trap et influences numériques au travers de glitchs et toutes sortes d’effets improbables, Yung Cœur décrit notre époque avec ses mélodies, installant sa musique comme un art contemporain, en phase avec notre génération.

Mais l’art contemporain ne se contente pas seulement de décrire notre époque, il la transgresse et la fait évoluer, cassant les nombreux codes installés pour construire de nouvelles œuvres, loin des sentiers tracés. Si les mouvements artistiques s’appliquaient aussi au beatmaking, la musique de Yung Cœur serait justement catégorisée comme de l’art contemporain, à la croisée de nombreux genres artistiques évoluant vers de nouvelles perspectives. Son univers musical nous renvoie directement à l’image et la vidéo, que ce soit à travers les glitchs ou encore les extrait de jeux vidéos et autres voix automatisées, avec pour exemple l’outro de Trapnuit d’Inspire, transgressant les frontières du beatmaking « classique ». Il repousse les limites de l’avant garde et adopte ainsi l’essence même de l’art contemporain, proposant des contenus originaux dans le vaste paysage du rap français et donnant alors aux morceaux qu’il produit une dimension encore très peu aperçue. Yung Coeur est un machiniste talentueux aux commandes d’une musique nouvelle, un résultat artistique de l’ère musicale dans laquelle il évolue et qu’il fait évoluer.

(Re)découvrez ici le très bon projet de Sheldon et Yung Coeur, RPG, disponible en streaming ci-dessous :

https://open.spotify.com/embed/album/06sz0u4TI9xlTGQZn9PydZ

À proposTim Levaché

Chaque jour mes tympans avalent des kilos de lyrics et de tapes pour le bien de mon cerveau.

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