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[Interview] le Blavog (2/3) : « Vous savez que lui est encore plus con dans la vraie vie ? »

Le rapport avec les rappeurs n’est-il pas étrange parfois ?
Spleenter : On essaie de mettre des capotes la plupart du temps. A chaque fois qu’un rappeur nous dit qu’il aime bien tel ou tel article, il y a un petit mec dans ta tête en train de se rouler par terre en disant : c’est absurde, c’est toi qui es censé lui dire ça. Pour garder ma sérénité je me force à repenser à la fois où j’ai uriné sur la voiture de Benoît Magimel, mais ça marche pas à tous les coups.
Teo : Parfois, on n’a même plus besoin de se présenter. On a été au concert Can I Kick It, on voit Flynt. C’était la première fois qu’on le voyait mais on s’était déjà parlé sur internet. Joe Lucazz arrive à un moment, on le connaît déjà donc il était super content de nous voir. Il se barre et il revient avec Aketo et Sheryo et les mecs sont là mais je vous connais déjà. Avec Aketo, on a parlé du Blavog, il connaissait. Même pas besoin d’expliquer ce qu’on avait fait, il nous parlait de tel et tel article.
Spleenter : Tant qu’on n’a pas cette réaction en vrai, ce n’est pas un truc qu’on peut imaginer. C’est un peu la création qui dépasse le maître, c’est Frankenstein. Alors qu’on préfèrerait que ce soit Code Lisa.
Teo : Après le piège, c’est de se dire eux ils me connaissent : faut qu’on fasse ça, ça, ça pour qu’ils kiffent.

Il faut rester soi-même.
Teo : On dirait que tu veux vendre du parfum, c’est sympa ce slogan.
Spleenter : C’est plus compliqué quand tu es amené à côtoyer les rappeurs pour ensuite les remettre dans les conneries qu’on écrit. Parce que c’est chaud si t’aimes bien quelqu’un artistiquement et après tu découvres que c’est une merde humainement, mais l’inverse est pire : détester des rappeurs et s’apercevoir qu’en vrai c’est des crèmes. Y’en a qui nous ont déjà fait le coup, je trouve ça inadmissible.
Teo : Par exemple, t’as des mecs tu les connais en vrai mais tu ne peux pas mettre les vraies expressions qu’ils utilisent si les gens ne les connaissent pas. Un mec qui te sort une bête de phrase quand tu es en train de manger un kebab, tu peux bien la ressortir où tu veux, tout le monde s’en fout s’il n’a pas dit ça en interview ou dans un morceau. (C’est le drame du rap frinçais, ça. Les mecs sortent leurs meilleures phases quand y a personne)
Spleenter : C’est limite plus gratifiant quand on ne connaît pas du tout la personne. Ça nous est arrivé plusieurs fois : on ne connaît pas du tout la ou les personnes, on écrit un truc, à partir des interviews, des sons et bien sûr de la voix de Leslie Nielsen qu’on entend dans nos têtes.
Teo : On voit par rapport au parcours du mec. Même s’il n’a pas donné 36 000 interviews, on voit qu’il a été dans tel label, qu’il s’est barré au bout de 2 ans. Que tel label il s’est barré au bout de six mois, le gars n’a jamais rien sorti de sa vie.
Spleenter : On écrit à partir de n’importe quel truc, en tant qu’auditeur extérieur. On ne côtoie pas la personne, on n’a pas de connaissances en commun pour nous aiguiller ni rien. On écrit notre truc et le mec nous capte : qui c’est qui vous a renseignés ? Ça nous est arrivé plusieurs fois, des mecs qui croyaient dur comme fer qu’on était en studio, ou alors qu’on connaissait des gens. Dans ces moments là je te cache pas que tu te sens un peu comme Ryan O’Reilly dans Oz quand il fait s’entretuer deux cons sans bouger le petit doigt.

Vous ciblez donc très bien les personnages.
Spleenter : C’est super satisfaisant, tu te dis c’est cool on a visé juste. C’est bien marrant à chaque fois, mais parfois c’est inquiétant. Ça veut quand même dire qu’untel est insupportable en studio ou qu’un autre est un abruti fini. Le truc qui nous a tués c’est quand un mec nous a dit : mais vous savez que lui est encore plus con dans la vraie vie ?

Je change de sujet. Vous faites combien de visites sur le site ?
Teo : On a un compteur journalier, on ne tient aucun compte. Ça dépend vraiment du billet, suffit que tu mettes Booba et Rohff, tu tapes leurs deux noms et tu peux tomber sur nous assez rapidement.

Le Clashico a été pas mal relayé d’ailleurs.
Spleenter
: Il y avait une demande de papiers comme ça sur ce sujet. Car il y a eu un bon article de l’Abcdr de Mehdi, et des gribouillages de Haterz et c’est tout.
Teo : Et Rachid Santaki qui a téléphoné à Rohff pour avoir son point de vue là-dessus.
Spleenter : Donc, il n’y avait pas tellement de trucs et vu que c’est un truc qui excite vraiment tout le monde, ça a bien marché. C’est Bip Bip et le Coyote cette histoire, tu peux la décliner comme tu veux.

Puisque tu parles des Haterz, on voit que le format extra-court marche à merveille alors que vous vous faites chier à écrire des dialogues de ouf. Est-ce que vous ne pensez pas qu’internet a tué le format long ?
Spleenter : le format long uniquement écrit, carrément. Même au niveau de mon vrai taff, ça se voit : les formats courts cartonnent. Les autres, beaucoup moins parce que les gens n’ont pas le temps. Même parfois tu as des commentaires qui découragent, du genre je n’ai pas lu, c’est trop long. C’est logique, tu vas pas gaspiller 10 minutes sur un texte surtout si t’as le QI de Brick Tamland, les vidéos de chats sont plus adaptées. Après faut dire aussi que notre présentation pue la merde : les pages mettent dix mille ans à charger quand t’es pas direct sur l’article. C’est très artisanal.
Teo : Ouais, mon format est le plus long.

Ça fait aussi le charme du site quelque part, ce côté système D.
Spleenter : Ouais, un couple de babouins aussi ça a son charme, mais tu vas pas les inviter au restau pour autant. Parfois on est juste en retard. Là, on essaie de se mettre un peu à la vidéo.
Teo : Non pornographique, je préfère préciser.

Vous m’offrez une bonne transition.
Spleenter : C’est vrai qu’on a été plutôt fortiches sur ce coup là.

Justement, vous ne pensez pas qu’il y a un potentiel à exploiter dans la vidéo ? Votre écriture est très visuelle.
Spleenter : Notre problème, c’est qu’on se base sur des mecs qui existent. Le truc qui se rapproche un tout petit peu de ce qu’on voudrait faire dans l’idéal, ce serait la version 2 du Clashico. Ce que Genono de Captcha nous a fait : une espèce de version BD. Ce serait un début si on pouvait faire ça. Maintenant pour revenir à la vidéo, je pense juste qu’en faisant des interviews un peu décalées, tu peux faire un truc. Tu prends le format classique d’une interview de rap (questions sur écran noir, réponses du mec) sauf que tu poses des questions vraiment marrantes, vraiment décalées. Tu intègres des séquences de films, des conneries. Après tous les rappeurs ne se prêteraient pas au jeu mais les gens kifferaient. Et au pire si ça marche pas on pourrait toujours filmer des combats de bébés.
Teo : Quand tu captes un rappeur pour une interview écrite, ça va souvent être au calme. Vous vous posez dans un café et c’est cool. Mais quand tu parles d’interview vidéo, c’est plus compliqué de se poser dans un coin calme et de faire le truc bien. Quand y a du bordel autour de toi, à l’écrit tout le monde s’en fout, en vidéo c’est un facteur important.
Spleenter : L’idéal serait ce qu’on a pu faire avec les trois mecs des Kaïra. Eux ils ne nous connaissaient pas de base. C’était par rapport à mon taff et puis je me suis dit autant gratter la vidéo, que je l’utilise pour le Blavog. Avec certains rappeurs ce serait possible, surtout que certains sont demandeurs de ça, surtout ceux qui sont pas du tout exposés parce que tout le monde les prend pour des sauvages voire des enculeurs de poules, parfois à raison.

Vous avez des références pour l’écriture, au-delà de Southpark et des Simpson ? Finalement au niveau du format, c’est presque théâtral les enchaînements de dialogues.
Spleenter : On est un peu ce qui est arrivé de mieux à la littérature depuis la collection Chair De Poule, n’aie pas peur de le dire. Sinon on n’a pas vraiment de modèles directs parce que c’est inconscient. Maintenant au niveau de la forme, ça s’explique connement. C’est le plus simple à faire : tu n’as pas de narration. Effectivement, ça se rapproche de dialogues de film ou de théâtre avec juste deux-trois indications sur une mise en situation toute conne. C’est ça qui explique cette forme-là. Maintenant dans l’écriture, chacun ses goûts et ses influences en matière d’humour. Lui par exemple il va être vachement….
Teo : Finis ta phrase, ça m’intéresse ! (rires)
Spleenter : Je ne sais pas comment expliquer. J’allais dire qu’il est plus jeux de mots que moi mais en fait pas forcément tout le temps donc ça veut rien dire…
Teo : Plus simplement, on va voler une réponse de Nikkfurie : Lui c’est plus John Woo et moi c’est plus Philip K. Dick.
Spleenter : Je me désolidarise complètement de cette comparaison, faut pas déconner.
Teo : C’est un truc qu’il avait dit pour son écriture et celle d’Hi-Tekk. C’est un peu ce délire-là, on n’écrit pas spécialement pareil.  Mais par contre, j’ai jamais lu de K Dick. Déjà parce qu’en Frinçais ça fait K Bite et je refuse de lire cette personne, mais également parce que je ne sais pas lire et n’ai donc jamais rien lu d’autre. Parfois je regarde les images. Et c’est ce que je fais aussi avec le Blavog. Spleenter, je le trouve vraiment bourrin et parfois je le trouve vraiment bon. Moi je vais plus me faire chier à essayer de trouver une phrase qu’un rappeur a dit dans tel morceau pour la faire répondre à ce qu’a dit un autre. C’est le dialogue lui-même qui va faire la structure de l’histoire. Le dialogue commence, tu ne sais pas où il va. C’est après, comment tu imagines tel ou tel personnage qui influence la suite.
Spleenter : Teo est plus freestyle quand même. Perso je suis très comédie américaine stupide. Tu sais les dialogues très à froid où tu as un truc absurde et puis l’autre qui fait hmmm. Ça va être dur à retranscrire ça, bon courage. (rires)
Teo : C’est Kaaris qui fait Hmmm. Il l’a repris à Juicy J. Merci les cours d’Histoire par correspondance.

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À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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