Billets d'humeur

Youssoupha, sous l’œil de Marianne

Aujourd’hui, dans la 17ème chambre du tribunal de Paris se tenait le procès Youssoupha/Zemmour. Le chroniqueur a porté plainte pour injure publique et menace de mort contre le rappeur. Plongée au cœur de l’audience.

La salle est grande et haute. Les murs sont recouverts de bois, une peinture orne le plafond. Derrière le juge, un portrait de Marianne pour rappeler que la république française préside l’audience. Youssoupha est appelé à la barre. Il est sobrement habillé de couleurs sombres. Le juge s’adresse à lui : « Vous êtes musicien ? ». Il répond par la positive, le juge renchérit : « Mais musicien de rap ? » Léger malaise, le Prince parolier réitère sa réponse. L’homme de loi commence à abreuver l’accusé de questions à divers sujets. Un peu crispé au début, Youssoupha prend de l’aisance. Répond avec facilité aux questions les plus précises. A ses côtés se tient Valérie Queinnec, directrice d’EMI France, qui comparaît aussi. Le juge demande aux prévenus leurs ressources. Léger malaise, encore une fois.

Puis c’est au tour de l’avocate de M. Zemmour de prendre la parole. Elle évoque l’injure publique, l’atteinte à la dignité, l’humiliation publique. Sa plaidoirie dure vingt-cinq minutes. Elle parle de l’attitude de Youssoupha lors de concerts et précise que des vidéos sont versées au dossier. C’est ensuite à la procureure de s’exprimer. Volontiers ambivalente, elle commence par exprimer un semblant de mépris pour le lyriciste mais ce sentiment est vite balayé quand elle fait le parallèle avec une fameuse chanson de Renaud Miss Maggie dans laquelle il descendait en flèche Margaret Thatcher. Elle évoque le caractère presque anodin de l’insulte et rappelle même que Éric Zemmour avait plaidé pour la liberté d’expression récemment. Elle souligne donc son incohérence et sa contradiction.

C’est alors que le vrai spectacle commence. L’avocat de Youss a fait les choses bien, le texte est préparé. Il commence par s’interroger sur la légitimé d’une attaque sur une phrase sortie d’un contexte spécial avant de rappeler toutes les provocations du sieur Zemmour à l’encontre de la banlieue, des rappeurs. Il insiste lui aussi sur le caractère dérisoire de l’insulte « con ». Il évoque très justement deux raps distinctifs : « le rap pour les jambes et le rap pour la tête » en classant évidemment M. Mabiki dans le deuxième groupe. Il nous apprend que les vidéos injurieuses et débilitantes de Cortex sont versées au dossier et ne manque pas de notifier aux juges qu’il ne comprend pas en quel honneur puisque les deux rappeurs n’ont aucun lien quelconque.

L’avocate de Valérie Queinnec prend la parole et, malgré son âge avancé, envoie quelques grosses punchlines avec une éloquence exceptionnelle. Elle pointe un fait désolant : un gamin âgé de quinze ans au moment des faits comparaissait la veille pour avoir reproduit les paroles incriminées sur son site internet. Quand la plainte a été déposé, il a immédiatement retiré ce qu’on lui reprochait. Il a même écrit une lettre d’excuse à Éric Zemmour. En vain, puisqu’il subissait quand même la traumatisante épreuve du tribunal pour mineurs. Mais l’avocate n’a pas terminé. Elle joue sur la sémantique en expliquant qu’en disant « CE con d’Eric Zemmour », Youssoupha se situait dans le démonstratif et non pas dans le nominatif. Elle glisse sur la liberté d’expression et tend une perche immense à son associé qui prend la suite.

En effet, il rappelle les antécédents de cette 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris en matière de liberté d’expression. Il égrène les cas qui font jurisprudence, brosse légèrement la cour dans le sens du poil avec tact pour finir par une demande de relaxe et un euro symbolique de dommages et intérêts.

Enfin, le juge demande à Youssoupha s’il a quelque chose à ajouter. Il se lève, se tient droit et rajoute quelques mots. Rendez-vous est donné à tous les acteurs le 25 Octobre pour le résultat final de ce qui est aussi un peu le procès du rap français. A la sortie, le rappeur se dit confiant et serein. Il assume ses propos mais n’oublie pas de signaler qu’il y a des procès beaucoup plus importants comme celui des victimes de l’incendie du boulevard Auriol qui se tient à l’étage du dessous. Même sous la pression, le gesteur garde le sens de la mesure et pour saluer cela, on jette nous aussi notre Y en l’air.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

6 commentaires

  1. Merci pour la retranscription de l’audience, Youssoupha n’à pas de quoi s’inquiéter. Mais au delà du rappeur c’est le rap qui est visé et qui prend sa revanche sur cet ex chroniqueur TV pour ne pas le citer, rappelez vous de ses propos sur la culture rap… Maintenant comme on dit « wait and see ».

  2. Evidememnt une seule issue possible!!!
    Si tous les Hommes étaient aussi droit que Youssoupha, le monde tournerait mieux.
    Mais bon Justice sera faite et sans aucun doute dans le bon sens.
    En tout cas, que ces deux hommes continuent chacun leur chemin en pensant à la liberté d’autruis, vous savez il y a toujours (ou presque) du bon en chacun de nous.
    Youssoupha je te souhaite de très très longues années de bonheur dans parcours musical.

  3. Ouais, pas terrible la qualité rédactionnelle. Mais bon, ce n’est pas l’essentiel. Merci pour la retranscription.

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