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[Focus] Qui est Carson, le nouveau talent du 94 ?

Produit par le célèbre beatmaker Madizm et validé par l’inévitable journaliste Genono, qui l’a présenté dans l’émission After Rap comme l’un des futurs talents du rap français, qui est Carson la nouvelle sensation sortie tout droit du « nonante-quatre » ? Réponse dans notre focus consacré à ce rappeur émergent, qui a pourtant déjà une longue histoire. Un article signé AK.

Artiste à multiples facettes qui rappe, chante, et produit ses propres instrus, on peut dire que Carson a le son dans le sang. Son enfance est bercée par le jazz de Miles Davis, la soul de Gil-Scott Heron, ou encore les hits de The Crusaders que son père, un immigré algérien fan de musique afro-américaine, fait tourner à longueur de journée dans le salon du petit appartement d’Orly que Carson partage avec ses parents et ses frères.

Éduqué à bonne école, c’est l’un de ses grands frères, bousillé de hip-hop, qui l’initie très tôt au rap US, au cours de leurs après-midis passées sur le canapé du salon à mater l’émission Yo! MTV Raps. À l’époque où les enfants de son âge écoutent encore Dorothée ou les chansons du prochain carton de Disney, Carson bouge sa tête devant les clips du Wu Tang ou de Nas et connaît déjà par cœur toutes les paroles de What’s My Name ? de Snoop Dogg.

En parallèle à son éducation musicale familiale, il a juste à descendre en bas de chez lui pour assister aux performances vocales des rappeurs qui squattent devant son immeuble à longueur de journées. Entre deux business illégaux, ces derniers sont toujours prêts à balancer un freestyle de feu. Loin d’être des inconnus, il s’agit de Demon One, de Rohff, ou encore des membres du 113, le hall de Carson étant situé juste en face du fameux Demi-Lune Zoo, le fief autoproclamé de la Mafia K1fry. On peut d’ailleurs le voir minot dans la vidéo d’un freestyle du défunt Las Montana. Plus qu’un simple hasard de la vie il s’agit d’une véritable filiation spirituelle puisqu’en plus de name-dropper Kery James, Ideal J ou Rim-K dans plusieurs morceaux, Carson se présente comme l’héritier de la Mafia K1fry au détour d’une rime.

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Carson dans le fameux freestyle de la Mafia K1fry

C’est dans ce climat qu’il grandit, jusqu’au jour où il décide de plonger définitivement dans le rap, après que son père l’ait emmené voir 8 mile. L’ambiance des battles retranscrite par le film et la vie de Rabbit, dont le personnage est inspiré de Slim Shaddy, font office de déclic dans la tête du jeune adolescent : c’est décidé, il sera rappeur. À partir de là, il plonge définitivement dans le hip-hop, et se met à étudier de façon approfondie cette culture jusqu’à en connaître les classiques sur le bout des doigts. C’est ce qui lui permet aujourd’hui de se référer aussi aisément aux artistes de l’âge d’or du rap US, inconnus de beaucoup de rappeurs de cette nouvelle génération dont il fait partie. C’est aussi durant cette période qu’il commence à gratter ses premiers couplets et à composer ses premières instrus, avec une version pirate de Fruity Loops qu’il a téléchargée illégalement.

Ce sont d’ailleurs ses talents de producteur qui vont lui permettre de mettre un premier pied dans le milieu du rap français en produisant un beat pour un morceau Sazamyzy en 2013. C’est aussi à ce moment-là que sa route va croiser celle de Madizm pour la première fois, celui-ci s’occupant en partie du mix des morceaux de Sazamyzy à cette époque. Cette rencontre entre le beatmaker qui a bossé avec tout le gratin du rap français, de NTM à Zoxea en passant par Salif, et le jeune rappeur, va être décisive pour la suite de sa carrière comme l’avenir le montrera.

Après quelques galères personnelles qui le poussent à mettre le rap de côté pendant plusieurs années, Carson revient par la petite porte en postant sur Twitter, un soir de 2017, une vidéo où il ride dans Orly en écoutant l’une de ses instrus. Alors qu’il ne s’y attendait plus, la sauce prend immédiatement sur les réseaux. Plusieurs centaines de RT plus tard, il décide de rentrer dans le game une fois pour toutes et part alors en studio pour enregistrer ce qui sera son premier morceau officiel Neptvne.

À partir de là, les étoiles vont s’aligner pour Carson puisque suite au buzz généré par sa participation à un freestyle M16 Masqué, il est recontacté par Madizm, qui, coup du hasard ou signe du destin, est appelé en renfort par l’ingé son pour mixer sa voix pour le freestyle.

Au cours d’une discussion qui devait durer 5 minutes mais qui va s’étendre sur plusieurs heures, le producteur, séduit par le style du rappeur orlysien, lui propose de collaborer avec lui pour l’aider à concevoir son premier projet. C’est de la rencontre de ces deux artistes que va naitre Falconia, le premier projet de Carson.

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Le titre du projet fait référence au manga Berserk dont Carson est fan. Attention SPOIL ! Falconia est le nom de la ville fondée par Griffith, le méchant de l’histoire, qui vend ses compagnons au diable pour pouvoir devenir lui-même un dieu du mal. Si l’œuvre de Carson est agrémentée de références à l’univers de Berserk, des rimes à la pochette, il a décidé de donner ce titre à son projet afin d’établir un parallèle entre lui et Guts, le héros du manga. En effet comme pour Guts, qui sait que Falconia est une ville idéale à première vue mais dont les fondations sont basées sur un pacte avec les force démoniaques, Carson a bien conscience qu’il s’apprête à rentrer dans un milieu très malsain bien qu’il ne présente que des attraits en apparence : l’industrie du rap.

. Composé de 7 titres inédits et des 5 morceaux déjà en ligne, Falconia n’a pas encore de date de sortie officielle mais devrait arriver dans les prochains mois. Hormis L’Don, un rappeur de Montreuil présent sur Le toit de la ville, il n’est prévu qu’un seul autre invité en featuring et d’après la rumeur il s’agirait d’une légende du 94.

Mêlant rimes incisives (« Tu sers à rien comme le R de LICRA »), phases réfléchies (« Je n’essaye pas d’être riche, j’essaye juste de ne plus être pauvres ») et punchlines comiques (le désormais classique « Trouves moi accompagné par une meuf maquillée comme Lomepal »), le flow nonchalant de Carson, à mi-chemin entre rap et chant, se marie parfaitement avec ses instrus cloud au groove funky et aérien comme sur les morceaux 300 sseudi ou Bodie. Et même quand quand le beat devient plus trap et que son phrasé s’accélère, comme sur Adoubé produit par Madizm, l’alchimie opère toujours.

En attendant de voir s’il concrétisera les espoirs placés sur lui on ne peut que souhaiter le succès à Carson. Bref un rappeur à suivre, et pour lui laisser le mot de la fin : « Y a que les vrais qui attendent Falconia ».

Un article écrit par AK.

Guillaume Echelard

À proposGuillaume Echelard

Je passe l'essentiel de mon temps à parler de rap, parfois à la fac, parfois ici. Dans tous les cas, ça parle souvent de politique et de rapports sociaux, c'est souvent trop long, mais c'est déjà moins pire que si j'essayais de rapper.

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