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Les 100 meilleurs albums des années 2000 : de 90 à 81

Les années 2000 sont un paradoxe étrange dans le rap français. Bien qu’elles aient vu exploser certains des meilleurs rappeurs de France et qu’elles nous aient fourni des oeuvres intemporelles, elles ont aussi marqué la naissance du fameux slogan « Le rap c’était mieux avant ». C’est après avoir été témoin d’une énième discussion sur la prétendue pauvreté de la période que nous avons décidé de défricher la décennie pour essayer d’émettre un avis objectif. L’idée de proposer un classement nous est vite venue mais dans un souci d’objectivité nous avons contacté presque tout ce que la France compte de journalistes rap pour définir le plus précisément possible ce qui avait fait l’essence des années 2000. Ce classement n’a pas pour objectif d’être exhaustif ou immuable, il marque juste une certaine cartographie de ce cycle de dix ans de rap français et, on l’espère, un outil pour que les jeunes générations s’intéressent de plus près au patrimoine du mouvement.

Retrouvez la première partie ici : de 100 à 91

90 – Keny Arkana – L’esquisse (2005)

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Arrivée en sous-marin, Keny Arkana a sorti le périscope au bon moment pour s’assurer que la voie était libre. Et puis, elle a bombardé le rap français. Munie d’une rage à toute épreuve, la marseillaise surprenait tout le monde en 2005 avecL’Esquisse, son premier projet. Bien produit, il propulsait déjà Keny sur le devant de la scène en la mettant dans la catégorie des talents à suivre absolument. Car il y a déjà tout ce qui fera sa marque de fabrique dans L’Esquisse : des bons mots, de la gouaille et surtout cet anticapitalisme qu’elle développera jusqu’à aujourd’hui, sans jamais dévier.

Le morceau qu’on recommande : Le Missile est lancé parce que rien que le titre résume la sensation que les auditeurs ont ressenti lors de la première écoute. Oui, Keny est bien lancée et elle résume toute son identité dans ces 234 secondes de rap intense.

89 – Hocus Pocus – 73 touches (2005)

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Pas d’extravagance dans cet album d’Hocus Pocus. La formule qui marche est ici répétée et l’accent est mis sur la production, toujours impeccable. L’album est d’une très grande qualité globale malgré des défauts parfois gênants comme la démagogie de certains textes ou le traitement simpliste de thèmes pourtant complexes. Mais ce n’est pas le plus important puisque se dégage de cet album une atmosphère savamment étudiée et ensoleillée. Un feel-good album.

Le morceau qu’on recommande : Pascal, évidemment parce qu’il dit tout l’amour du groupe pour la chanson française et parce qu’il absorbe intelligemment tout un pan de la culture populaire sur son final.

88 – Première Classe Vol. 2 (2000)

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Après le gigantesque succès de la première édition de Première Classe en 1999, le label éponyme revient avec la seconde mouture. Toujours porté par les Neg’ Marrons, cette compilation n’atteint pas le niveau incroyable de sa grande sœur mais elle est tout aussi importante. Plus court (14 titres au lieu de 18), cet album voit aussi son casting se resserrer. Mais quel casting ! Il suffit de jeter un bref coup d’œil à l’arrière de la pochette pour y voir une quasi dream-team pour l’époque. Se côtoient Ärsenik, 113, Tandem, Pit Baccardi, L’Skadrille et ils n’étaient pas venus pour faire de la figuration.

Le morceau qu’on recommande : Étroite Surveillance, un featuring entre Calbo et Sat sur une production de Pone. Pas besoin d’en dire plus pour que vous compreniez.

87 – Rohff – La vie avant la mort (2002)

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Deux ans après son acclamé premier album, Rohff revient avec un opus dont le titre est inspiré du Life After Death de Biggie. Le changement d’ambiance entre les deux est flagrant mais pas désagréable. Rohff a visiblement mis de l’eau dans son vin et a apaisé son côté brut de pomme pour aller chercher une balance, un équilibre. Cela se traduit par des morceaux comme le tube de l’année 2002 « Qui est l’exemple ? » où le rappeur du 94 prend un peu de recul et s’éloigne du Rohff des débuts.

Le morceau qu’on recommande : V, parce qu’il avait été censuré quelques mois après la sortie de l’album dans un silence assourdissant. Aucun communiqué de la maison de disque ou de Rohff et ce n’est que bien plus tard qu’on saura que l’empreinte du CSA était derrière tout ça.

86 – Aelpeacha – Val II Marne rider (2007)

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L’homme le plus cool du rap français apparaît pour la seconde fois dans ce classement puisqu’il était aux manettes de l’album de Southcide 13, précédemment cité. C’est sous la casquette de rappeur que le panel de journalistes l’a plébiscité cette fois-ci. Car en 2007, Alpha se promène sur des instrumentales ensoleillées pour un voyage de 21 pistes où l’accent est mis sur son mode de la vie. « La ride, c’est pas avoir c’est être » dira-t-il quelques années plus tard et cet album définissait déjà cette philosophie.

Le morceau qu’on recommande : Le Soleil Brille, un morceau enchanteur en featuring avec Papillon et Topaz sur une production incroyablement californienne saupoudrée d’un sample de Gainsbourg. Le couplet d’Aelpeacha est tout simplement indispensable, à écouter une fois avant de mourir.

85 – Youssoupha – Éternel recommencement (2005)

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Faites-entrer Youssoupha ! Au commencement de sa carrière en 2005, il s’introduisait au monde du rap français de la plus étincelante des manières avec un street-cd particulièrement réussi. Dans un disque assez mature pour un rookie, il développe des thématiques qui feront sa ligne éditoriale jusqu’à aujourd’hui : l’identité, le racisme et sa place à part dans la société française. Peut-être le meilleur projet de sa carrière.

Le morceau qu’on recommande : Dur de citer un autre son qu’Eternel Recommencement, un véritable massacre de production.Youssoupha enchaîne pendant presque sept minutes des phases entêtantes qui s’emboitent parfaitement les unes dans les autres. Plébiscité dans les 100 classiques de l’ABCDR du Son, il est un des morceaux qui ont marqué le rap français.

84 – Médine – Table d’écoute (2006)

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Troisième solo de Médine, Table D’Ecoute fait partie de ses réussites. Porté par le fil rouge du répondeur et de ses invités célèbres, le disque se veut percutant et parfois provocateur. Un dosage que le havrais maitrise parfaitement sur un dix titres court mais intense. La recette est efficace et offre un quasi sans-faute à un album dont la moitié des morceaux sont devenus des classiques incontestés (Lecture Aléatoire, 17 Octobre, Arabian Panther notamment).

Le morceau qu’on recommande : 17 Octobre justement, parce que Médine est passé maître dans l’art du storytelling et qu’il évoque avec émotion le massacre de la triste nuit du 17 Octobre 1961.

83 – Kery James – A l’ombre du show-business (2008)

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La fin de la décennie approche à grand pas quand Kery James sort d’un silence de trois ans. Entouré par Tefa et Masta, il réussit le tour de force de revenir après un album précédent moyen mais surtout d’avoir tiré le meilleur de lui-même. On retrouve ici un peu du Alix Mathurin d’Ideal J dans la détermination qui sort de sa voix, le tout teinté de la sagesse qui émanait de tout Si C’était à Refaire. Le résultat est un immense album, grand public sans être commercial et pertinent sans être moraliste.

Le morceau qu’on recommande : Le Combat Continue Part 3, le son le plus attendu. Surtout en cette période tendue et sur une production incroyable de Nino, Kery se lâche sans refrain et brut de décoffrage pour rapper des phases qui resteront des classiques.

82 – Oxmo Puccino – L’arme de paix (2009)

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Après l’expérience avec les Jazzbastards pour le Lipopette Bar, Oxmo Puccino franchit définitivement le Rubicon de la variété. Loin d’être un gros mot, le constat est évident à l’écoute de ce disque. Astucieux mélange entre chanson française et rap, l’ancien de Time Bomb propose un disque intimiste plein de sincérité. Il n’est pas facile de flirter à la croisée des deux mondes quand on fait du rap et il fallait bien tout le talent d’Oxmo pour réussir la prouesse d’en faire un très bon album.

Le morceau qu’on recommande : Soleil du Nord et son refrain entêtant, pour le résumé d’une vie de galère en trois couplets et la ligne poignante “c’est voir la mer à vingt ans et dix-neuf étés de galères.”

81 – Nakk – Street Minimum (2006)

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Pas vraiment le plus productif des rappeurs, Nakk était attendu au tournant en 2006 quand il se décidait à enfin sortir Street Minimum. Dès le titre et son jeu de mot amusant jusqu’aux pistes de la street-tape, Nakk est fidèle à lui-même. Parfois drôle et caustique, parfois émouvant et profond, il possède le talent qui lui permet de mener l’auditeur par le bout du nez pour l’amener là où on ne l’attend pas.

Le morceau qu’on recommande : On s’reverra là-haut, en featuring avec Wallen et les 10’. Même s’il est sorti en 2001 sur Original Bombattak, il ne faut jamais rater une occasion de dire que ces trois couplets sont peut-être les plus poignants de l’histoire du rap français.

La méthodologie : chaque votant devait choisir cinquante albums. Il attribuait cinquante points à l’album qu’il plaçait en première position, quarante-neuf points au second et ainsi de suite jusqu’au cinquantième qu’il créditait d’un point. La liste de base n’était pas fixe et chacun était libre d’ajouter les albums de son choix.

Les votants : nous avons eu la chance de pouvoir compter sur la participation des rédactions de L’Abcdr du Son, Reaphit, Le Bon Son, Revrse ainsi que feu SURL, en plus de Genono, Spleenter et Olivier Cachin. Leur présence a fait monter le total des votants à 43 et il est à noter que dans un souci de partialité, l’organisateur de ce classement a préféré s’abstenir afin de n’influer d’aucune manière sur le résultat final.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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