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Orelsan, le nouvel Ulysse.

Tout d’abord, il faut féliciter l’équipe marketing. Elle a réussi à maintenir un intérêt élevé auprès du public après l’énorme clip de Raelsan pour finir en apothéose le jour de la sortie avec le Grand Journal , cette grand-messe mièvre. L’image est propre, le look aussi, Orelsan est devenu un personnage amené à devenir grand public, bien au-delà du seul rap en France. Cette impression est d’ailleurs confirmée par l’album. Explications.

La couverture.

Finalement, elle prend tout son sens avec le clip de Plus Rien Ne M’étonne. Jusque là, on ne pouvait que se perdre en hypothèses. Nous avions opté pour une référence directe à la fin de l’Odyssée d’Homère dans laquelle Ulysse a traversé des épreuves atroces dont Le Chant Des Sirènes. Le masque que Orelsan porte sur les yeux renvoie à cette iconographie du héros et le visage déterminé joue aussi sur le côté sans peur. C’est donc une allusion claire et directe sinon à Homère, au moins à la mythologie. L’artwork est en tout cas très bien réalisé. Une belle réussite.

Les productions.

Skread est bon, il n’y a rien à dire. Dans cet album, chacun peut trouver la piste qui lui conviendra parfaitement tant il varie les influences et place sa touche caractéristique sur chaque morceau. Mention spéciale à Marc Chouarain qui place la plus belle track avec La Petite Marchande de Porte-Clés.

Les textes.

Orelsan a mûri. Il vit moins dans l’égotrip et son écriture a pris de l’ampleur. Mais c’est surtout la simplicité dans ses propos qui fait la différence. Sur les 16 pistes que compte l’album, nous en avons apprécié 10. Les raisons sont diverses.

Tout d’abord, la manière qu’a le rappeur de raconter son époque est vraiment unique. Sur un morceau comme Plus Rien Ne M’étonne, il est vraiment chroniqueur du temps présent. Il poursuit ce propos par à-coups tout au long de la galette notamment  sur Si Seul : « Elle n’a pas de voiture mais sa vie,  c’est surveiller sa place de parking. » Il se fait observateur de la société telle qu’il la ressent.

Ensuite, il fait aussi preuve d’originalité dans les thèmes et dans la manière de les traiter. La mort, l’alcool, les mendiants, la crise de nerfs, tout cela reflète un monde facilement reconnaissable. Le dyptique Double Vie / Finir Mal en est la meilleure illustration. Une partie de son succès réside dans cette capacité à fédérer autour de thèmes qui reflètent le quotidien.

Puis, la rédaction a été très surprise de retrouver des images poétiques vraiment intéressantes, ce n’était pas vraiment le créneau du néo-parisien. Quand il dit « De toute façon, j’habite à Caen, j’entends que la pluie battante« , ça fait mouche. Idem pour « tous les soirs, je m’égare dans la 25ème heure » ou encore « lui éclater le crâne entre deux pierres, l’enterrer à côté du chien« . L’album est jonché de petites trouvailles littéraires étonnantes.

Mais là où le vent de la polémique a gonflé, c’est surtout sur le côté grand public que nous évoquions en introduction. Effectivement, les refrains de Si Seul et La Terre Est Ronde sont des invitations au passage en radio même si nous comprenons évidemment les impératifs marketing. Cet argument est à pondérer bien évidemment car Orelsan est loin d’avoir perdu son côté politiquement incorrect notamment avec l’énorme Suicide Social et des petites punchlines d’un genre sauvage comme le très bon « J’aime voir l’amour dans les yeux d’une fille avant que mes spermatozoïdes cherchent à féconder sa pupille.« 

Il est impossible de chroniquer cet album sans évoquer la claque balancée par La Petite Marchande de Porte-Clés. Ce storytelling insinue un poison dans le cerveau car qui va croiser une « mendiante bridée » pensera automatiquement à l’histoire terrible qui se sera nouée auparavant. La production enjouée en crescendo met très bien le texte en valeur mais c’est du côté de l’ironie qu’il faut chercher le point fort. Pendant les 4,16 minutes que dure cette chanson, l’auditeur est amené par la musique à croire au happy-end. Pourtant, c’est par des mots que nous avons tous prononcé un jour (« Ah non, désolé j’ai rien sur moi« ) que se clôture cette piste. Un chef-d’œuvre.

Conclusion.

Pour finir, le nouvel opus d’Orelsan n’est pas moins bon que le précédent, il est tout simplement vraiment différent. Même si certains morceaux ne valent pas une citation dans cette chronique, l’album comporte vraiment dix pistes allant de bonnes à excellentes et il serait dommage de s’en priver. Finalement, le normand qui se voyait perdu d’avance n’est pas loin d’avoir gagné.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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