Interviews Rappeurs

[Interview] Pumpkin pioche sa punchline

C’est l’histoire d’un petit sac en tissu. Dedans, des papiers sur lesquels des punchlines ou d’autres écrits sur le rap, sont inscrits. Et puis, il y a la main de Pumpkin qui va piocher à l’intérieur. Quinze minutes à disserter sur ce que les autres ont dit ou fait du rap. C’est Pumkpin dans « Pioche ta Punchline ».

Maintenant les MCs veulent tous parler d’la même chose, mais ils font pas baigner leurs textes dans la même sauce. [ Don Choa / Art de rue ]

Pumpkin : Ouais, putain c’est vieux ça ! Moi, à Marseille, mon groupe préféré c’est IAM, même plus AKH en solo. La FF, à cette époque là, ce que j’aimais bien, c’était l’énergie, mais je n’ai jamais vraiment, au delà des morceaux passés en radio, accroché à ce groupe.

Après la punchline en elle même, c’est une thématique récurrente de l’égotrip. C’est un peu dire « Toi ce que tu fais, c’est pas bien et toi c’est bien » et les « MCs ceci et les MCs celà » et ça, ça m’agace un peu dans le rap, parce qu’en général ça ne vole pas très haut et puis tu as toujours du mal à savoir de qui ils parlent. Sans définir, c’est un peu vague et c’est un peu facile. Après, on prend une phrase, peut-être sortie de son contexte. Une phrase sans contexte, c’est un peu comme en interview d’ailleurs, on te fait dire des choses que tu n’as pas dit.

Je ne suis pas une rappeuse mais une contestataire qui fait du rap. [ Keny Arkana / Le missile suit sa lancée ]

Pumpkin : Ça ne m’étonne pas. Que dire sur la dessus ? C’est vrai que Keny Arkana c’est une fille très engagée. Il se trouve qu’elle a choisi le rap comme moyen d’expression, mais je pense qu’avant tout, elle a un engagement politique et social qu’elle défend. Mais, en fait, moi j’ai toujours un peu de mal quand le rap est engagé. J’ai du mal à dissocier l’artistique du message. Parfois, il y a des choses très bien qui sont dites mais je ne suis pas sensible à ça, à son rap. Il faut que j’arrive à accrocher à l’artistique, aux beats, à la production, la manière de poser, l’attitude autant que sur le message.

Pour ce qui est des femmes qui font du rap, que te dire à part qu’on m’en parle en permanence ? Je suis très tranquille avec ça. Je ne me suis jamais posée la question. J’ai eu envie de faire du rap alors j’ai fait du rap. Après je trouve qu’on n’est pas assez nombreuse. Ce qui me plairait c’est que des filles plus jeunes me disent que je leur ai donné envie de faire du rap. Car le fait d’avoir un modèle du même sexe permet de s’identifier plus. A l’époque, je m’identifiais à Melaaz qui faisait partie du même crew que Mc Solaar . Ce genre de rap c’est ce que j’écoutais au début, les Sages Po aussi. Après, il y a eu d’autres meufs, Diam’s par exemple. D’ailleurs on est de la même génération, de la même année, mais il se trouve qu’elle a très vite été très douée. Pour moi c’est une des meilleurs rappeuses, même si à un moment donné, elle a fait des choix artistiques qui ne me parlent plus. Aujourd’hui, il y a d’autres nouvelles générations qui arrivent, mais j’aimerais qu’il y en ait plus. Plus de gens en général qui s’expriment comme ils sont, pas de rentrer dans les codes du rap. Ce qui revient souvent, c’est qu’on me dit « Tu rappes mais pas comme un garçon.» C’est vrai qu’il y a des filles qui ont la rage comme Keny Arkana et qui vont venir avec un style très hargneux. Casey, je trouve ça différent, elle est comme ça. C’est son genre, elle n’a pas créé un personnage. Quand tu la vois sur scène, tu sais que c’est elle. Ça se sent, ça transpire ce qu’elle est. Moi ce qui me chagrine, ce sont les filles ou même les garçons, qui vont être assez complexés finalement et  qui ne vont pas oser exprimer leur personne à travers le rap. Parce qu’avec le rap, on a tendance à s’enfermer dans des codes, des tendances, des manières. En France en tout cas c’est comme ça, car souvent dans d’autres pays les gens sont beaucoup plus à l’aise pour s’approprier le rap. On a l’impression qu’on a pas le droit d’être multiple. Moi dans la vie, parfois je suis triste, parfois je suis heureuse, parfois je dis des conneries, des fois je suis féminine, d’autres fois je suis plus en mode « je vous emmerde » et pour moi, on doit être capable d’être comme ça aussi dans sa musique. Je trouve dommage de faire une chanson sur le ton de l’humour et de suite se sentir obligé de ne faire que ça. Ou faire un morceau qui marche, avec un refrain qui bouge, qui touche un public large et puis avoir peur de perdre la base et sa crédibilité rap. Moi ça me fait chier, même s’il faut que ça soit cohérent, il faut qu’on soit libre. On doit être capable d’être complexe.

Car le rap d’un point de vue musical est assez limité, il n’y a pas là de quoi bouleverser le monde de la musique. [LJ Calvet / Les voix de la ville ]

Pumpkin : Ça c’est de la connerie. C’est quelqu’un qui n’y connaît pas grand chose. Mais quelque part, il n’a pas tort, car il y a des gens qui font de la merde et qui ne font pas de la musique. Ce n’est pas intéressant d’un point de vue musical, mais des fois ce n’est pas intéressant d’un point de vue écriture. Il y a de la merde mais c’est comme dans tous les styles musicaux. Mais après le mec n’a pas creusé, car il y a plein de trucs vachement bien. Tu vois ça, ça mérite même pas qu’on s’y attarde !

C’est pas le rap qui était mieux avant, mais les rappeurs [ Ladea / SNCF ]

Pumpkin : [rire] Alors c’est Ladea qui fait partie, selon moi, de la nouvelle génération. Je ne veux pas péter plus haut que mon cul, mais il y a plein de gens qui connaissent Ladea mais qui ne connaissent pas Pumpkin. Alors que j’ai sûrement plus de dix ans de plus qu’elle. Il y a des gens qui apprennent que j’existe en même temps qu’elle alors qu’on est pas de la même génération. Mais ce sont les parcours qui font ça. Je connais aussi Pand’or et je trouve que c’est vraiment une meuf super chouette. Elles ont fait des choses ensembles, elles ont à peu près le même âge. C’est une fille entière, elle a plein de choses à faire et à dire.

Pour ce qui est de la punchline en elle-même, je ne suis pas d’accord. Je ne pense pas que les gens soient différents. Elle rebondit sur l’expression « le rap c’était mieux avant » et se l’approprie comme plein de rappeurs. Ma version à moi, qui est aussi la version de plein de gens autour de moi, c’est « le rap c’est mieux quand c’est bien ». Tout simplement.

Pour ce qui est du rap d’avant, c’est avec Mc Solaar que j’ai découvert le rap. J’étais sensible à l’écriture avant d’écouter du rap. C’est avec Solaar que j’ai creusé et que j’ai compris ce qu’était ce mouvement et tout ce qui existait autour de ça. J’étais dans un petit bled à côté de Brest, il n’y avait pas internet à l’époque, en plus c’est une région qui est rock. Il faut remettre les choses dans son contexte, j’ai mis beaucoup de temps avant d’écouter du rap, du rap américain, que j’aille plus loin que Solaar. Aujourd’hui j’écoute plus de rap international que de rap français. Mais tu vois tout ce rap qu’on dit intellectuel, poétique, jazzy, qu’on critique souvent, c’était ça que j’aimais. J’ai appris le rap toute seule dans ma chambre. Un jour, j’ai rencontré une fille qui avait les mêmes goûts que moi, et comme certains un jour se sont dit « Ouais on va s’acheter une guitare et une batterie, et on va faire du rock » nous on a fait la même chose, mais on a dit « on va faire un groupe de rap ». Ça a commencé comme ça, en rigolant, on avait seize ans. On n’avait que deux instrus, car c’était difficile, on avait personne autour de nous. Enfin c’est pas difficile, ça fait partie de l’apprentissage, de la construction. On allait au magasin et on cherchait comme des ouf les maxis avec les Face B. On louait une salle de répet’, on passait cinq heures sur le même truc, à écrire des merdes, à enregistrer des freestyles. C’était tellement des bons moments. On se faisait chier à Brest alors on s’amusait comme ça.

J’aime, je respecte les artistes que je sample, obsédé par la destinée du vinyle alors fuck les cds. [AKH / Face B ]

Pumpkin : Je l’ai dit tout à l’heure, AKH c’est un super artiste. C’est un mec que j’aime beaucoup et on vient juste de nous confirmer que dans un mois, on va faire la première partie d’IAM. Peut être que je vais le rencontrer, et je vais me sentir comme les jeunes filles devant un beau mec … enfin bref ! [rires]

On fait du rap alors on a besoin de dire des choses qui choquent un peu pour faire réagir les gens, mais en réalité « fuck le cd » non, il en vend plein ! Mais oui, le vinyle avant tout, nous c’est pareil ! Avec Vin’S, qui m’accompagne sur scène on a créé notre association Mentalow Music, c’est pas vraiment un label, mais on fonctionne pareil. On sort nous même nos projets et dès qu’on peut, on les sort en vinyle car pour nous c’est le must. Avoir un projet en vinyle, pouvoir l’écouter, le sortir de sa pochette c’est génial. Après pour que tout le monde puisse y avoir accès, on fait du cd et du vinyle. Il faut juste être suffisamment lucide et réaliste sur les choix que tu fais. On ne vend pas énormément pour le moment. Quand on fait un cd, on fait des séries de 300 vinyles, parce qu’à partir de là, tu rentres à peu près dans tes frais. C’est un public différent que le public cd, c’est complémentaire. Quand on sort des projets un peu plus pointus, par exemple Vin’S a fait un projet instrumental, qui parle à une toute petite niche, quelques mecs qui adorent ça et qui achètent plutôt des vinyles. C’est juste savoir à chaque fois qui sera le public. Et puis le vinyle c’est cool, ça revient en force !

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