Interviews Rappeurs

[Interview] Rocé : « Je n’attends pas la médaille ou la bonne note des critiques, je suis au-dessus de ça. »

Alors que la pluie commençait à s’abattre sur la fête de l’Humanité, ROCé a répondu à nos questions. Une interview courte de quinze minutes, mais grande de sujets. Le bonhomme nous parle de live, mais bien au delà de conscience politique, de la musicalité des scratchs, et des pièges des retournements de veste.

Comment as-tu commencé à rapper en public ?
ROCé : J’ai commencé la scène assez jeune, dans des lieux associatifs, les fêtes de quartier. Et puis, j’ai fait ma première tournée assez tard, en 2005/2006, j’en étais déjà à mon deuxième album. Après j’ai écumé aussi pas mal de scène en France et aussi à l’étranger, en Allemagne, en Hollande, en Algérie…

Durant ces voyages, tu as pu te rendre compte des différences de réaction des publics ?
ROCé : Le public est à l’écoute, il est assez réceptif. Nous, sur scène, on fait en sorte d’avoir une bonne dynamique, d’être toujours en interaction avec le public. De faire ça vraiment comme une performance, un travail qui mérite un entraînement pour pouvoir être mis sur scène. A partir de là, le but c’est de laisser les gens un peu bouche-bée. Montrer une performance, comme il peut y avoir la même logique dans la danse. C’est à force d’entraînement qu’ils arrivent à faire leurs figures. C’est pareil, on peut faire ce que l’on veut à force d’entraînement. L’idée, c’est de bluffer le public.

Tu parles d’entraînement, comment se prépare une tournée ?
ROCé : Avec DJ Karz,  l’idée c’est d’être en interaction. Parfois il va prendre le micro, d’autres fois il va couper des morceaux pour mettre ma parole en avant. On n’est que deux sur scène. A une époque, j’ai eu un live band, mais aujourd’hui le but c’est de montrer qu’à deux on peut faire des choses aussi grandes qu’avec un groupe. A l’heure actuelle, la plupart des gens vont mettre un live band en cache-misère. En plus, certains programmateurs sont assez réticent au fait qu’il n’y ait qu’un rappeur et un Dj. C’est vraiment de l’interaction, le but c’est de mettre la barre très haute, de manière très épurée. C’est assez représentatif de ma musique. C’est assez épuré, avec beaucoup de lyrics. Il faut surtout que ça envoie.

Justement, les détracteurs disent souvent que le rap n’est pas musical.
ROCé : C’est question de goût. Moi, je pars du principe que pour changer les enjeux de la musique, il faut de la pureté et pas de la fusion. Ça veut dire que si demain je ramène une chanteuse ou un chanteur, avec des violons de musique classique, pour montrer que je suis ouvert d’esprit et que je fais de la fusion, je change quoi ? Au final, ça va être juste pour avoir les applaudissements bien-pensants des critiques. Mais je ne vais changer aucun enjeu. On change les enjeux avec la pureté même, l’essence du mouvement . Que ce soit dans le cinéma, dans la musique etc. La poésie c’est la poésie. Si les gens n’aiment pas la poésie, ce n’est pas parce qu’on va mettre des notes de musique, qu’on va faire évoluer la poésie. La poésie restera la poésie, on aura juste fait de la fusion. Le rap c’est pareil. Par exemple, on ne dit pas « les percussions c’est pas de la musique parce qu’il n’y a pas de tonalités perceptibles comme les tonalités d’un piano.» Les percussions restent de la musique. Le rap, c’est de la musique. Je n’attends pas la médaille ou la bonne note des critiques, je suis au dessus de ça.

D’ailleurs, ce qui t’importe c’est le retour du public ?
ROCé : Déjà, ça va commencer par moi car ça va être un accomplissement personnel. Puis bien sur, ça va être le retour du public. Comment le public perçoit l’énergie du disque ? Puis c’est surtout le long terme. Je fais une musique qui n’est pas facile, avec beaucoup de texte. Sur le court terme, même les gens qui me connaissent n’arrivent pas à donner un avis sur mes albums. Ça ne les intéresse pas. Je suis dans une temporalité qui est à l’écart de la temporalité mainstream dans laquelle on vit.

Quand tu es en phase de composition, penses-tu déjà au live ?
ROCé : Avant non, mais pour cet album ça a été le cas. C’est vrai qu’à un moment, on se pose la question « est ce qu’on a envie d’écrire des textes trop parsemé de réflexions ? » Du coup, comment on le fait sur scène? Les gens n’ont pas le temps d’écouter, ils ne peuvent pas bouger leur tête. C’est assez frustrant d’ailleurs. Il y a aussi un côté énergie que l’on veut donner, d’une manière assez généreuse. Si les textes sont trop remplis, on n’y arrive pas. C’est la symbiose des deux que j’essaye de faire.

Tu as fait ta première tournée après ton deuxième album. Pourquoi ça ?
ROCé : J’ai toujours fait des concerts, je n’ai jamais arrêté. Mais par contre, ce n’était pas dans une organisation vraiment construite de tournée. C’était des concerts à droite, à gauche, parsemés. A partir du deuxième album, j’étais avec des tourneurs et on a pu vraiment partir sur une tournée.

Aujourd’hui tu es à l’Huma, qui est à l’origine un festival engagé. Le choix de tes dates, est il important ?
ROCé : En toute honnêteté, je ne suis pas fan des programmations de l’Huma, parce que je ne les trouve pas assez engagées, elles n’ont pas assez de caractère. Maintenant je suis très content d’y jouer, parce que c’est quand même une superbe exposition et qu’il y a l’histoire de ce qu’est la fête de l’Huma. Je trouve ça juste dommage qu’ils ne suivent pas la cohérence de ce que c’est. Mais je suis content d’y être pour ce que ça représente.

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