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Philémon, reviens !

La carrière d’un rappeur prend parfois des détours étonnants. Certains, malgré un talent incontestable, n’arrivent jamais à percer au sens financier du terme. Le succès d’estime est là, une petite base de suiveurs se crée mais faute de réussite plus élargie, le MC finit par abandonner le combat. Philémon fait partie de ceux-là.

Originaire du 44, de Nantes plus précisément, le sosie de Bacary Sagna aurait dû exploser comme la bombe qu’il était. Ce mec avait tout : la voix, le groove, le flow. Il savait chanter et prendre des risques. Quand on lui posait la question de l’origine de son étrange chevelure, sa réponse était éloquente : « le concept est d’assumer ma coupe de cheveux dans un hip-hop dur où l’on peut dire que les cheveux blonds, ça fait un peu clown. J’essaie de faire comprendre que je vais garder mes cheveux comme ça et faire la musique dont j’ai envie.” Sa différence assumée éclaboussait de son premier projet. On était en 2005, les banlieues n’allaient pas tarder à se soulever et Philémon s’autoproclamait Origin’Old sur la mixtape L’Origin’Old Story.

21 pistes toute en nonchalance qui ont, mine de rien, marqué les auditeurs de cette époque où internet ne faisait pas encore la loi musicale. Le nantais étalait sa palette allant de morceaux très classiques à d’autres complètement loufoques en s’offrant les services de gros featurings qui suintent les années 2000 : Negro Spirituel, Kares, Malédiction du Nord, Jango Jack, Ul’Team Aton et Time Balance entre autres. Nous vous proposons de (re?)découvrir l’un de nos morceaux préférés de cette galette :

Mais les connaisseurs se souviennent aussi de Philémon comme d’un homme de scène hors-pair. Roi du freestyle et de l’improvisation, il éclaboussait souvent de sa classe ce genre d’événements. Toujours équipé de son sac à dos, le backpacker avait fait sienne l’épreuve du freestyle bag. Il était aussi un adversaire redoutable en clash, Sinik s’en souvient probablement.  Alors comment expliquer que toute une génération de rappeurs a explosé grâce aux Rap Contenders et pas lui ? Et bien, la réponse est le timing. Philémon est arrivé trop tôt dans ce game, à une époque où les rappeurs souffraient d’un certain manque de visibilité.

En 2007, il offre un album à son public. Il l’intitule L’Excuse, sans que ce titre soit bien clair. Une excuse pour l’absence prolongée ? Ou une excuse pour partir en tournée avec un album orienté grand public ? Quoi qu’il en soit, celui-ci ne rencontrera pas le succès non plus. Pourtant, il ne manque pas de qualité. Allant chercher tous les genres musicaux, Philémon faisait office de vagabond du rap. La pochette n’est pas trompeuse puisqu’elle le présente en Huckleberry Finn. C’est un espèce de voyageur qui pioche les influences à la source. Passant du rock au zouk, de la chanson française au rap pur et dur, il avait signé un album jovial et entraînant.

Nous conclurons cet article avec un cri du coeur. Reviens, Philémon ! Reviens avec un projet qui secouerait les frontières du rap français. Nous savons qu’il y a beaucoup de gens qui attendent ton retour. Au détour d’une conversation, on entend parfois « ah oui, le mec avec les dreads blondes, il était chaud lui ! » On aimerait bien que cette phrase ne reste pas au passé. A bientôt ?

L’équipe du site Le Rap en France présente toutes ses condoléances à Philémon pour la disparition de son père, Tabu Ley Rochereau.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

3 commentaires

  1. Pour moi c’est technique mais pour lui c’est traditionnel!!! Come on’ Philémon, tu manques à beaucoup trop d’oreilles…

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