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[Chronique] 2014 – Chant de Vision – Redk

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  Le crew marseillais Carpe Diem fait depuis presque un dizaine d’année son chemin assez confidentiel dans la scène rap phocéenne. Des cinq MC qui le composent, Redk s’est toujours imposé comme le plus intéressant, techniquement et lyricalement parlant. Après des apparitions remarquées au coté de Tiers-Monde notamment ou sur le remix de Dernier MC de Kery James, il sort son premier album solo.

Le mot d’ordre du crew a toujours été clair : rapper tout en prenant position. Un rap qui se veut adulte et responsable, tout en se faisant plaisir. Et c’est sûrement quand ils se lâchent et décident de privilégier le Mcing qu’ils sont les meilleurs.

Sur des freestyles ou des morceaux plus légers, Redk exprime la technicité de sa scansion assez particulière. Mars Music, De Mal en Pis et J’me fous du Game forment ainsi un noyau dur qui font bouger la tête et laissent admirer les capacités de Kader. Portés par des instrus rythmées et entraînante, les morceaux font office de hits, saupoudrés de punchlines (« Nous savons que même un savon peut te salir les mains », « Le savoir est une arme, le peuple la chair à canon ») et d’effet de style des plus plaisant.

Au rayon des qualités de l’album, on retrouve d’ailleurs les instrumentaux. Au générique : L’adjoint et Isma, Akos pour les locaux, Soulchildren, Stan-E ou Cannibal Smith pour les stars. Au final un bon éventail musical, entre classique piano-violon et grosse basse mitraillée par des cymbales cinglantes. On appréciera les morceaux d’originalité que sont le beat aux tablas d’Amnezik, d’un calme qui pousse à la sérénité, et les trompettes de Couplets décalés, qui porte bien son nom tant l’instru, le mcing et les paroles se trouvent décalés entre eux, heureusement volontairement.

Enfin, car un album de rap sans invités, c’est impossible, les featuring sont tous excellents (du moins ceux avec des rappeurs). Ali sort de sa grotte pour son feat annuel et livre un couplet comme on les aime sur Murderer, avec son flow tout en retenu et ses textes empreint de sagesse. On retrouve ensuite Lino, en passe de recevoir le prix du MC le plus régulier du game. Encore une fois et comme toujours sa performance est remarquable. Sur un son en forme de jeu de rôle, Redk incarne les clichés du rappeur conscient et Lino ceux du kickeur hardcore  dans un dialogue de sourds entre les deux conceptions de l’art (« Moi je veux le beurre, l’argent du Qatar et le buzz à Kaaris »). Enfin on retrouve Soprano, qui ne chante pas au refrain, qui est donc bon. Et plutôt en forme d’ailleurs, sa performance sur Laisse nous faire comble les amateur de flows vifs et rythmés. Et bien sur Quintessence, avec le reste du Carpe Diem, gros posse cut qui fait regretter que le reste de leur discographie ne ressemble pas plus à ça.

Mais comme la perfection n’existe pas dans le rap, plusieurs points noirs viennent ternir l’album. Au niveau des featuring, à coté des rappeurs on trouve Kayna Samet, venu chanter les refrains de Au royaume de mes pensées et Chant de Vision. Des refrains chantés qui apportent peu et qui ralentissent trop le rythme global de l’album pour être vraiment pertinents. D’ailleurs Redk lui-même pousse la chansonnette sous vocoder sur Quitte la Tess, avec le même effet (sauf qu’en plus, Kader chante faux).

Au niveau des instrus, mise à part celles sus-citées, certaines ne se distinguent ni par leur originalité ni par leur rythme. Trop classiques, trop passe-partout, les beats de #peur, Quasiment tous ou Quitte la Tess manquent de quelque chose qui devrait porter le MC. Les prods de l’album sont là pour accompagner le MC plus que pour créer une ambiance et, si c’est une position tout à fait défendable, on aurait préféré néanmoins quelque chose de plus cohérent musicalement que les écarts entre la caisse claire martiale de Chant de Vision et la basse volcanique de Mars Music.

Enfin, un défaut qui en canalise d’autres : l’album est long. 1H13, 17 titres, avec de nombreuses longueurs. Même si le format album appelle à une durée conséquente, c’est aussi pour voir comment le MC va pouvoir assurer sur un grand format. En l’occurrence, Chant de vision souffre de certaines longueurs, notamment dans les textes. Difficile de servir des textes denses et sensés pendant plus d’une heure. Difficile d’échapper à la flunchline (comme dirait Escobar Macson) sur une trentaine de couplets. « On te ferait voir les étoiles les jours où ont est mal lunés » (#peur), « Tuer pour de l’argent, c’est p’tetre de là que vient le mot liquider » (Murderer), « Pour du liquide tu peux te faire arroser » (Quasiment tous). Autant d’exemples de phases mises en avant alors qu’elles ne brillent pas par leur qualité et viennent ternir l’image du MC, qui démontre ses limites en terme d’originalité et d’endurance. Enfin cette longueur et cette densité produisent un manque de cohérence qui peut s’avérer gênant tant certains titres sont en-dessous du lot et font baisser la moyenne de l’album, sans pour autant le déséquilibrer complètement.

Au final, Chant de Vision a le mérite de proposer de très bonnes choses et à tous les niveaux. Un MC en forme et qui en veut, des morceaux faits pour tourner en voiture, d’autres originaux et intéressant et des invités de marque font de ce premier solo une réussite. Réussite assombrie par des défauts que l’on espère voir corriger pour le prochain, car oui on espère une suite à ce qui est quand même un des meilleurs projets de ce premier trimestre.

 

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À proposJibé

Amateur de snares qui claquent et de kicks qui portent, j'aime les freestyles à base de kalash et de double-time.

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