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[Chronique] Un Murmure dans le Vent – La Smala

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La Smala a encore frappé. Cela fait longtemps qu’un groupe indépendant à 100% n’avait pas allié quantité et qualité avec autant de virtuosité. Après avoir été « là là » 3 fois, les cinq compères nous servent un 8 titres complet, diversifié et plus authentique que leurs anciens projets. Un EP qui vient confirmer leur créativité et leur talent incontestables. Notre antisèche.

La Smala, c’est la beuh, la fête, l’alcool, la légèreté, le carpe diem. Profiter de la vie, la prendre telle qu’elle vient. Yes Mani, titre phare de l’EP, reflète cet état d’esprit. Les paroles sont plates, quelques mots ne veulent rien dire (« Shake ton de bouli bouli ye ye yes Mani« ), le groupe recherche la formule choc, la punchline précise (« On fera de l’oseille quitte à vendre des Snickers dans un internat d’obèse« , « J’étale tous les MC’s comme des jets d’coke/Et entre nous y’aura pas d’ex-aequo« ), et excelle dans ce registre. Le morceau est empreint d’une énergie non négligeable. Du début à la fin il combine  gros claps, multi syllabiques à la pelle et structures de rimes toujours plus approfondies pour dynamiter -un morceau plus qu’entraînant. Yes Mani est le seul morceau de ce registre dans l’album. En effet, le reste du projet est marqué par des chansons bien plus profondes, il laisse alors place à l’introspection où le fond prend le pas sur la forme.

En effet,  La Smala, c’est aussi la maturité, la famille, l’amitié, la loyauté, le sens de la formule, la proximité avec le public, le partage d’une vie, le partage de leurs vies. Et c’est là que l’album devient surprenant. Que pouvons-nous attendre d’un quintuplé de rappeur de 24 ans en moyenne? Qu’ils ne nous décrivent leurs rêves de nanas à poil dans un jacuzzi, de grosses cylindrées américaines et d’argent comme si il en pleuvait. Loin s’en faut. Tour à tour, sur les 7 autres morceaux, les 5 rappeurs  nous livrent avec une franchise immodérée leurs tourments, leurs questionnements existentiels, leur façon d’imager le monde (« Un bruit n’existe que si tu l’entends, une loi que si tu l’enfreins« ), leur vision de l’environnement qui les entoure, leurs projets pour l’avenir et la façon dont ils conçoivent ce dernier. Fort de valeurs ancrées au plus profond d’eux-mêmes, ces jeunes adultes nous font part sans vergogne de leur quotidien, de leurs expériences, partageant un vrai bout de leur vie avec l’auditeur, abordant des sujets profonds, enchaînant les introspections sensibles (« Ce qui fait que j’ai dû m’écarter de mon utopie familiale //Je suis qu’un MC j’ai pas ma place dans le monde du travail« ).

Le seul point sombre du projet, c’est surement FLO. FLO, c’est un peu le Menzo de la Smala: il est présent un peu partout, il vient un peu saboter les morceaux, mais son manque de flow et de technique ne vient heureusement pas bousculer le projet. Il souffre d’un manque de fluidité dans son débit de parole, les scandant de manière discontinue, rendant ses couplets abrupts. On bute malheureusement sur ses passages. Hormis ce petit défaut, l’EP ne souffre d’aucune inexactitude, d’aucune maladresse, et même le manque de rigueur de FLO ne vient pas porter préjudice à l’ensemble de la galette. D’une qualité rare pour des artistes totalement indés, le murmure de La Smala est prometteur pour l’avenir de la scène belge.

Comme quoi, le rap français est loin d’être mort. Il est juste enfoui dans l’indépendance, vivant à travers ces hommes de l’ombre faisant vivre un mouvement qui, à cause de sa démocratisation grandissante, est de plus en plus stigmatisé par ces puristes redondants lui reprochant une approche trop peu street, authentique, « ghetto ». Mais le temps évolue, et nous sommes le produit de notre environnement, comme le dit très justement Deen dans « Jim Morisson« . Le temps béni de Time Bomb, l’apogée phocéenne à travers Où je vis, Si Dieu Veut et L’École du Micro d’Argent, l’authenticité du Beat 2 Boul et de Lunatic, la justesse des textes de la Scred Connexion… Cette époque est peut être révolue, mais il faut rappeler que l’on meurt deux fois: ces groupes ont marqué le rap français à jamais, et leur influence n’a d’égal que leur grandeur. Ils perdureront à jamais et continueront de faire rêver tout auditeur de rap qui se respecte.

Mais peut-être est-il temps de passer le flambeau à une nouvelle génération de kickeurs, créative, innovante, pouvant offrir au rap une nouvelle jeunesse. Cette génération est bien présente, occupe les passages souterrains du rap, loin des clichés « sexe, violence et flouz ». Il lui incombe cependant de ne pas noyer le mouvement dans un amas de non sens, de ne pas abandonner le fond au profit de la forme, et de démocratiser le rap tout en tout en gardant ses revendications initiales comme valeurs pionnières, comme socle commun pour les transmettre aux jeunes auditeurs.  Pour reprendre les simples mots de Matthieu Kassovitz, rédigés au 4ème de couverture de la jaquette de La Haine, il est certainement temps de se faire son propre avis sur la situation actuelle du rap, « loin des préjugés qui [font] du bien au [rap]… mais du mal au sujet« .

 

 

 

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

3 commentaires

  1. Flo en dessous de lot ? J’avoue que Seyte,Rizla et surtout Senamo sont sur une autre planète et ont un autre niveau, mais dire que le point d’ombre c’est FLO parce qu’on bute sur ses passages du à son flow pas assez fluide…Mouais, nan.

  2. Je ne l’ai pas mentionné car je voulais éviter quelconque préjugé. De plus, j’avais déjà écrit un papier sur Senamo sur lequel j’avais bien.précisé sa nationalité!
    Merci d’avoir pris du temps pour lire l’article.

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