Chroniques

[Chronique] Vald – NQNT

Autisme : trouble du développement humain caractérisé par une interaction sociale et communication anormales, avec des comportements restreints et répétitifs. Cette pathologie, dans une minorité de cas peut conférer à l’individu la capacité à exceller dans certains domaines, et l’on vient de découvrir à la rédaction que le rap était l’un d’eux.

Vald, Valentin de son prénom, sort enfin son Ep. NQNT, prévu pourtant un an auparavant. Suite à la sortie de ses deux dernières mixtapes (Cours de rattrapage et le fameux NQNTMQMQMB) et de ses nombreuses apparitions sur le net (ses freestyles avec son pote Georgio) ou en concert (il est encore récemment apparu sur scène avec l’Animalerie au Cabaret Sauvage), l’attente était grande pour le Mc d’Aulnay-sous-bois. Une signature chez Barclay plus tard, et désormais bien encadré par l’inépuisable Tefa, on pouvait se demander si Vald allait conserver la folie malsaine qui l’habitait lors de ses précédents opus, ou bien exploser en vol, comme d’autres avant lui.

« On m’apprécie sans m’connaître façon glory hole » / « J’ai plus envie de gol-ri, Lisa Ann fait des gang-bangs ! »

Après une écoute attentive d’NQNT (on a eu la chance de pouvoir écouter le projet depuis quelques semaines déjà, ouais on est pistonnés), une chose est certaine : l’attente n’a pas été vaine. S’il semble compliqué de dégager un concept de cet Ep assez dense (13 morceaux, dont deux déjà présents sur ses anciennes mixtapes, Smiley et CQFD), on peut en revanche constater que le Mc, malgré sa signature en maison de disques, n’a pas changé d’atmosphère et semble continuer à n’en avoir rien à foutre, fidèle à son personnage pernicieux et parfois carrément glauque. Vald c’est le type qui va te suivre jusqu’à chez toi, et reprendre sa route une fois que t’auras foutu la clef dans la porte, sans raison. C’est un mec de sa génération, biberonné aux pornos et aux séries à la Dexter.

Durant cet Ep, on en apprend finalement assez peu sur l’aulnaysien mais plus sur son rapport avec les autres. Celui qui au lycée voulait devenir humoriste, manie en effet parfaitement l’ironie et le second degré, obligeant l’auditeur à plusieurs écoutes afin de saisir le sens précis des salves qu’il nous assène, souvent plus profondes que l’on ne le croit.

« J’ai caché des hordes d’aspects dégueus pour pas paraître détestable/ Comme un colon à l’O.N.U. pour avoir l’air respectable. »

Alors soyons clairs : les thèmes abordés sont loin d’être révolutionnaires, et le mc ne va pas changer l’histoire du rap français. Mais bordel, ça rappe. Quel plaisir on prend à écouter un projet aussi décomplexé, et loin de la fameuse quête vaine du multisyllabisme à tout prix. Bien sûr on ne va tomber dans une naïveté béate, on sent qu’il y’a un travail précis d’écriture, et que rien n’est laissé au hasard, mais Vald parvient à empreindre le tout d’une spontanéité qui manquait à de nombreux auditeurs, souvent lassés par une écriture trop scolaire des Mcs actuellement sur le devant de la scène.

Si le premier morceau reste une mise en jambes (C’est pour) – assez anectodique – les trois morceaux suivants, tous clippés (Par Toutatis, Shoote un ministre, et Autiste) annoncent la couleur de l’Ep et recèlent un potentiel scénique indéniable. Par la suite, Vald met en scène son personnage de Sullyvan, sorte d’alter-égo déjanté, et nous emmène encore un peu plus loin dans sa démence, avant d’arriver à de l’égotrip plutôt bien senti avec le seul featuring de l’album, Ad son pote d’enfance (Flowjob) . Valentin s’en donne à cœur joie sur ce genre de son, et on reconnaît parfaitement l’autiste qu’on kiffait en freestyle, avec son flow rapide et sa nonchalance naturelle. Viennent ensuite trois morceaux où le Mc pose sur des prods moins dynamiques, et peut-être un peu plus risquées pour lui, mais avec plus de fond qu’à l’accoutumée (Vie de cochon, Horrible, Elle me regarde) et surtout toujours marqués d’un certain cynisme.

« Foutre la merdre c’est ton cri de détresse? / Abruti, t’es le cafard qui s’est pris le système »

Profitons-en d’ailleurs pour balayer les comparaisons françaises débiles, avec Orelsan : chez Vald, la lose n’est pas un fond de commerce et aucun titre de l’EP ne permet d’ailleurs d’associer le Mc avec le normand. Et sûrement pas le titre Aulnay-sous-Bois, critique assez froide et vindicative contre l’image du mec de banlieue et le misérabilisme revendiqué par certains (« Ça devient cool de s’dire foutus »). Pas foncièrement original (« Aucune cité n’a de barreaux » disait Booba) mais plutôt agréable, ce titre à au moins le mérite de nous donner le point de vue de l’artiste, qui ne se réfugie pas derrière son personnage de Sullyvan et assume un ton plus politique. Bon attention hein, nous ne sommes pas en train d’écouter La Rumeur mais on vous laissera le soin de relever les différentes phases, assez incisives, contre la politique d’un Etat du Moyen-Orient…On passera rapidement sur Smiley et PF, qui, bien qu’efficaces, restent dans le registre de prédilection de l’aulnaysien  et ne tiendront pas l’hiver dans votre lecteur mp3. Le bien nommé CQFD vient cloturer cet Ep de Vald, décidement adepte des acronymes, et demeure toujours aussi percutant.

Alors oui, l’attente fût longue et le niveau d’exigence des auditeurs a logiquement augmenté en un an ; les plus perfectionnistes pourront se plaindre du manque de thèmes, ou encore de la mise en scène trop excessive du personnage de Sullyvan et de l’autisme qui le caractérise. Mais les branlettes intellectuelles de certains rappeurs, qui finalement en voulant aborder tous les sujets ne parlent de rien, font que cela fait quand même vachement de bien de voir un type avec un univers déjà bien ancré pour son âge, avec un potentiel énorme. Cette fois-ci, la pression est plus que jamais sur les épaules de Vald pour cartonner sur scène, et nous concocter un album avec un peu moins de remplissage, et plus de caractère. Malgré cela, on ne peut que vous recommander NQNT, parce que franchement nous, on a kiffé.

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À proposAbder

Caché dans la fonction publique, j'aime le rap, PES 6 et les 8.6. C'est pour cela que je n'ai jamais rappé.

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