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Dab Rozer : Ligne oblique de brut

« Pas de portée, juste de l’intuition… « 

Planquée dans le morceau introductif de Ligne Oblique de Brut, cette phrase décrit parfaitement la ligne directrice choisi par Dab Rozer pour son premier EP. L’intuition dont il est question ici, c’est celle qui suggère que le rap manque peut-être de groove. Celle qui pense que redonner une place importante à la musicalité peut s’avérer être un choix payant. Si le constat n’a rien d’original, il est toujours intéressant d’analyser la démarche d’un artiste qui tente de répondre à cette problématique. Quoi qu’on en dise, rapper avec un « band » n’est pas une démarche naturelle et peut s’avérer périlleux.

Par son parcours, Dab Rozer semble suffisamment armé pour passer outre ces embûches. Passé par le conservatoire de musique de Sète, il va y peaufiner son jeu de batterie. Plus important, il y noue des rencontres essentielles. C’est là qu’il rencontre les musiciens qui donneront corps à la musique de Ligne Oblique de Brut. Plus qu’un musicien qui découvre le rap, Dab Rozer est un passionné de rap qui va mettre la musique à son service. La différence est grande et elle s’entend tout au long de cet opus.

En témoignent ces clins d’œils inspirés à deux des grands courants qui traversent la musique rap : le boom-bap et le G-Funk. Diplôme est sans conteste le morceau le plus funky de l’EP. Avec son jeu de clavier très G-funk et ces nappes de synthés aériennes, cette ambiance « G » est reconnaissable entre mille. On ira plus loin en affirmant que Diplôme est le morceau le plus réussi de Ligne Oblique de Brut. Ce riff de guitare qui se balade en totale liberté se marie admirablement avec les scratchs et cut de fin de morceaux. On citera également Au bord du ravin qui est une ode au boom-bap d’antan. Avec ces rythmes de batterie et sa boucle classieuse, ce morceau possède une sonorité très 90’s qui n’est pas pour déplaire.

Certains avanceront que le flow et les textes manquent de force ou de puissance. On répétera à ces personnes que nous nous trouvons ici devant une autre manière de rapper. Si le groove prend davantage de place, un élément doit s’effacer pour lui laisser de l’espace. Mécaniquement, la présence du Emcee est moindre. Non pas qu’il devienne secondaire, mais ce dernier n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour que la formule fonctionne. Du reste, si Dab Rozer n’est pas le Emcee le plus technique du circuit, on sent beaucoup d’honnêteté dans le propos comme lorsque Charley analyse sa propre écriture dans Au bord du Ravin

Une peur panique à l’approche de demain
Le temps s’agite et m’entraine dans sa course
J’ai ni le sprint, ni l’endurance
Et j’essouffle mes phases dans un flow sage et sans assurance.

N’y voyez aucune fausse modestie. Juste de la lucidité d’un artiste indépendant vivant entre espoir de faire son trou et la réalité du quotidien.

Sous les projecteurs, elle viendra un jour mon heure
Corriger les erreurs pour un rendu final trop pur(…)
Je reste dans ma bulle, par peur du ridicule
J’voudrais assumer mon art sachant qu’il est petit mon arbre
Assurer mes racines et pouvoir pousser sans encombre

A l’heure où une partie du rap s’interroge sur les personnages mis en scène par certaines têtes d’affiche,  ce vent de franchise est dés plus rafraichissant. « Missionnaire du vrai / Je cultive le naturel que beaucoup méprisent  » disait encore Charley. Loin de le mépriser, on a envie de valoriser cet artiste qui tente modestement de créer son propre univers. Avec un certain succès.

EP disponible à prix libre ici.

À proposZayyad

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