Lecture aléatoire

Lecture Aléatoire #3

Tout fraîchement concocté avec amour, voici le 3ème opus de nos lectures aléatoires. Le principe reste le même : remettre en lumière cinq titres qui selon nous le méritent quels que soient leur thème, leur époque, leur popularité ou leur style. En espérant que cette nouvelle sélection repêchée au cœur de nos archives en réjouira plus d’un.

Bambi Cruz feat Akhenaton, Shurik’n, Faf Larage, Freeman – Dans le Marécage (1997)

https://www.youtube.com/watch?v=2FbQsHVbBXU

« Bienvenue dans le marécage, où pas mal de MC jadis coulèrent,
Car de là, mes potes bombardent des bons beat sur Studer »

Trop peu de gens connaissent ce chef-d’oeuvre malgré la renommée d’IAM et de Faf. La raison? Ce featuring est sorti sur l’album de Bambi Cruz intitulé Ouvre les yeux, au succès assez timide. Malgré l’ascension d’IAM, le titre est resté tapis dans l’ombre, absent d’IAM Galaxie et de n’importe quel autre best-of du meilleur groupe de rap français de tous les temps, en toute subjectivité. Ce morceau métaphorique met en scène un cave (un idiot, un « wack MC » façon marseillaise si tu préfères) qui erre dans un marécage habité par nos cinq prédateurs. Une intru qui pète pour un bon son à l’ancienne comme on n’en fait plus. Coup de cœur pour l’entrée en scène d’Akh qui franchement, nique vraiment tout. Bref, pour ceux qui ne connaissent pas ce morceaux, et qui pensaient avoir ratissé la discographie d’IAM, voici la petite boulette de drogue sonore qu’on retrouve dans la doublure du survet Tacchini après des années de disette.

« Rembarque tes potes les bronques, tu fais le fou là,
Ici on fume la buddha, pas importé du plat pays du gouda »

Fayçal – Heures éternelles (2008)

« Des heures à se défendre car des camps de destituent,
A se pourfendre nos carcans se constituent,
Des heures où l’insouciance, se perd et nous transforme,
Puis nos repères se déforment et exaspèrent notre conscience. »

Issu de l’album de 2FCH intitulé Saison Grise, qui réunit les MC du label Bordelais Sonatine Musique, c’est avec Heures éternelles que j’ai découvert Fayçal. Bluffé par la richesse de son vocabulaire, il m’a fallu minimum une bonne dizaine d’écoutes pour en apprécier toute la saveur. Car il faut dire qu’il n’est pas toujours facile de suivre les pensées du Bordelais. Les images défilent à une vitesse folle, portées par le vocabulaire le plus complexe que le rap n’ai jamais connu, où multiples rimes croisées et embrassées se passent le témoin. Et lorsque ces lignes prennent tout leur sens, on comprend à quel point la plume de Fayçal est fine, capable de sublimer le quotidien, ses joies, ses peines et ses contradictions avec une maîtrise ahurissante. Si le rap c’est Rhythm And Poetry, on peut dire que Fayçal lui fait grandement honneur.

« Des heures où l’important, diffère de l’essentiel,
Où mes frères se réfèrent au ciel et vocifèrent en s’emportant. »

Dicidens – Les gosses (1999)

« Ici les gosses sons précoces donc, ils s’tiennent tous prêt car,
Les trois quarts des lascars bizzent dans le tier-quar,
Donc l’écart s’creuse, très peu sont droits comme l’équerre,
Très tôt ils s’écœurent, en regardant leur vie précaire »

Les gosses est tiré de l’excellent HLM Rézidant, album principalement enregistré en 1999/2000 mais qui ne sortira qu’en 2004 suite à des problèmes de distribution. Le groupe s’est fait un nom grâce à ses collaborations avec Lunatic, ainsi qu’à Nessbeal, un temps membre du 92i et qui fit son petit trou en solo quelques années plus tard. NE2S, Zesau et Koryaz forment un trio particulièrement homogène, pratiquant du pur rap de tess, dynamique et rentre dedans. Ce titre reprend le thème des gosses qui de plus en plus jeunes veulent jouer les bandits, à l’instar du Petit Frère d’IAM. Les performances des trois Parisiens sons de très haute volée, sur un bon beat old-school qui fait bouger les têtes. Le genre de son qui t’incite à monter le volume et qui n’arrangera sûrement pas tes problèmes de voisinage.

« Si j’en parle maintenant, c’est que j’suis libre de mes mouvements,
Si j’en parle demain mon discours sera aussi déprimant »

Chinois la Diktion – L’Histoire (2011)

« Bloqué sans issue, imagine ta vie sans un sous,
Bordé par les soucis tu verrais comme le monde est sourd,
Tout le monde s’essouffle, difficiles sont les fins de mois,
T’as bossé dans le gouffre et 1000 euros c’est ce que t’as fais de mieux »

Découvert dans des sessions freestyle à la Passerelle, animées par Demi Portion, le rap de Chinois la Diktion n’a rien d’un rap d’amateur. Les mots sont finements sélectionner pour que la rime perfore. L’accent du sud et la voix de daron aidant le tout, force est de constater que la plume du rappeur de Sète a du caractère. Ce n’est pas un hasard si on retrouve Koma, Mysa ou Kacem Wapalek sur son street-album « Le reflets de nos rétines » sorti l’été 2011. L’Histoire raconte comment le système peut pousser, lentement mais sûrement, un homme à en venir à bout au point de se donner la mort. Un morceau sombre sur lequel Chinois nous montre toute l’étendue de son talent.

Haroun – La Routine (1999)

« J’veux réunir mes forces, bomber mon torse et me dorer en Corse,
19 piges que j’en bave à la 20ème faut peut-être que j’amorce,
Que je change de paysage, que je m’écarte de l’engrenage,
Je compte pas finir ici et encore moins sombrer en cage »

On ne présente plus la Scred Connexion et son logo emblématique, dont on aperçoit encore aujourd’hui les T-shirts arborés fièrement dans certains clips de la nouvelle école. Les mecs de Bezbar sont clairement reconnues comme les piliers d’un rap conscient et dénonciateur, qui ne vend malheureusement pas beaucoup, mais qui garde ses valeurs et son honneur intègre. Les Scred Selexions ont régalé les amateurs et ce titre fait partie des points culminants du premier opus. Les envies d’évasion, déjà clamées par son pote Koma dans Loin des rêves, sont ici développées par Haroun qui pose un regard triste et critique sur son quotidien. Mais le rappeur ne compte pas se laisser abattre et nous signe un hymne à la persévérance, la prod légère sur laquelle il pose permettant d’enjoliver cette touche d’espoir et d’obstination. Un classique.

« On est plongé dans le décor où les gens droit ne le restent pas longtemps,
C’est pour ça qu’il faut pas chômer et s’en sortir le plus rapidement »

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