Lecture aléatoire

Lecture Aléatoire #4

On continue dans notre belle série avec ce quatrième volet. Cette fois, nous avons décidé de mettre en avant certaines combinaisons mortelles. Les featuring constituent souvent des opportunités pour les rappeurs d’explorer de nouvelles couleurs musicales, des univers auxquels ils ne sont pas habitués. Ici, nous avons décidé de faire le contraire: nous avons privilégié 5 morceaux entre kickeurs qui restent propres et fidèles à leur style dans la chanson choisie. Nous avons cependant sélectionné 5 titres qui abordent chacune un style complètement différent.
En espérant que vous découvrirez de nouveaux sons, ou que vous verrez que l’on partage les mêmes kiffs. Dans tous les cas, que vous y trouviez votre bonheur comme AKH.

1. Sport de sang  – Dad PPDA, Tandem & Busta Flex (2001)

En 2001, Tefa et Masta (Kilomaître) s’associent à Eben (2 Bal’ 2 Neg’) pour concocter une mixtape purement musclée et hardcore composée de ce que Masta considère comme le « futur du rap français » de l’époque (comme il le dit dans une interview donnée pour nos confrères de l’abcdrduson). Construit autour d’une punchline de Lino (« Mon rap un sport de sang, t’es en chien si tu sors du ring« , présente sur Atmosphère Suspecte, morceau issu de la mixtape Première Classe), le morceau Sport de Sang voit s’affronter successivement Dad PPDA, Mac Tyer, Busta Flex et Mac Kregor dans un morceau brûlant. Mention spéciale aux scratchs et samples qui parcourent les refrains et donnent une vraie profondeur au morceau.

« Je fais mon putain d’job à plein temps
À 22 printemps,
MC, DJ, producteur à plein temps !« 

2. Comme d’habKacem Wapalek ft. Némir (2015). [Le son n’existe pas encore sur youtube, je vous insère donc un lien d’écoute ici]

Même si Kacem préfère appeler ça une « invitation », ça reste un featuring. Un featuring très surprenant d’ailleurs, qui apparaît comme une volonté de donner du relief à un album excellent, certes, mais qui peut sembler répétitif. Parce que si les jeux de mots du boug sont plus délicieux les uns que les autres, et que sa façon de donner vie à ses morceaux est enjouée, voire drôle (cf. l’intro du morceau Politique, vraiment rigolo malgré le sujet traité), il est vrai que l’enchaînement des titres donne une vague impression de répétition tant son phrasé est similaire.
Mais sur Comme d’hab, on sent la rupture volontaire. Une rupture planante, avec un refrain extraordinaire de Némir. C’est surtout la prod géniale de Juliano qui tranche avec les autres. Un sample de soul music magistral, saccadé, qui porte un titre puissant. En citation, l’outro de la chanson, qui est assez représentative de l’esprit du projet. À écouter absolument. *

 » Rien à foutre
Nemir, Kacem Wapalek, Juliano, Guts, Blanka
Mireille mafieu, David assez louche
Pamela en personne, Mickaël vend des taz’« 

3. La sagesse d’un fouScylla ft. Saké (2013)

Dans mes pérégrinations musicales, je suis tombé sur Chiens Sales (présent sur La Clef de la Cave, l’album de Saké), tout de suite suivi par ce morceau. Ne sachant lequel choisir, j’ai fait appel à ma liberté d’indifférence, qui a penché pour ce titre. Quand on vous parlait de combinaison mortelle… Le quatuor Saké-Scylla-Swift Guad-L’Indis sont les quatre kickeurs au style relativement similaire (je ne dis pas identique, loin de là !) qui semblent destinés à ne jamais décevoir. Chacune de leurs chansons sont de vrais délices où chaque seconde s’apprécie autant que la mort de Joffrey Barathister.
Dans ce morceau, Scylla nous fait part de ses questionnements quant à l’interprétation de la folie, qui, selon lui, recèle une forme de sagesse. Face à la conformité subie de nombre de nous, les gens différents diagnostiqués de folie, seraient les seuls être réellement éveillés, là où les autres, considérés « normaux » sont endormis par le système. De cette analyse découle sa phrase sur l’analogie de la caverne (vision dualiste du monde, divisé entre sa partie sensible et sa partie intelligible, exposée par Platon dans le livre VII de La République).

« À mon réveil […]
J’serai peut-être aveugle et puis c’est mieux comme ça
Parce que mes yeux ne me permettent pas d’voir
J’n’aperçois que ce tas d’ombres
Peut-être qu’à mon réveil j’y verrai mieux comme toi
En attendant je n’suis qu’un résident de la caverne de Platon« 

4. Faut vendreSalif ft. Diomay & Granit (2000)

Bien que le Top 5 de mon confrère sur les rois sans couronne soit contestable, il y en a bien un qui mérite largement sa place. Le premier album de Salif, Tous Ensemble Chacun Pour Soi, est classé monument historique tant il marque un style. Un style qui ne s’est pas affirmé, malgré quelques autres tentatives (il a sorti 4 autres albums, le dernier date de 2010). Salif a cependant réussi le tour de force d’être le seul rappeur du collectif IV My People à relativement percer (toute proportion gardée), lui permettant d’être reconnu de ses pairs a posteriori. Car si il n’a pas été la coqueluche du rap français à ses débuts, nombre de rappeurs de la nouvelle vague le citent comme référence originelle. Un style incisif, abrupt, pouvant coucher n’importe lequel de ses pairs en une rime fulgurante ou un punchparagraphe qui met tout le monde d’accord.
Ce son, tout particulièrement, qui relève du kickage pur et dur, qui s’inscrit dans la seule volonté de défoncer une prod avec des potes, autour de la thématique originale de la vente de shit.

« Si j’monte plus vite qu’un frère, que faire pour qu’il m’allume pas ?
Dans les dents ça fait mal une tarte
Eh ouais, le bon climat nulle part
« 

5. La balade des indépendantsFlynt ft. Nasme & Dino (2012)

L’indépendance est encore le fond de commerce de certains rappeurs. Parmi les plus grandes têtes d’affiche de l’indépendance, Flynt figure comme une étape nécessaire sur laquelle s’arrêter. La balade des indépendants (sur le deuxième album, Itinéraire Bis) décrit les tribulations des rappeurs qui ont choisi de rentrer dans le game par la petite porte. Entre problèmes de distribution, difficultés d’organisation, budget serré, tournage des clips presque amateur, obligations parentales, et autres embûches, le parcours des plus authentiques est souvent chaotique.
Un parcours remarquablement bien décrit dans ce morceau qui reste même fidèle au titre de l’album (le morceau qui décrit une balade dans un album qui évoque un itinéraire, on pouvait pas mieux faire), posé sur une petite prod de Angeflex.

« Ça fait au moins 3 s’maines que j’ai pas écrit une ligne
Il faut que j’me dépêche d’organiser les featurings
J’ai un coup d’fil à passer, j’aimerais bien trouver un p’tit deal
Avec une distrib correcte et sortir l’album en vynil« 

Bonus. Grünt 15Alpha Wann & Papoose

Parce qu’on n’en fait jamais trop pour vous, on vous propose un gros freestyle entre amis, ne serait-ce que pour les passages planants d’Alpha Wann et ce couplet magnifique de JeanJass. Deux preuves que rapper fort et de manière énervée n’est pas toujours gage de qualité.

« J’fais retrécir les minis-moi
J’les appelle demi-miroirs
Ils font la même chose sans réfléchir !
 »


 

* Même si la description qui est faite de l’album peut paraître négative, elle ne l’est pas !! J’ai adoré cet album, et le terme « répétitif » est à prendre au sens positif du terme: ça fait du bien de voir un artiste fidèle à lui-même qui se prend son pied derrière le microphone pour livrer un produit abouti.

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

2 commentaires

  1. Aie aie aie, oui, tu as tout à fait raison pour l’album de Salif, je viens de (re)vérifier. Je change ça tout de suite.
    Par rapport à JLN. Personnellement, je me suis plus buté sur Jeff que sur n’importe quel autre membre de IV My People (Salif y compris), mais on peut absolument pas dire qu’il ait « percé » comme Salif. Il a sorti aucun album vraiment marquant pour toute une génération, contrairement à Salif. Hier encore je parlais à Limsa (interview à venir) qui me disait que Salif rentrait dans son top 3 de rappeurs français (voire même le meilleur).
    Donc au niveau indé c’est une tête d’affiche, ça c’est clair, mais il n’a pas vraiment percé au vrai sens du terme (même si on regarde d’un côté purement quantitatif, Salif a 5 fois plus de « fans » sur Facebook).

  2. Salif n’a pas sorti d’album en 2014. La Fleur Au Fusil reste une chimère pour nombre de ses fans car il a plus ou moins mis fin à sa carrière lors de sa dernière apparition en 2013 (ici : https://youtu.be/iiMIdDRSp4I?t=2m57s ) et ça faisait depuis 2009 qu’il se faisait de plus en plus rare.
    Jeff Le Nerf est un autre membre de IV My People qui a aussi réussi a percer, du moins à faire sa place et à être reconnu par ses pairs dans le rap indé.

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