Interviews

Tcho, sombres lumières en « quarantaine »…

Ce 28 mai, au Wrung Store de Paris, ils étaient plusieurs à avoir fait le déplacement : Rocé, Virus, Casey, Prodige… Pourtant, aucun d’entre eux n’étaient présents pour jouer la tête d’affiche ! Ce soir là, le rôle principal était tenu par Tcho Nguyen, venu présenter Zone de Quarantaine, un ouvrage revenant sur quinze année de créations graphiques et visuelles pour des noms bien connus du rap français. Ce 28 mai, quelques-uns de ces noms entouraient donc celui qui a su mettre en images leurs mots et leur musique depuis plus d’une décennie. Le temps d’une interview avec lui, nous avons donc voulu, à notre tour, tirer quelques mots de ces images qui ont fait entrer Tcho dans le rang des réalisateurs reconnus de son époque…

« Zone de quarantaine » est disponible à la vente depuis le 22 mai ? Peux-tu présenter ce livre en quelques mots ?
Une sélection de travaux, de 1999 à 2014 environ. On va dire 2000 à 2015 comme ça c’est des chiffres ronds. Des travaux “assumés” que je peux encore regarder, des pochettes, des photos et des découpages de clips.

Le livre se présente comme un recueil où l’on retrouve l’ensemble de tes créations graphiques, avec une mise en page brute, pratiquement sans texte ? C’est un choix volontaire de ta part ?
Oui, c’est volontaire et surtout je trouve ça normal. Il y a peut-être une tendance dans le milieu rap français qui est de se mettre à écrire des bouquins, des autobiographies où les mecs se persuadent et t’expliquent que leur vie et leur destin sont passionnants. Mais là, c’est un bouquin exclusivement d’iconographies, ça se fait depuis des lustres en graphisme et en photographie.

La préface est signée Kenzy, une raison particulière à ce choix ?
Parce que c’est à mes yeux, une figure emblématique du hip-hop français et que j’apprécie la personne. Et également parce qu’en dehors de l’image d’entrepreneur à succès dans le rap français et de sa répartie sans pitié, c’est un passionné de hip-hop, d’image et de communication.

Comment s’est faite la connexion entre vous ?
Elle s’est faite chez 45 Scientific car j’y étais souvent à un moment. Il m’a par la suite confié différents travaux à faire.

Qu’est ce qui a motivé la décision de sortir un livre en 2015, uniquement l’approche de la « quarantaine » ?
Non, c’est un essai. Cela aurait pu être en 2020 et s’appeler autrement. Il s’avère que l’année dernière, il y a eu une projection rétrospective de mes clips au Festival des Pépites du Cinéma. Le format max étant de 40 minutes, j’avais décidé d’intituler ça Mise en quarantaine. J’ai gardé le truc pour le bouquin, également l’iconographie, et l’âge coïncide.

Tcho Zone de Quarantaine

« Il y a des gens qui ont surement 30 ou 40 ans de boulots dans les pattes et qui la “ramènent pas” avec un livre »

De tes premières réalisations à aujourd’hui, est-il possible de définir l’univers de Tcho Nguyen en quelques mots ?
J’en suis incapable, je pense que c’est les autres qui définissent, classent les choses et les qualifient. Ça reste spontané, je réponds à des artistes et à leurs demandes, je fais mon “job”.

Quelles sont, justement, selon toi, les qualités à posséder pour « faire ce job »?
C’est con à dire mais je pense que justement, il n’y a rien à savoir et aucune qualité à posséder. C’est ça le hip hop d’ailleurs. Tu n’as rien et tu fais, en apprenant et travaillant le truc au fur et à mesure. Sans diplôme, sans autorisation etc… Après je pense que c’est une histoire de goût, de vision peut-être…si les gens s’y reconnaissent, ils viennent vers toi pour bosser ensemble.

Ton univers est justement marqué par une identité singulière dans le rap, et une esthétique sombre, parfois angoissante. Quelles sont les raisons et, peut-être, les influences qui ont déterminé le choix de cette « couleur » dans ton travail ?
Des influences graphiques et visuelles assez larges mais clairement une tendance vers le sombre, le monochrome…mais pas que ça. Mais je pense que j’ai comme “guides”, les personnes pour qui je bosse, qui eux, ont souvent une volonté de se démarquer et de faire des choses différentes…et c’est une chance.

Tu évoques des influences graphiques et visuelles, tu peux en citer quelques-unes ?
En graphisme, énormément de choses variées. Des trucs de graphistes chiants super pointus et conceptuels jusqu’à des covers de Street tape US…donc une palette large. En graphisme hip hop, The Drawing Board à l’ancienne, qui bossaient pas mal pour Def Jam, Ola Kudu, et d’autres covers dont j’’ignore les auteurs comme celles de DMX. En vidéo, je sais pas trop, pas mal de choses, pas forcément en rap. En clip rap, une des grosses claques je crois, c’est Who We Be de DMX, c’est ça qui a donné l’idée et l’envie de faire le clip de Dans nos histoires de Casey.

Quinze années de travail et de création, ce n’est pas rien ! Quelles sont les réalisations (pochettes, clips..) dont tu es le plus fier ?
Et c’est pas grand chose en même temps… Il y a des gens qui ont surement 30 ou 40 ans de boulots dans les pattes et qui ne la ramènent pas avec un livre. Les boulots que je retiens, ça serait le teaser de Libérez la bête pour Casey, ses artworks d’albums également, des clips comme “Faites entrer” de Vîrus, L’être humain de Rocé, Don’t giv a fucc de Blaq Poet…des artworks pour Preem. En réalité, pas mal de choses.

ITW-REF-Casey

 

Clips, artworks… et peinture !

« Zone de Quarantaine » revient sur quinze années de projets, as-tu déjà une idée ou un regard sur l’évolution de ton travail durant les quinze prochaines ?
Absolument aucune idée. Avec un doute sur le fait que mes potes, qui sont dans la même tranche d’âge et qui rappent, le fassent encore beaucoup entre 40 et 55 ans.

Des projets en préparation sur court ou moyen terme ? Des artistes avec qui tu aimerais ou envisagerais de travailler ?
Le nouvel EP de Vîrus, on discute de clips avec Kohndo et Despee d’Ursa Major. Puis Casey, qui m’a annoncé il y a peu le nom de son prochain album pour qu’on bosse sur le truc. En projet, me remettre bien à la peinture, bosser les techniques en acrylique, à l’huile.

Tu as déjà défini des thèmes ou des univers autour desquels tu allais travailler ?
Oui mais ce n’est pas figé. On a lancé l’idée d’un projet d’expo commune de Peinture avec Alex (Mac) & Cros2 de Marseille. Mais j’attends que ça avance pour en parler.

Dans le quatrième de couverture, Mehdi Maizi, de l’Abcdr du son, évoque ta « passion » et ta « débrouillardise » qui t’ont permis de traverser trois décennies de hip hop, sans jamais donner l’impression de t’en lasser. Avec l’expérience, quels conseils donnerais-tu au jeune Tcho Nguyen des années 90, qui souhaiterait se lancer sur le même chemin ?
Des conseils d’un néo-quadragénaire qu’il écouterait par respect mais ne suivrait très certainement pas. On va dire que “le jeune Tcho des années 90”, à la limite, je m’en tape un peu. Au bout d’un moment, chacun sa merde et on se rend compte des choses souvent par soi-même, avec ou sans conseils. Mais en l’occurrence, j’essaie de faire en sorte que mes filles grandissent bien, avec une bonne cogite, des valeurs et qu’elles découvrent et s’intéressent à des trucs. Qu’elles se “réalisent” surtout. Mais le côté “passion”, j’avoue que je n’ai pas encore abordé le sujet. Car souvent, tu n’es que la-dedans, rien d’autre et ça te met bien souvent dans une merde pas possible ! Puis tu te retrouves à 40 piges avec un livre avec un masque à gaz en couverture ou tu dois expliquer, à chaque fois pourquoi tu racontes pas ta vie dedans et pourquoi il n’y a que des images. Donc bon…

 

http://horscadres.net/zone-de-quarantaine/

À proposLaurent Lecoeur

Tombé dans la marmite du rap français. Ressorti sans formule secrète mais avec l'envie d'y replonger pour en savoir un peu plus...

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