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[Chronique] Nekfeu – Feu

« J’gratte, j’gratte, et la nuit, j’me défoule contre tes textes
clap clap
C‘est le bruit de mes boules contre tes fesses !« 

C’est avec ça que j’ai découvert Nekfeu, un babtou imberbe de 20 piges qui s’amusait à vanner des gens dans la salle de L’éclipse avec ses potes qui criaient beaucoup trop fort (Framal, si tu me lis, sache que tes hennissements ont marqué ma génération).
Cinq ans plus tard, Ken a de la moustache, une gueule à la James Dean, et Le Monde lui tire le portrait. Le lundi 8 Juin est sorti son premier album solo, Feu, annoncé depuis bien longtemps. Alors forcément, l’attente était plus que grande pour une des révélations incontestables de la new school française (ou bien de la new old school comme il le disait avec Le Devin).
Je suis un auditeur de la première heure, et lorsque le premier extrait, Égérie, a mis le feu aux poudres, j’ai tout de suite ressenti le potentiel inné d’un jeune homme qui avait fait du parcours depuis ses premiers freestyles filmés au Nokia 3310. Pendant des années, il a enflammé des open mics, cramé des freestyle sur les toitures de Paname, embrasé des petites salles de concert: tel un brasier incontrôlable, il a transpiré le kickage par tous les pores.

 

Mais aujourd’hui, Ken a grandi, et il a évolué. Comme il le dit récemment au micro d’Augustin Trapenard sur France Inter, il avait pleinement conscience des attentes suscitées par cette sortie. Pour relever le défi et conquérir de nouveaux auditeurs sans pour autant décevoir sa fan base, il fallait qu’il se surpasse en créant un « album pour tous« , selon ses propres dires.

Maîtrisé de bout en bout dans une ambiance calcinée, Feu est l’album introspectif d’un gamin qui devient adulte. Après ses conneries d’ado, le rappeur parisien a compris qu’il ne pourrait pas vivre de shit et de rhum frais toute sa vie. Il a donc arrêté de boire, de fumer, a pris sa vie et sa carrière en main pour maintenant mettre à profit ses talents d’écriture et d’interprétation incontestables. Pendant tout l’album, il vogue entre des ambiances américaines de rider (Ma dope), des sons plus sombres (La Moue des morts, Elle en avait envie, morceau qui pourrait d’ailleurs être la suite de Elle donne son corps avant son nom, d’IAM), de la pop pour passer en radio (Reuf, On Verra) ou des joutes verbales avec ses compagnons de son (Jeux d’ombres, Point d’interrogation, morceaux partagés respectivement avec Doum’s et Alpha Wann).


Cependant, ce n’est pas sur ces tracks que la fougue et le talent du jeune parisien surprennent. Car outre le feu, c’est bien la sincérité qui a guidé l’écriture de l’album (« Tout est vrai dans cet album, j’ai juste mélangé les histoires, et changé les personnages). Sur le morceau qui clôt le LP, Être humain, le rappeur nous invite à nous plonger corps et âme dans son cœur et sa tête à travers une fresque scripturale décrivant sa vie et ses aspirations. Il apparaît tiraillé entre des rêves de gloire enfin atteignables, et la volonté de rester soi-même, proche des siens, ancré dans la réalité (Quand j’ai besoin de faire le vide, je fais le plein). Malgré son succès médiatique incontestable, l’intégrité de Ken reste préservée grâce à son sens des valeurs. Loin de sacrifier la technique sur l’autel du sens, le jeune homme a voulu montrer qu’il n’était pas capable que de caler des rimes pour battre le tempo, mais aussi de chercher au fin fond de son for intérieur pour en exorciser ses peines.

Cet album, c’est un appel au rêve. Un appel au regroupement, à la tolérance, au respect d’autrui (Il n’y a que le respect que l’on me doit) et à la valeur de la famille, mise en exergue dans le dernier morceau: Crois en toi, nous crie cet album. Et c’est avec des étincelles plein les yeux que nous acceptons cette déflagration d’allitérations, d’assonances, de rimes, de références et de flows doux ou matraqués. Je suis ressorti tout feu-tout flamme de l’écoute de ces 18 titres, avec l’étrange impression que le petit Salamèche brouillon des Rap Contenders est désormais devenu un Dracofeu fier et puissant. En espérant qu’il continue sur cette lancée: avec la nouvelle version de Pokemon, il lui reste le stade de Mega-Dracaufeu X… Je n’ose même pas imaginer ce que ça sera.

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

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