Billets d'humeur

Plaidoyer pour le Rap Français.

En 2011, le rap français a une bonne vingtaine d’années derrière lui. Si on le personnifiait, on pourrait présumer qu’il entre dans sa période de maturité, qu’il est sur le point de s’installer indépendamment. Il a vendu des albums à la pelleteuse, les disques de diamant, platine et or trônent dans  sa chambre. Pourtant, il souffre. Aujourd’hui, en France, il existe encore des gens qui, en termes de goûts musicaux, disent aimer tout sauf le rap. Pourquoi ? Qu’est ce qui amène des gens à raisonner ici ? Tentons de les convaincre de l’inanité de leurs propos. Ceci est un plaidoyer pour le rap français.

Que n’entend-t-on pas au sujet du hip-hop bleu blanc rouge ? Musique de sauvage, pousse-au-crime, pilleuse d’ancêtre, intolérante. C’est un patchwork de péjoration qui se retrouve acculé à son derrière comme une batterie de vieilles casseroles. Mais pourquoi ? Tout d’abord, n’occultons pas le pouvoir de l’amalgame. De nos jours, grâce à la puissance des grands médias et à l’absence de nuance de leurs propos, le grand public assimile le rap à la délinquance. C’est un état de fait. Malheureusement, cela fait partie de ce racisme latent de notre beau pays. Un polygame barbu comme Lies Hebbadj fait scandale pendant que Paul Bocuse peut expliquer tranquillement au Figaro qu’il a trois femmes sans s’attirer ni foudre ni tonnerre. C’est ainsi. La masse gavée à TF1 continue à raisonner en association d’idées simples. Rap = délinquance. Délinquance = arabe ou musulman, c’est la même chose. Sans vouloir chercher plus loin. On n’aime pas les racailles alors on déteste le rap.

Pourtant, si l’on s’attaque au concret, que lui reproche-t-on ? De tenir des propos parfois violents ? Mais la société est violente et ce n’est pas la faute des rappeurs. N’en voulez pas au messager de porter de sales nouvelles. On dit souvent que tous les rappeurs ont le même discours agressif, que l’intérêt artistique est limité. D’une part, c’est faux et d’autre part il serait peut-être intelligent de chercher à comprendre pourquoi des mômes des quatre coins de la France sans aucun lien tiendraient des propos identiques.

Quels sont les autres griefs ? Le manque de respect envers les femmes.  Mais sont-ce vraiment les mêmes personnes qui s’affligent des propos misogynes de certains, et uniquement certains, performers pendant qu’ils acceptent sans broncher qu’une femme soit nue pour vendre du shampoing ? Le politiquement correct facilite l’insurrection contre des jeunes de banlieue. Cependant, en France, les femmes sont toujours moins rémunérées que les hommes à compétence égale. Sans que ça choque outre mesure.

On entend souvent qu’il n’est question que de pillage. Ce sample honni puise sans vergogne dans les réserves des musiciens mondiaux. Évidemment, tout le monde sait que tout n’est que plagiat. Le rock vient du blues. Chaque genre en engendre un autre qui dévie un peu de son axe. Il adviendra pareil du hip-hop dans quelques années. On assimile et on régurgite.

Les gens adorent parler du rap comme s’il n’était qu’une énorme entité réunie derrière une seule et même bannière. On dit « le rap » avec ce dégoût dans la bouche comme si l’on parlait d’une masse informe et gluante. Les rappeurs sont ceci, les rappeurs font cela. Ce milieu est vaste et varié. Tenir des propos comme ceux d’Eric Zemmour (« les rappeurs sont analphabètes »), c’est se faire l’apôtre de l’ignorance et de la calomnie. Et ignorer la diversité folle de ce mouvement hexagonal.

Alors aujourd’hui, nous persistons à dire que le rap est la dernière musique de contenu qu’il nous reste, les rappeurs sont les seuls à encore ouvrir leur gueule pour dénoncer ce qui les dérange. Que la France devrait être fière de ces hérauts qui jonglent avec ses mots. Il est désormais temps que cette culture soit reconnue comme un art véritable, que l’on arrête de nous abreuver de clichés et surtout que l’on prenne le temps d’étudier les textes de ces écrivains modernes comme des œuvres à part entière. C’est tout le but de cette initiative, donner au rap ses lettres de noblesse.

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

15 commentaires

  1. Cet article a pas loin de trois ans et il ne reflète plus la vision de Monsieur l’auteur qui se rapprochera plus de la votre dorénavant. Mais nous laissons cet article comme un jalon du chemin parcouru dans la réflexion. Merci de ton intervention Matt’ !

  2. Pardon, mais vos arguments me consternent.

    Je suis curieux et j’écoute de tout. J’ai entendu parfois des rappeurs de talent, mais j’ai aussi entendu le pire. Quand j’écoute le rap et ses paroles, je suis trop souvent attristé et atterré, et j’aurais aimé qu’un défenseur de cette musique -en l’occurence vous, Monsieur l’auteur de l’article-, me console ou à minima fasse preuve de plus de jugement et de hauteur de vue.

    Provoquer n’est pas en soi une vertu. Provoquer est un acte courageux quand c’est au service d’un but louable. Montrer son postérieur à la maréchaussée et s’en vanter, je l’ai fait dans mon adolescence et c’était certes rigolo mais ça ne mène pas loin.

    Surtout ne pas se remettre en cause : Monsieur l’auteur de l’article, quand vous évoquez le manque de respect envers les femmes dans le rap, plutôt que de le regretter vous préférez pointer du doigt les inégalités hommes/femmes qui se perpétuent, comme si l’insulte misogyne était un echo légitime aux problèmes existants.

    Surtout ne pas douter : Monsieur l’auteur de l’article, quand vous évoquez l’incitation à la violence flagrante que constituent certaines paroles du rap, plutôt que de le regretter vous préférez pointer du doigt la violence de la société en général, sans voir que le rap en est un acteur agissant, et pas du tout un simple messager comme vous l’écrivez si facilement.

    Surtout, continuer : Monsieur l’auteur de l’article, vous parlez des clichés dont on nous abreuverait sur le rap, mais vous en êtes bien le premier dispendeur.

    Toujours la même rengaine, postulat éculé et ecoeurant jusqu’à la nausée : le problème vient de la société en général, de la police, de TF1, du racisme séculaire, des hommes politiques et du conservatisme de la concierge. Je ne regarde pas TF1, je ne suis pas policier, je ne suis pas un homme politique. Je suis un citoyen trentenaire qui fait face à son paquet de problèmes, comme tout le monde, qui voudrait que la prochaine génération soit plus heureuse quel la notre, qui se lève tôt tous les matins et qui vote avec l’espoir ténu d’y contribuer. Certainement la définition du vieux con dans votre référentiel étriqué.

    Enfin Monsieur l’auteur de l’article, si vous estimez que le seul fait d' »ouvrir sa gueule » mérite fierté et reconnaissance, alors ne vous étonnez pas qu’un certain nombre donne de plus en plus de voix, mais malheureusement pas dans le sens où vous l’entendez.

  3. Bel article,

    Par rapport au plagiat, je ne parlerai pas de plagiat qui a une connotation péjorative et qui vise à dire que les artistes ne créent rien de nouveau. Or vous parlez d’artistes qui ont du talents tant au niveau musical qu’au niveau lyrique et je suis bien d’accord.
    Je parlerai donc d’inspiration ou plutôt d’amalgame d’inspirations puisque chaque nouvelle musique emprunte à plusieurs styles musicaux plus une belle touche de nouveauté. Et ça marche !
    (Si vous voulez des exemples n’hésitez pas)

    Respect à tous,
    La France est belle parce qu’elle est multiculturelle

  4. Personne n’a dit qu’il n’existait pas de chansonnier encourageant la haine envers les institutions. Juste que ce n’est pas l’apanage du rap. J’ai en tête Renaud (« Votre république, moi j’la tringle) et Brassens (« Sous la forme de macchabées »).

    Il est vrai qu’on a évoqué le métal en écrivant l’article, c’est triste que des gens rejettent tout en bloc sans prendre le temps de se renseigner.

  5. Tout d’abord, je vous préviens que j’écoute énormément de rap (Plus FR que ricain), mais que j’ai quelques remarques après lecture.

    Autant je suis entièrement d’accord avec l’article autant on ne peut pas dire qu’il n’existe pas d’artistes ou de groupes qui, dans certaines de leur chansons, encouragent la haine envers la France ou l’insultent directement. Il ne faut pas non plus oublier que les institutions sont ce qui représentent notre pays et les insulter reviens à insulter la France.

    Ensuite, le rap n’es pas le seul genre musical à ne pas être apprecié par une grande partie de la population: On peut aussi souvent entendre: « j’écoute de tout sauf du métal… »

  6.  » J’pratique un art triste, tristement célèbre car c’est à travers nos disques que la voix du ghetto s’élève.  » Kery James – A l’ombre du show business (ft. Charles Aznavour)

    Voilà à mon sens d’où vient cet amalgam rap=racaille. Le rap vient du ghetto, les racailles habitent le ghetto donc le rap est fait par et pour les racailles ! Logique…. de facho !

     » C’est le seul son hardcore depuis qu’le Rock n’a plus de couilles… « 

  7. en effet ponGomme tes propos sont insupportables!tu parles du fait que si tu te plains de la musique dans le bus tu te fais embrouiller et à la fin tu y reviens en demandant pourquoi l’auteur de cet article ne parle pas de ce racisme là.celui envers les blancs.Donc ton cerveau étriqué de franchouillard fait inconsciemment le lien rap écouté par des racailles et surtout racailles= immigrés car sinon pourquoi parlerais tu tout d’un coup de racisme anti blanc? tu sais le racisme ouvert et exprimé est horrible, mais le pire je trouve que c’est celui que tu produis, un racisme inconscient, avec des corrélations mentales automatiques.
    Les boulets de la France ce sont des personnes comme toi et non pas celles que tu stigmatise, pauvre mec tu fais pitié

  8. 1) Vous faites donc le même amalgame. Parce que vous entendez des « racailles » écouter du rap dans le bus, vous en déduisez que c’est une musique de mec à problèmes. A quoi bon mettre tout un genre musical dans le même sac à l’aide d’un seul argument ?

    2) Vos propos sont à la limite du supportable. Vous parlez de racisme anti-blanc sans donner aucun exemple sinon celui de « racailles » qui écoutent la musique dans le bus. Je ne vois pas en quoi cela relève du racisme ou alors vous pensez que ça ne dérange que les blancs et que les personnes de couleurs du bus ne subiraient pas la gêne auditive. Je suis un immense défenseur du rap mais je suis le premier que ce genre de comportement importune. Et il n’y a aucune contradiction là-dedans.

  9. Je ne mélange rien je tiens juste a préciser que pour mes histoire de « musique dans le bus » on entend que du rap écouter par des racailles et qui si jamais tu daigne a te plaindre cherche la merde. Et certes c’est un problème de civisme mais je n’ai jamais eu le cas avec un autre type de musique alors le problème est ou maintenant ? Voila d’où viens l’amalgame rap = musique de racaille = musique de mec a problème. Tu ose parler de racisme dans ton article, mais pourquoi ne parle tu pas de ce racisme la, celui que les « blancs » subisse ? Le racisme n’est plus a sens unique et depuis un bon moment !!

  10. Je vais vous répondre point par point.

    1) Je ne vois pas en quoi c’est la faute des « racailles » si les médias assimilent le rap et la délinquance et encore moins pourquoi ce serait la faute des rappeurs. D’autre part, les rappeurs qui encouragent « la haine de la France » comme vous dites, j’aimerais bien que vous me les citiez. Car, à part des exemples où ce sont les institutions qui sont visées mais pas le pays en lui-même, je ne vois pas de quoi vous parlez.

    2) Loin de moi l’idée de forcer les gens à écouter du rap. Je constate juste que l’on entend souvent dire « j’écoute de tout sauf du rap » mais qu’on n’entend jamais « j’écoute de tout sauf du jazz/rock/soul (rayer la mention inutile) ». Le rap français est tellement varié qu’il est quasiment impossible de le détester à 100%. Les gens se basent sur une fausse image et le rejettent en bloc sans le connaître. C’est tout ce que je voulais souligner. Mais s’il vous plaît, ne venez pas tout mélanger avec vos histoires de musique dans le bus, c’est un problème de civisme et ça ne me regarde pas.

    Bien à vous.

  11. Je ne suis pas tout a fait d’accord avec l’article cependant tu annonce:

    « De nos jours, grâce à la puissance des grands médias et à l’absence de nuance de leurs propos, le grand public assimile le rap à la délinquance » Je suis d’accord mais la faute a qui ? la faute aux délinquants d’une part, le plupart des racailles ( et je ne parle pas d’arabes ou musulmans il y a pour moi autant de racailles « européennes », « black », ou « arabes », et d’autre part aux rappeurs eux même qui encourage cette haine envers la France dans leur propre texte ( la encore je ne cible pas tout les rappeurs ).

    Comme partout le PROBLÈME viens de la généralisation, une personne qui écoute du rap est une racaille, un gars qui écoute du son de teuf est un drogué, un gars qui écoute du métal est un sataniste…..

    Je continu  » Aujourd’hui, en France, il existe encore des gens qui, en termes de goûts musicaux, disent aimer tout sauf le rap. Pourquoi ? Qu’est ce qui amène des gens à raisonner ici ? Tentons de les convaincre de l’inanité de leurs propos.  » Donc selon toi ne pas aimer le rap n’est pas normal ? Les gout et les couleurs ne se discutent pas, si une personne te dit qu’elle n’aime pas le rap elle a ses raisons tu ne peut pas convertir tout le monde au rap ou forcer les gens a écouter du rap ( a si énormément de personne nous force a écouter du rap, hum dans le bus un portable a la main et des chansons toute plus nulles les unes que les autres qui passe en boucle !! )

  12. « Évidemment, tout le monde sait que tout n’est que plagiat. Le rock vient du blues. Chaque genre en engendre un autre qui dévie un peu de son axe. Il adviendra pareil du hip-hop dans quelques années. On assimile et on régurgite »

    gros +1 pour cette phrase

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