Live report

[Live Report] Médine – Démineur Tour

Un DJ, un rappeur, un backeur, une estrade, un public. Structure classique pour un concert de rap. Jusqu’ici tout va bien, comme dirait l’autre. Vente de billets disponible uniquement sur le site du label. Ça commence à se corser. Rajoutez un camion de 38 tonnes, une soixantaine de personnes. Et rien ne va plus.
Mettez un nom, une tête d’affiche, un mec qui traîne 20 ans de carrière (première apparition datée en 1998 avec Proof) et 500 000 « likes » sur Facebook. Médine. Rappeur incontournable lorsque l’on évoque le rap engagé (on acceptera Kery James aussi). Mélangez tout ces ingrédients et vous obtenez le très joli bordel que j’ai vécu le mercredi 9 septembre entre 18:54 et 20:00, à Ramonville, près de Toulouse, accompagné de quelques membres du site Le Bon Son (dédicace àla concurrence, vous m’en devez une les gars). J’espère arriver à vous le retranscrire le plus nettement possible.

 

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Accompagné de son backeur Alivor, artiste également signé sur le label Din Records, Médine fait une entrée fracassante avec (seulement) 24 minutes de retard en entamant son set par Reboot. Premier son du concert, premier son de l’album. Il aura eu la lourde tâche de chauffer un public qui prit un tout petit peu de temps à démarrer malgré l’énergie déployée par Médine et Alivor.
Le cadre cosy et intimiste du camion permet une réelle proximité entre le rappeur et son public, offrant ainsi la possibilité à l’artiste de rompre la barrière qui l’en sépare, en intégrant à son show de nombreux apartés humoristiques. Médine fait des blagues, s’adresse directement aux auditeurs, et lui-même n’en revient pas: à plusieurs reprises, il aura répété, les yeux écarquillés, n’osant y croire « eh, on est dans un camion ! ». Il s’écarte de sa zone de confort et surprend de par sa facilité à se détacher de l’image de son rap, celle qu’il véhicule dans chacun de ses projets.
Ne vous y trompez pas, nous n’avons pas non plus assisté à un one-man show. Médine s’est tout de même attaché à exorciser la laïcité des démons de la République durant l’interprétation de Don’t Laïk (en chassant de son corps certains représentants de notre douce France), à défendre la cause palestinienne dans Gaza Soccer Beach (d’une magnifique manière en rajoutant un beat poignant à la guitare initiale), à distribuer des fatwas aux radicaux ignares dans #faisgafatwa, et à dénoncer la polarisation du débat en France avec MC Soraal. Militant, engagé, il le reste, tout comme ses chansons. Mais il a réussi à instiller une touche légère et plus lumineuse, qui détend l’atmosphère, qui rend plus accessible ses paroles, et nous rapproche de l’humain caché derrière l’artiste.

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L’autre point très positif à relever sera la participation d’Alivor, son backeur. Plus qu’un simple outil servant à donner de la profondeur à son concert, Médine s’en sert à des fins fédératrices. À deux reprises, les artistes croisèrent le micro. La première fut à l’occasion d’un battle où Alivor défendait sa couleur de peau, contre un Médine prônant la supériorité de son sang arabe. Enchaînant l’un et l’autre des couplets dans le but descendre l’adversaire, le message à faire passer était chanté, en choeur, par les deux artistes lors du refrain: « l’amour des siens, ce n’est pas la haine des autres ». Un battle agressif servant un message fort qui ne pouvait pas mieux passer que par cette joute verbale. La deuxième fut lors d’un clash (encore et toujours) où les camps étaient divisés entre Médine défendant fièrement sa barbe et Alivor arborant ses locks. S’enchaînent alors egotrips et identifications à certains personnages célèbres où l’on finit (encore et toujours) par un message de réunion et « d’anti-polarisation » (pardonnez le néologisme) où Médine nous explique que, finalement, peu importe que l’on ait une barbe, des locks, que l’on soit chauve ou imberbe, il est important qu’il y ait des nuances dans nos prises de position, pour éviter le regrettable manichéisme du débat en France, où tout le monde se situe d’un pôle à l’autre du débat, sans en soustraire les nuances.

 

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Le troisième et dernier point réussi, offert par la proximité (voire la promiscuité) avec son public, fut l’interaction de l’artiste avec ce dernier. Lors de l’interprétation de la chanson Speaker corner, Médine s’est emparé d’un petit monte-pied (10 balles chez Ikea, nous précise-t-il) pour venir se positionner en plein milieu du camion, dans la foule (bon, on était 60, on va dire une foulinette). Cette formule l’aide, une nouvelle fois, à servir un message tout en profitant de la petitesse de la salle pour se rapprocher de ses auditeurs. Il a également fait monter deux personnes sur la scène pour se moquer des dictatures en demandant explicitement à « un dictateur en puissance » de venir avec lui sur la scène interpréter la danse de Sadam. Ce fut ensuite au tour d’une dictatrice de faire son show. Polémique, controverse, on reste dans du Médine, car si cette danse sert à se moquer explicitement de feu M. Hussein, elle n’en reste pas moins celle d’un des plus grands dictateurs du monde. Alivor, lui, aura eu le droit à un morceau solo.
Le barbu clôturera son set sur l’interprétation de Démineur, après avoir brillamment joué son désormais classique Lecture Aléatoire sans oublier de remplacer les passages cités par les instrus originales des morceaux auxquels il se réfère (IAM, Lunatic, Ärsenik et Kery James).

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Finalement, un live très solide, complet, et exécuté avec précision grâce à un Alivor qui apporte beaucoup à la performance musclée de Médine. Le cadre intimiste du camion est une excellente idée, qui permet à l’artiste de délivrer un discours clair et net, tout en s’amusant avec un public qui se prend vite au jeu de la scission engagement/rigolo. Rendez vous vite sur le site de Din Records pour voir si le camion prévoit de passer dans votre ville. Auquel cas, croyez-nous, courrez prendre vos places. Vous en aurez pour bien plus que votre argent.

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Toutes les photos sont la propriété privée de Astrée Photographies pour lebonson.org

 

À proposLeo Chaix

Grand brun ténébreux et musclé fan de Monkey D. Luffy, Kenneth Graham et Lana Del Rey, je laisse errer mon âme esseulée entre les flammes du Mordor et les tavernes de Folegandros. J'aurai voulu avoir une petite soeur, aimer le parmesan, et écrire le couplet de Flynt dans "Vieux avant l'âge". Au lieu de ça, je rédige des conneries pour un site de rap. Monde de merde.

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