Beatmakers Interviews

DJ Elite, entretien avec un oiseau noir.

DJ Elite. Tous les gens qui s’intéressent quelque peu au S-Crew et à L’Entourage connaissent forcément son nom. Au fil du temps, il est devenu une pièce maîtresse de l’épopée de cette équipe parisienne au long cours. A force de travail et d’abnégation, le jeune homme qui jouait avec ses platines dans sa chambre est aujourd’hui titulaire d’un disque de platine grâce à l’album de Nekfeu. De l’ombre des nuits parisiennes à la lumière du Feu, on a été lui demander de nous raconter comment tout ça a commencé. Vol avec un drôle d’oiseau.

Eliott nous accueille au Blackbird Studio. Il y est installé depuis peu de temps. Il est souriant et très prévenant. C’est un dimanche après-midi ensoleillé mais on ne verra pas vraiment la lumière du jour puisque nous nous rendons rapidement au sous-sol. En effet, c’est dans la salle des machines que l’entretien se déroulera. Dans cette pièce ont été enregistrées les dernières pistes de l’album de Nekfeu pendant l’emménagement du studio. Il nous confie qu’il y a planté son matériel avant même que les travaux démarrent et qu’il s’est adapté aux contraintes.

D’adaptabilité, il est beaucoup question avec DJ Elite. Il en faut énormément pour avoir déjà vécu à son âge toutes les aventures qui jalonnent son parcours. Il naît à Bagnolet et dès le départ, il transforme une faiblesse en force. Sa dyslexie le fait orthographier Eliott en Ellit. Et bien soit, ce sera son pseudonyme. Quand on lui demande quel est son premier souvenir musical, il hésite longuement avant que l’évidence jaillisse : “C’est la première fois que j’ai tapé sur une batterie. J’étais à un cours de piano avec ma soeur et je me faisais royalement chier. J’ai entendu au loin un bruit de batterie, j’ai été voir et j’ai eu la révélation. C’était ce que je voulais faire. Je l’ai dit à ma mère et elle m’a changé de cours instantanément.”

Le petit Eliott s’essaie à l’instrument de prédilection de John Bonham jusqu’à le maîtriser au point d’avoir envie d’évoluer au sein d’un groupe : “C’est sympa un moment de jouer tout seul avec tes écouteurs mais au bout d’un moment, tu en veux plus.” Un soir en zappant sur MCM, il tombe sur DJ Qbert qui scratche. C’est la seconde épiphanie pour lui. Il se renseigne et se procure son premier pack, “avec deux platines et une table de mixage, un truc à chier.

On lui pose alors la question évidente : comment un gamin de 14 ans s’achète du matériel comme celui-là ? Eh bien, la réponse nous ramène à l’adaptabilité du monsieur. Peu de temps avant, un de ses potes lui propose de vendre des préventes pour une soirée dans un club parisien. Il en a 20, elles partent en une heure. Il en vendra au final une centaine pour cet événement, empochant au passage un coquet pourcentage. Il continue ainsi pendant quelques mois, tout en prenant du galon.

Le monde de la nuit.

Du galon, il en prend aussi dans la maîtrise de ses platines. Pendant une soirée en boîte, il va demander au culot la possibilité de faire un petit set. Expérience concluante puisqu’elle est reconduite la semaine suivante. Sauf que cette fois-ci, la bonne étoile frappe à la porte. Non loin de là se trouve Gilles Arki qui prend Eliott sous son aile et qui deviendra, selon ses propres termes, son mentor. Nous l’avons interrogé : “J’ai rencontré en 2004 Eliott et son acolyte Rémi (ils formaient le duo Stunt et Elite). Je les avais interceptés à la fin de la soirée teen et je leur avais proposé de les propulser bien plus haut. Ce n’était même pas pour l’argent, je voulais juste des artistes talentueux en plus dans mon répertoire. Leur volume de soirée a tout à coup bien augmenté et ils avaient toute une clientèle qui les suivaient sur les réseaux et ensuite en soirée.

Nous avons contacté Stunt qui se souvient : « Un jour, Eliott m’a invité pour me montrer les platines vinyles qu’il venait d’acheter. Ça a été comme une révélation pour moi, il m’en fallait aussi ! La semaine suivante, j’ai filé dans une boutique de son, j’ai travaillé dur et il s’est retourné vers moi pour me proposer de mixer dans des anniversaires. Puis il a commencé à travailler avec des organisateurs de soirée, négocier des plages horaires pour mixer et de fil en aiguille on s’est retrouvé à faire des warm up pour débuter. » Le duo Stunt & Elite était né. Parfois quand le succès frappe à la porte, des tensions ont tendance à naître. Pas dans ce cas-là : « Je crois qu’on ne s’est jamais pris la tête. Eliott c’est un mec simple, qui sait travailler vite et bien. Je pense qu’on fonctionnait vraiment bien ensemble, on était complémentaire. »

Gilles Arki nous raconte plusieurs anecdotes notamment celle d’une soirée qui a posé problème parce que la file d’attente était devenu si longue qu’elle débordait sur les Champs-Elysées. Il nous explique qu’il arrivait fréquemment que des filles viennent avec des t-shirts “I love Stunt & Elite” et qu’il n’était pas rare non plus que des fans attendent la fin de la prestation pour avoir des photos ou des autographes. Gilles Arki avait quelques gros noms sous son aile notamment Dj Snake et Big Ali mais il nous confie que ses préférés étaient Eliott & Rémi : “ faire monter deux gosses était comme un challenge. J’étais fier de les faire mixer dans les plus gros clubs, les plus grosses soirées et de les envoyer en tournées en France, au Maroc, en Tunisie, en Chine etc.”

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

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