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2011 – La Fouine vs Laouni – La Fouine

La troisième tête du Cerbère du rap français qu’il forme avec Booba et Rohff est la dernière à publier son nouvel album.  En prenant un peu de recul, il espérait surement que les auditeurs auraient déjà oubliés La Cuenta et Lunatic. C’est le cas et il est fort à parier que le sien tombera vite dans le trou aussi. En attendant, Laouni a eu la délicatesse de sortir son album le jour de la Saint-Valentin. Cette petite attention va surement plaire aux femmes…

La couverture.

Quoi de neuf, Fouiny Baby ? Et bien, pas grand chose. Laouni nous ressort un principe un peu éculé. En effet, son combat entre ses deux entités intérieures est reflété sur la jaquette. Laouni qui regarde vers le passé et La Fouine vers le futur. Laouni qui est sobre, dépourvu d’artifice et La Fouine avec les lunettes et la barbichette. Ce manque de subtilité a cependant un avantage, il fait prendre conscience rapidement de la volonté qu’a l’artiste d’opposer deux moitiés pas forcément incompatibles.

Le flow.

Personne ne viendra lui chercher des poux dans le bouc sur ce terrain précis. La Fouine sait ce qu’il fait et il rappe vraiment bien. Dans les temps constamment, essayant des variantes, il rendrait presque l’auto-tune supportable par moment. Même quand il s’aventure dans la chanson, il est bon (Les Vents Favorables). Ce n’est donc vraiment pas là que le bat blesse.

Les productions.

Inspiré à mille pour cent des sons cainris, Laouni et ses beat-makers ont le bon goût de chier sur la tendance électronique et de se concentrer sur du pur rap. Toute la première partie du double album est lourde, au sens mélioratif du terme. La deuxième partie se démarque un peu moins mais reste acceptable. Ce n’est donc pas là non plus qu’il y a à redire.

Les textes.

Ok, Laouni rappe pour le fun. Ça, on a fini par le saisir au fil des interviews. Sauf que la plupart des adultes n’écoutent pas de rap français pour s’amuser. Ils veulent vibrer pendant que La Fouine vise ouvertement les adolescents avec cet album médiocre. Le mot est donc lâché. Médiocre. Parce que quand on a écouté Aller-Retour, on ne peut que constater une chose. Il y a cinq ans, Laouni n’avait pas besoin de nous la jouer à la Black Swan : « j’ai deux personnalités en moi, laquelle prendra le dessus ? » pour faire des bonnes chansons. Après de multiples écoutes et prises de notes, il y a plusieurs statistiques qui laissent pantoise la rédaction.

Dans le premier album, La Fouine cite 101 fois des marques de luxe telles Gucci, Louis Vuitton, Porsche etc. C’est à se demander s’il n’a pas un partenariat en cours. Dans la même veine, son gimmick « Fouiny Baby » revient 100 fois à lui tout seul. C’est frôler l’égocentrisme que se citer autant dans ses chansons. Ensuite, la dernière pour la forme. Sur les treize pistes, il réussit à placer 80 mots/expressions vulgaires ou choquantes. Et non, ce ne sont pas nos grand-mères qui vont être choquées comme il le dit si bien. C’est simplement que nous ne comprenons pas l’intérêt. On peut choquer sans être vulgaire, il devrait le méditer.

Nous parlions de Cerbère du rap français en évoquant Booba-Rohff-La Fouine. Force est de constater que les trois reprennent le même moule : consumérisme à outrance (j’ai de la thune, « je fais les soldes à Dubaï« , vroum dans ma grosse voiture), respect de la personne féminine tout relatif ( « Trouve-moi une parisienne que je n’ai pas fourrée », « Pute, suce moi direct je suis circoncis » etc.), amour de la vulgarité et enfin, goût de la punchline.

Ce qui est le plus décevant pour La Fouine, c’est son message. « Je sépare La Fouine et Laouni car ils sont deux entités différentes. » Donc son public qui avait apprécié ses deux premiers albums a été floué ? Car à l’époque, ils ne faisaient qu’un et faisaient des albums de plutôt bonne facture. La rédaction a plutôt l’impression que La Fouine a copié le modèle économique en vogue dans le rap français qui lui assure le succès et c’est un calcul que nous pouvons comprendre. Il serait quand même judicieux d’être plus clair dans les propos car à l’inverse de Roh2f et B2oba, Laouni n’avait habitué personne à ça. Dommage.

Conclusion.

La rédaction n’a pas adhéré du tout au nouvel opus de La Fouine. Malgré des productions dingues et un flow professionnel, les textes indigents ne peuvent pas être passés sous silence. Une grosse déception mais prévisible tout de même. Nous donnerons quand même un bon point pour la capacité qu’a cet artiste à réunir des gros noms du rap français pour les feats même si ceux-ci ne valent pas forcément le détour.

« Le hip-hop est mort, sur ma vie je le regrette / Je parle dans ton dos, hum j’aime trop la levrette » : c’est-à-dire que vous ne l’aidez pas beaucoup non plus, Laouni…

À proposStéphane Fortems

Dictateur en chef de toute cette folie. Amateur de bon et de mauvais rap. Élu meilleur rédacteur en chef de l'année 2014 selon un panel représentatif de deux personnes.

3 commentaires

  1. Je trouve extraordinaire la capacité qu’ont certains rappeurs à écrire des textes de plus en plus mauvais. Extraordinairement triste. Et puis comme c’est dit dans l’article, si on enlève de ses lyrics les noms de grandes marques, les « Fouiny Baby » (rien que de l’écrire ça me fait marrer) et les vulgarités, il ne nous reste plus grand-chose…
    En tout cas bravo à la rédaction, j’ai découvert ce site il y a quelques jours, et je vais revenir vous lire très souvent!
    Le rap français n’est pas mort, il faut juste couper sa radio.

  2. Entièrement d’accord avec toute la chronique! Mention spéciale pour la conclusion qui est juste sublime, tout est dit !

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