« Super héros du rap français, rappe dans les films d’actions« .
Booba, en 1996 sur le freestyle Les bidons veulent le guidon, à l’époque bénie de Time Bomb.
On retrouve ce freestyle classique sur l’album Ainsi soit-Ill du rappeur Ill, membre du groupe… les X-men! Ce nom provient d' » un délire autour de Malcolm X et des Marvel, en gros« , expliquera Ill en 2012 dans une interview pour l’abcdrduson. Ce même rappeur qui, précédemment sur le freestyle, explique que « sans mic [il est] comme Super-Man sans kryptonite« . Plus récemment, on a pu observer Nekfeu et ses acolytes arborant fièrement les costumes de Flash, Superman ou encore Spiderman.
Ah, les références. Et quelles références! En ce moment d’effervescence autour des super-héros, on peut repérer quelques similitudes entre les rappeurs et ces héros. Entre les clashs, comparables à de véritables batailles, la vie privée, difficilement conciliable avec la vie publique, les vices cachés et les cicatrices enfouies, les parcours des rappeurs sont semés d’embûches. Et en extrapolant un peu, il y a moyen de s’amuser. Nous avons donc décidé de lancer une nouvelle rubrique d’histoires fictives mêlant le monde des rappeurs à celui des super-héros. Et vous voici entrain de lire le premier numéro de ce que l’on espère être une longue série intitulée Atlas. En espérant que Stan Lee ne tombe jamais sur ces papiers…
#1 Into the woods
Ces bois représentaient son unique lieu de quiétude. Désormais, la seule façon d’atteindre l’ataraxie résidait dans le recueil spirituel, loin de l’effervescence médiatique et des strass et paillettes. La nuit, couleur ébène, recelait une sorte d’apaisement qui permettait à son âme vagabonde de se laisser aller aux roucoulements des oiseaux qui, ici, n’étaient jamais de mauvaise augure. La plupart du temps, il vivait dans un pays lointain dans lequel il s’était retranché, pour ne plus côtoyer les siens, dont les capacités cognitives lui paraissaient bien trop limitées par rapport à celles qu’il avait développées au cours de ses expériences et de son trajet de vie.
Il lui semblait que sa grammaire n’était plus adaptée au présent, que ses pairs ne vivaient plus dans le même espace temporel que lui. Mais comme chaque homme, il avait ses faiblesses, et le besoin de se ressourcer là où appartenaient ses véritables racines se faisait souvent ressentir. C’est la raison pour laquelle souvent, il revenait dans ces bois qui lui étaient si chers. Car ce n’était qu’en faisant les 92 pas à la clairière de la forêt qu’il avait l’impression de revivre sa vie normale, avant que ce tragique événement ne survienne.
Tout s’était déroulé par une sombre nuit d’hiver…
Jadis un éminent scientifique follement éperdu de musique, reconnu par tous dans la profession, Elie Banner n’avait cesse de vouloir améliorer le bien être des citoyens de ce monde. À ce titre, il avait recruté 44 autres professionnels pour former un groupe d’élite, dans l’unique but de créer un nouveau type de médicament, appelé la T-Pill (ou Time Pill) qui permettrait à la personne l’ingurgitant de créer une production musicale promise à rester à jamais gravée dans l’inconscient collectif, tant sa force créative et sa puissance auditive seraient abouties. C’est avec son acolyte Yassine Parker qu’il avait décidé de s’unir pour mener à bien ses recherches.
Au bout de quelques années de travail acharné et minutieux, ils réussirent à en concocter une première version, qu’ils acceptèrent de distribuer à très petites doses. Ainsi, seuls eux et quelques un de leurs proches amis (dont le colombien Sebastian Wayne, Gaëlino Rogers et quelques autres privilégiés) eurent droit à une pilule. Mais face à des désaccords internes inhérents au tandem, le binôme magique un jour explosa, menant à la disparition d’un des deux membres du duo gagnant (membre qui, depuis, fait quelques apparitions dans des recherches spéciales pour nous rappeler qu’il n’est pas décédé).
Loin de se laisser abattre par un tel événement, et assoiffé de défis, Elie décida de continuer le combat seul, toujours à la tête de sa clique de 44 scientifiques qui devait l’épauler dans sa quête. Il voulait trouver une version encore plus développée et puissante de sa fameuse pilule. Car désormais, et avec le départ d’Ali, Elie ne devait plus compter que sur lui-même, sur sa niaque, sa hargne, et sa volonté de réussir pour trouver seul la recette qui le ferait triompher dans le monde musical et scientifique. Il n’avait pas le temps pour les regrets, car beaucoup avaient foi en lui.
Mais comme le dira plus tard Bernard Frédéric, « le bonheur, ça suscite la jalousie » et il n’eut pas à attendre longtemps avant que les ennemis commencent à pointer du bout du nez. La concurrence le regardait d’un mauvais œil, ce dont il avait conscience. Elle était partout, et il sentait leur jalousie peser sur sa vie chaque fois qu’il se détendait dans son jacuzzi. Cette pression provoquait chez lui une sorte de motivation inconsciente qui stimulait ses synapses et le faisait travailler avec encore plus d’acharnement. Armé de sa verve inégalable et de son dogmatisme pur, il arriva, quelques années plus tard, à créer la surprise dans le milieu scientifique en présentant la version ultime de son antidote, qu’il décida de baptiser Dead Time.
Le microcosme spécialisé était ébahi, bouche bée, devant les prouesses de ce jeune homme qui, avec si peu d’années d’expériences, était arrivé à mettre au point une technique simple mais redoutablement efficace pour marquer de sa patte le monde musical. Une idole était née. Le monde semblait être à ses pieds. Il avait esquivé tous les pièges tendus par ses adversaires, et avait montré à l’éminence grise internationale sa domination incontestable, se forgeant un nom au Panthéon des plus grands doctorants de la planète.
Un soir de Janvier, après avoir donné une conférence auprès de ses collègues, il rentrait chez lui, épuisé par la popularité qu’avait soulevée sa découverte. C’est alors que l’impensable se produisit. Dans une des ruelles avoisinantes, il entendit les cris égosillés d’une jeune fille. Son sang ne fit qu’un tour et il courut précipitamment dans l’étroite ruelle mal éclairée, où il découvrit avec horreur et stupéfaction un énorme singe, qui s’apparentait presque plus à un bizon, certainement sorti du zoo, qui dépouillait une fille frêle et sans défense. Le singe, dont la race n’était pas identifiable à première vue, serrait entre ses mâchoires acérées un bouchon de liège, ce qui expliquait pourquoi ses grognements décérébrés étaient presque inaudibles.
Elie fit fonctionner sa cervelle à plein régime et tira très rapidement quelques conclusions de ses réflexions profondes: il ne pouvait pas affronter le singe en combat direct, car il se ferait dépecer sur place et ne réussirait à sauver ni la jeune demoiselle (qui semblait rechercher un mec mortel), ni sa peau; il ne possédait aucun super pouvoir qui pourrait lui permettre de tuer le singe. Il était dans une impasse et il décida de répondre à la menace par la manière forte: il sortit la kalash avec laquelle il se baladait constamment et tira 3 coups de semonce en l’air pour faire fuir la bête et l’envoyer en Meurthe-et-Moselle. Apeurée, ne sachant comment réagir face à cette menace exogène qui s’abattait sur lui, le primate s’enfuit à toute vitesse, non sans laisser derrière lui une odeur rance de ciroc périmé.
La jolie, reconnaissante envers son sauveur légitime, l’invita à aller boire un verre dans son appartement, situé juste au dessus, le cœur plein de gratitude. Ils burent avec modération, comme c’était écrit sur l’emballage, et la soirée se déroula au calme. Élie rejoignit son appartement vers 23h00, non sans avoir fait sa fête à la jeunette (Élie s’accordait le droit de jouir des bienfaits d’une vie de célibataire sans attache émotionnelle). Il se coucha, heureux d’avoir accompli une bonne action dans la journée.
Mais le lendemain, le réveil fut difficile. Élie ne se sentait pas dans son assiette. Il se leva et marcha sur un Lego, ce qui le mit en rogne. Puis, sur la route de la cuisine, il se tapa le genou dans la porte, ce qui fit monter sa colère. Quand il arriva sur le plan de travail pour se faire son sandwich à la dinde et au salami comme tous les matins, il se coupa avec son couteau à dent, et sa rage explosa. Se produisit alors une chose que jamais il n’avait expérimentée. Jusqu’à présent, il avait toujours fait preuve d’un sang froid exemplaire.
Mais là, il perdit le contrôle de son corps, et se mit à courir et hurler dans toute sa maison, d’une voix métallisée et fluctuante, comme si cette dernière n’était plus la sienne. Il s’égosillait en criant des mots qui n’avaient plus de sens, tels que « Vaisseau Mezer« , « 92izi dans le builiding« , « Morray« , « T’as j’veux dire ou t’as pas j’veux dire » et consorts. Il gigotait dans tous les sens. Mais le plus étrange, était qu’il avait conscience d’agir n’importe comment, comme si son esprit était désarticulée de son corps.
En ce moment, il avait l’impression d’être devenu un véritable ours, un Tallac du deuxième groupe (comme il l’avait jadis vu dans un reportage animalier), féroce, qui ne pouvait plus contrôler ses gestes, ses agissements, et par-dessus tout, sa voix. Après de trop longues minutes de folie, la fièvre s’en vint, et Élie s’écroula sur le sol, terrassé par cette épreuve accablante. Qu’avait-il bien pu se passer qui puisse le mettre dans un tel état ? Pourquoi s’était-il senti extérieur à lui-même ? Redeviendrait-il un jour le vrai Élie, celui qui impressionnait son entourage par son calme et sa sérénité, l’éminent scientifique qui, grâce à sa détermination, sa persévérance et ses recherches obstinées, avait révolutionné la sphère scientifique et musicale ?