Chroniques

[Attention, talents] La Quinte – Mixtape

Le rap, c’est parfois comme l’agroalimentaire. Les grandes compagnies produisent toujours plus et cherchent en permanence à renouveler leur gamme de produit, investir dans la recherche, l’importation, quitte à sacrifier sur la qualité du produit fini et tricher parfois avec les normes européennes. A coté d’eux et en bas de l’échelle, les petits producteurs n’hésitent pas à brader leurs produits, produire à perte et ruiner leur santé par amour pour leur terroir et leur métier. Vision un peu caricaturale et réductrice, certes, mais qui motive aussi à aller à la rencontre des acteurs du « commerce écoutable » et ne pas forcément se gaver des produits de la grande distribution.

Dans l’Est de la France, un groupe d’irréductibles tente de faire valoir ses produits. Entre Strasbourg et Belfort, La Quinte sème ses beats aux vents jazzy ou électro, orchestrés par leur beatmaker Lakass, aussi connu pour ses compos et mixs de musique trance et autre joyeusetés assistées par ordinateur. Façonnant un univers musical à la frontière des genres, autant inspiré par Imhotep qu’Heretik System, Lakass fournit le combustible aux quatre MC chargé d’allumer le flow et faire crépiter les oreilles.

Les thèmes ? On passe d’un pamphlet contre les méfaits de la télévision à un posse cut sur fond de western psychédélique, en passant par le quotidien du réveil ou les week-end imbibés de substances prohibées. Rien de révolutionnaire en soi, mais c’est aussi l’intention qui compte. Et c’est toujours avec envie que Tony Wallas, Mass, Kaluméro et Viouf pilonnent les instrus de rimes à leur image.

Un beatmaker chef d’orchestre, quatre Mcs pour quatre caractères, une vraie formation à l’ancienne, chacun avec ses défauts et ses qualités pour servir un but unique : kicker et « se fendre la gueule dans les concerts ». Un son qui ne se prend pas la tête, autant une qualité un défaut puisque le coté amateur se ressent largement; un son léger qui peut parler de choses graves, avec du caractère mais nécessitant d’être affiné encore pour s’exprimer pleinement.

Après, les flows et les textes souffrent d’une certaine irrégularité (on sent parfois de l’hésitation entre un flow accessible et une envie de kicker sec) qui pourra en rebuter certains et faire zapper des pistes à d’autres (pas de chance, c’est au format piste unique), surtout que tous les feats étant à la fin, la lassitude pourra s’installer avant le déferlement d’invités, tous originaires de la région.

Entre AD de Artcore State of Mind, MC Baal du groupe Caterva, DJ Try, qui les accompagne aussi sur scène, les moins connus Gouna et Da Doc’Taz ou encore les jeunes de l’Ecole de l’Est, la fin de la mixtape est un petit manifeste du rap de cette région choucroutée.

 

En quelques mots, La Quinte à Lakass reste une bonne mixtape, qui ravira les curieux de jeunes talents, les amateurs d’un rap à l’ancienne sans être passéiste et ceux qui râlent sur la main-mise parisienne dans la discipline. Une formation encore jeune, avec ses défauts, mais qu’il faudra guetter de près. Si vous voulez injecter un peu de fraîcheur dans vos before estivaux, n’hésitez pas à télécharger tout ça.

À proposJibé

Amateur de snares qui claquent et de kicks qui portent, j'aime les freestyles à base de kalash et de double-time.

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