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Interviews

[Interview] Lomepal : « La solitude est un thème de prédilection. »

On avait déjà rencontré Lomepal l’année dernière. Il vient de sortir son nouvel EP Seigneur. Légèrement différent des précédents projets, le rappeur y explore le côté sombre de son univers. Il nous en a dit plus autour d’un Long Island.

Tu disais l’année dernière dans une interview que tu prenais une nouvelle direction. Est-ce le cas pour Seigneur ?
Je trouve que dans La Perle je ne prenais pas trop de risques. Je me doutais que mon public allait suivre parce que c’était dans la même direction. En réalité, Meyso est presque un des meilleurs dans ce style donc je savais que je ne pouvais que renforcer la base fan que j’avais, qui aimait ce style. D’une, je n’avais pas envie de refaire le même projet. C’est normal. Et de deux, en toute honnêteté, je m’intéresse à d’autres courants musicaux et à d’autres styles dans le rap. Ça me plait et j’ai envie de faire ce qu’il me plait. Donc, c’est sûr que ce que je vais sortir change beaucoup de ce que je faisais avant. Il y a encore des trucs qui restent dans la même vague, c’est sûr car ça reste moi. Mais j’avais envie de me faire plaisir. C’est ce que je sentais. Je ne vois pas l’intérêt de me forcer à faire ce que les gens attendent. Je vais continuer comme ça de toute manière. Mes projets seront toujours différents. Si il y en a qui plaisent plus que d’autres, c’est normal, c’est la vie.

Tu n’as pas peur de troubler ton auditoire ?
Je pense que chaque projet a son public. Ce qui est plus délicat avec celui-là, c’est qu’il risque de ne pas faire l’unanimité. Il va devoir se battre pour conquérir de nouveaux auditeurs. Ce n’est pas dans le sens où j’ai envie de délaisser mon public mais je comprendrais qu’il ne soit pas tous attachés à ce projet qui est quand même très sombre et assez agressif. J’espère juste que les gens qui apprécient ce style-là vont me découvrir. Ils existent beaucoup de gens qui n’aimaient pas ce que je faisais avant ou qui y était un peu indifférents. C’était un peu mou, un peu trop linéaire et ça ne parle pas à tout le monde. Avec ce qui me plait maintenant, j’espère faire changer d’avis ces gens-là. Leur montrer que je sais aussi faire ça mais sans délaisser les autres.  J’ai envie qu’ils comprennent que c’est toujours moi, que je fais ce que je veux. Et surtout, ça ne reste que des EP. Quand tu commences à faire un album, il faut que tu ailles vers quelque chose d’éclectique. Mais vu que ce sont des EP, ce sont des petites histoires donc on fait un peu ce qu’on veut. C’est bien de se mettre dans un trip à fond.

Quel est le virage de cet EP justement ?
Sur la moitié des prods, le BPM est plus lent. Sur La Perle, ça tournait autour de 90. C’était vraiment ce qu’on appelle vulgairement du boom-bap. La moitié des prods est descendu à 70 BPM. Au niveau de l’écriture, on est dans ce qu’Alpha appelle du double time. C’est à dire que tu te retrouves dans un BPM tellement lent que tu peux soit le doubler, soit t’adapter. Pour être plus clair, soit tu suis les temps donc tu ralentis complètement ton flow, soit là où tu aurais placé une syllabe, tu en places deux. Je fais un peu les deux. Comme sur le morceau La Chute Libre, je joue avec les deux vitesses.

Dans l’interview que tu nous avais accordé, tu parlais de trois forces : le sens, la technique et le style. Tu es toujours d’accord ?
C’est marrant, je ne me souviens plus de ça. Oui c’est toujours d’actualité. Techniquement, j’estime être resté à peu près à mon niveau, même si c’est vrai que parfois j’ai l’impression d’avoir suffisamment acquis de technique pour pouvoir m’en servir quand j’en ai envie. Je suis moins menotté. Si jamais je dois faire des concessions, je les fais mais c’est toujours un plaisir de bien rimer. En termes d’écriture, ce que je raconte est plus thématique, même si ce n’est pas vraiment le mot. J’essaie de vraiment raconter des choses. La grosse différence entre ces deux projets, c’est que sur le dernier, je pouvais freestyler les textes, et là je ne peux pas. Ça n’aurait aucun sens. Là, les textes sont indissociables de leur instru. C’est une grosse différence.

Donc tu l’as composé différemment ?
Oui, j’ai vraiment écrit sur les instrus. Alors que ce n’était pas forcément le cas avec Meyso. J’ai voulu qu’il y ait une bonne cohérence. J’ai essayé de ne faire que des morceaux. Il n’y a vraiment aucun freestyle, sauf dans le bonus que j’ai rajouté sur Itunes où j’ai essayé de faire un patchwork de rimes. Donc, dans l’écriture et la technique je dirais que c’est la même intensité. Après dans le style, je ne peux pas me juger moi-même. C’est subjectif.

Comment ça subjectif ? Tu as ton style.
Oui j’ai mon style mais la façon de le percevoir est subjective. Pour certaines personnes, je vais avoir du style et d’autres ne vont pas comprendre. Je dirais que ces trois forces, on les retrouve à la même intensité, mais dans des mondes différents. Ce projet aura des avis plus tranchés. Il y a des morceaux qui vont plaire ou être détester. Il va moins laisser indifférent. J’attends de voir, je ne suis plus très objectif sur ce projet.

Interviews Rappeurs

[Interview] Alpha Wann – « Ma carrière solo est en parallèle de 1995. Je slalome. »

Alpha Wann, ce nom est devenu incontournable dans le rap français. Membre du groupe 1995 et du collectif l’Entourage, ce jeune homme de 24 ans trouve encore le temps, entre les tournées et ses diverses formations, de lancer son propre EP, Alph Lauren. Très attendu au tournant en solo, le rappeur à la rime aisée n’a pas déçu. Le Rap en France l’a rencontré. Sa timidité est frappante, mais sitôt que l’on parle de rap, sa langue se délie et il montre toute sa culture et sa fascination pour le hip-hop. Discussion autour d’un coca.

Es-tu content de la sortie de l’EP Alph Lauren et de l’accueil qu’il a reçu ?
Oui, je suis plutôt content. Les gens ont l’air d’apprécier donc je ne peux pas dire que je ne suis pas satisfait. Après, la sortie ne s’est pas passée sans encombre. Il y a eu des galères de distribution, des Fnac n’ont pas pu proposer le CD la première semaine. Une galère totale, les limites de l’indépendance.

Justement, tu as signé chez Believe. Tu peux nous en dire plus ?
Avec Lo, on a monté une structure, un label, qui s’appelle Don Dada Recording et on a sorti ce projet avec Believe. C’est juste un deal de distribution. Je leur ai apporté un produit fini à distribuer.

Comment as-tu travaillé sur l’EP ?
Je l’ai travaillé de manière différente, dans le sens où les deux feat sont assez vieux. Il y en a un qui date de 2011, c’est un des premiers morceaux que j’ai fait, celui avec Monsieur Nov et celui avec Infinit, je l’ai fait en 2012. Je suis parti à Nice pour l’enregistrer avec lui. Et le morceau avec Nov, je l’avais enregistré il y a très longtemps à l’époque où je bossais avec Kyo Itachi, on avait sorti un maxi vinyle, Mon Job, et j’avais gardé ce beat. Pour les autres morceaux, j’écris tout le temps. J’ai toujours des écrits. Je crois qu’il n’y a qu’un seul que j’ai fait d’une traite, L’Histoire d’un type bien, en une soirée et un matin. Et Bustour, je l’ai écrite dans le tour bus avec 1995.

Il est sorti en vinyle ?
Pas encore. On est en train de travailler la pochette avec Lo.

 Tu écris tout le temps, tu grattes sur des prods ou tu écris d’abord et tu vois après ?
J’écoute un son, un mec va dire quelque chose, ou je crois avoir entendu un truc, et après ça me donne une idée. J’écoute un son, ça m’inspire et après je coupe le son. Je peux aussi écouter un album entier et me dire à la deuxième ou troisième piste que j’ai envie d’écrire. J’écris surtout pour garder la forme. C’est spécial. Si tu as envie d’avoir toujours des écrits de haut niveau, il faut que tu n’arrêtes pas de les travailler. Ça demande du travail. Tu ne peux pas faire de l’avion pendant six mois et retourner en studio et être un champion.

Tu peaufines tous tes textes, tu les retravailles ?
Dans tout ce que j’écris, je dois en jeter 70 %. Pas parce que c’est nul, mais parce que parfois ça peut tourner en rond. Mais je le fais, je les écris parce que si ça se trouve, un jour j’aurais un truc qui va rimer avec ça. Ça peut permettre de trouver un nouveau truc donc je les peaufine tout le temps. J’enlève des choses. Dans un morceau, s’il y a quatre mesures en plus, je les enlève parce que je ne les trouve pas terrible. Il faut d’abord que je trouve ce que je vais dire, soit que je parte d’une idée ou d’une inspiration. Premier jet et j’y vais. Mais je laisse toujours murir trois-quatre jours. Pour mes morceaux à moi.

Tes structures de rimes sont particulières. Tu joues dessus ?
Avant, dans L’Entourage, quand on était plus jeune, on voulait tous être le plus technique. A force de faire ça, ça n’avait plus de sens, ça n’avait ni queue ni tête. On a voulu revenir à un truc plus sobre. Une fois qu’on fait ça, c’est là que l’on peut développer du style et de la technique. Je ne voulais pas que ça rime comme les autres, que ça tombe comme les autres. C’est devenu naturel. Ça vient tout seul ce découpage de mots. Je ne veux pas que ça tombe comme les gens s’attendent. Il y en a trop où je sais comment ça va tomber ou quelle va être la rime et ça me dérange. Pas avec tout le monde. Il y a une certaine façon de le faire. Il y a des gens qui prétendent un truc mais en fait ça n’a pas de sens. Alors que ceux qui ne prétendent rien et qui le font, ça le fait parce que c’est naturel. C’est brut chez eux.

Tu choisis tes instru en fonction de ton flow et de la manière dont tu vas poser dessus ou on pourrait t’entendre sur un style totalement différent ?
C’est totalement une question de goût, si j’aime ou pas. Souvent, les trucs que j’ai utilisés, je l’ai su dès le début. Il y a des trucs que j’écoute plein de fois, que je sélectionne et que finalement je trouve nuls. Je me demande juste si j’aime.

Tu enregistres où ?
On a un studio avec 1995 donc ça me permet de le faire.

Qui sont tes producteurs préférés ?
Comme je sais ce que je veux faire, et que je travaille avec des gens qui savent ce que je veux faire, tout se passe bien. Mais il y en d’autres que j’aime beaucoup comme IKAZ, Lubenski. Mais pour moi, c’est plus VM The Don, qui a produit quatre sons sur l’EP et Lo. Sinon, il y a 1up World, Kyo Itachi aussi. Je suis encore à la recherche de ce que je veux faire. Il faut que je trouve une ambiance, une marque. Un grand rappeur, à un moment, ça doit aller avec un genre. Snoop, quand c’est arrivé, ça allait dans un style. Il faut que je trouve cette sonorité particulière encore. Il ne faut pas non plus que ce soit trop original sinon c’est nul.

Interviews Rappeurs

[Interview] Espiiem : « Je suis en train de me bâtir, de me construire. »

Espiiem, un nom bien connu dans le rap game. Salué pour son talent, son éloquence évidente et son savoir encyclopédique, il apparaît dans la plupart des coups de cœurs de passionnés. Son mini-album Haute Voltige est sorti en début de mois et a confirmé combien il fallait désormais compter sur Le Noble. Doux, posé et réfléchi, l’homme est à l’image de son flow. Pendant l’interview, on découvre un artiste sincère, en phase avec sa musique et avec qui il fait bon discuter. Espiiem, un nom qui gagne à être connu en dehors du rap game.

D’où viens-tu Espiiem ?
Mon parcours est un peu sinueux parce que je suis issu de la formation Cas de Conscience qui est une formation très rap, des grosses sonorités New Yorkaises, assez sombres. Puis, j’ai basculé vers un autre groupe, qui est The Hop, qui est à mi-chemin entre Soul, Jazz, avec beaucoup de musiciens et une chanteuse. Et en solo, je fais un peu le lien entre ces deux influences très différentes. J’arrive à me frayer un chemin un peu étrange entre toutes ses sonorités-là pour faire ce que je fais maintenant avec Haute Voltige. Je ne sais pas encore vraiment que sera la suite. Mais en tout cas j’espère que ce sera lié à davantage de compositions, faire appel à pas mal de musiciens et essayer de développer toujours un son assez différent, qui me plait.

Qu’est ce que tu tires de chaque étape ?
On était quatre dans Cas de Conscience. C’était pour nous le moyen de progresser, c’est vraiment ce qui m’a formé. On écrivait tous, puis on se voyait pour faire le bilan, se jauger les uns. Ça m’a donné une véritable assise en tant que MC. Avec The Hop, j’étais MC dans un groupe de musiciens, ça m’a donné une approche plus musicale pour aborder un morceau dans sa globalité. Ça m’a apporté un savoir-faire sur les structures de sons. Je sais maintenant choisir les instruments par rapport aux morceaux. Maintenant en solo, je prends du plaisir. Grace à mon parcours, j’ai l’assurance de savoir ce que je fais.

Comment les connexions se font avec tout ton entourage ? Dans The Hop il y a Kema et Sabrina. Sabrina travaille avec Jimmy Whoo qui a le studio Grandeville.
En fait, avec Jimmy Whoo, on était en classe ensemble au lycée, donc on se connaît depuis très longtemps. Sabrina, ça s’est fait via The Hop. Les connexions se sont faites très naturellement parce qu’on trouvait qu’il y avait un talent mutuel. Avec Sabrina, ils ont bien accroché donc ils ont fait des morceaux ensemble. Tout s’est fait vraiment naturellement et on se connaît tous un petit peu. On fait chacun nos projets avec les avis des autres donc les connexions se font au feeling parce que l’un connaît un beatmaker, un studio, un autre artiste et puis ça fait d’autres liens et ça ne fait que croître.

Et The Hop, c’est fini aujourd’hui ?
The Hop, ce n’est pas fini pour l’instant, on va dire que c’est en phase de stand by. On est très nombreux, donc au niveau de l’organisation, c’est à chaque fois compliqué de mettre un morceau en place. L’un travaille, l’autre est en vacances… Chacun se dirige sur ses propres projets. Il y a Loubenski, qui était le bassiste et qui fait ses propres projets avec Sabrina. Il y a Benjamin, le batteur, et Kema, l’autre rappeur qui font leur truc, donc on part plus sur nos projets solos. Mais, j’espère, en tout cas, pouvoir revenir sur cette formation pour quelques morceaux. Ils prendraient plaisir à le faire aussi. On reste très en contact. On suit ce que fait chacun de très près, mais pour l’instant, il n’y a pas de morceaux estampillés The Hop à venir.

Les rappeurs travaillant avec des musiciens sont assez rares dans le milieu, comment tu y es venu ?
En France, ça n’a pas été fait énormément parce que les gens associent peut-être les instruments à quelque chose de trop léger, de manière presque péjorative. Ils auraient peut-être le sentiment, à tort, de perdre ce côté rue, ce grain. Alors qu’au contraire, ça permet d’ouvrir encore plus ta musique, d’aller encore plus loin. C’est pour ça que ce n’est pas fait suffisamment. Et puis, on est arrivé maintenant à une génération, où même les musiciens, qui sont dans The Hop par exemple, ont écouté beaucoup de rap et ça leur fait plaisir d’apporter leur touche sur cette musique. Peut-être qu’il y a 20 ans, les musiciens n’écoutaient pas de rap donc le brassage se faisait moins facilement. C’est aussi pour ça que j’espère qu’on va en voir davantage.

On sent qu’il y a toujours une alchimie entre ton texte et la production. C’est voulu ?
Je suis content que tu mettes ce point là en évidence parce qu’avant j’écrivais sur des instrus, parfois même sur les morceaux d’autres artistes. Maintenant, j’écris uniquement sur mes instrus pour vraiment être dans l’esprit. Donc je suis content que tu puisses ressentir cette symbiose. Comment je fais ? Ça se fait naturellement. Dans le processus créatif, avant ce n’était pas le cas. Je faisais un peu à droite, à gauche. Maintenant, j’ai besoin d’avoir l’instru pour pouvoir partir. Même en ayant des instrus originales, ça te permet de pouvoir être original, d’essayer de t’adapter au niveau de la prod. Donc je pars de l’instru pour pouvoir y apporter ma propre touche et être réellement en adéquation avec elle.

Tu n’écris jamais avant d’avoir une prod’ ?
Avant c’était le cas. Maintenant ça peut arriver, à des rares occasions. Tu peux être dehors, avoir une phrase qui te vient, puis une seconde, donc tu commences avant. Mais des morceaux entiers, maintenant non. J’essaie de pousser mon innovation de la musique plus loin et d’être en phase directe avec mon instru.

C’est une vraie démarche artistique. Tu te considères comme un artiste ?
Ah … Bonne question. Pour moi, être un artiste ce n’est pas uniquement le fait de produire de l’art. Ce n’est pas parce que, à mon sens, tu vas faire un morceau ou un CD que tu es un artiste. Sinon, tu peux dire que n’importe qui est un artiste. Mais pour moi, artiste dans le sens noble du terme, c’est presque quelque chose qui s’acquiert. Il faut y réfléchir mais le fait qu’il y ait une osmose parfaite entre ta vie, ce que tu es et l’art que tu proposes, je pense que c’est quelque chose qui s’acquiert au fil du temps. Je pense qu’on devient artiste et on le cherche. Ce n’est pas uniquement le fait d’en produire qui te rend artiste.

Interviews Rappeurs

[Interview] 2-zer : « Quand tu es tout seul, tu vas plus vite mais en équipe tu vas plus loin. »

2Zer Washington fait partie de cette nouvelle génération de rappeurs qui en veut. Membre de L’Entourage et du S-Crew, dont l’album Seine Zoo (sortie le 30 septembre) est très attendu, il se différencie par un flow souriant et une écriture dans laquelle il se raconte. Franc, sympathique et sincère, il a répondu aux questions du Rap en France. 2Zer : un sacré numéro.

D’où viens-tu et comment as-tu eu le déclic rap ?
J’ai grandi dans le 20e arrondissement, près de Ménilmontant, dans un quartier qu’on appelle la banane. Depuis que je suis petit, on a toujours écouté du rap. Le premier CD de rap que j’ai écouté, c’était Coolio Gangsta’s Paradise. J’étais tout petit et ça m’a vite passionné. J’ai vu que l’école n’était pas pour moi donc je me suis dit que j’allais faire ça. C’est un truc qui m’inspire, qui me donne envie. C’est une manière de s’exprimer, sans forcément se livrer à une personne en particulier. Même s’il y a beaucoup de gens qui écoutent, au final tu es moins timide de rapper ton texte que de parler directement à une personne de ce qui te touche, de ce qui arrive. À l’âge de 11 ans, avec mes potes pour rigoler en cours, on prenait des paroles de rappeurs, on les modifiait un peu. De fil en aiguille, j’ai commencé à écrire mes textes.

Pourquoi 2Zer Washington ?
C’est une longue et bonne histoire. Ça a été du feeling. Je me suis habitué à mon blaze. Comme les lycées sont dans tout Paris et pas seulement dans ton quartier, tu te fais plein de connaissances de personnes d’autres quartiers. On me demandait d’où je venais et je répondais toujours du 2 zéro. À la fin, on a enlevé le o et les gens m’appelait comme ça : 2zer. Washington, c’était pour rire sur Denzel Washington. Je l’ai marqué sur Facebook et c’est resté.

Tu ne regrettes pas ?
Non, maintenant c’est mon blaze et je n’ai pas envie de le changer. Ça me convient. Je n’ai pas de problème avec ça.

Et ton gimmick « Tu connais pas 2Zer » vient d’où ?
Il y a 5-6 ans avec mes potes, on a fait une vidéo pour rire. On allait voir les gens dans la rue, on les filmait et on leur demandait de dire « Tu connais pas 2Zer ? ». J’ai mis la vidéo sur Internet. Les gens ont vu la vidéo et ils me disaient toujours « Tu connais pas 2zer ? ». Et c’est resté.

Tu peux nous raconter un peu ton parcours avant le S-Crew avec Lyricalchimie ?
À la base, j’ai rencontré Lyricalchimie via Bloopa Looza. À l’époque je trainais avec lui, un mec du quartier nous avait présentés. Ce sont des connexions improbables. On s’est connu dans la rue. Il a vu que je rappais dans mon coin, il m’a dit « Je vais te présenter des potes à moi Lyricalchimie, ils sont dans le délire rap à fond ». Vers mes 16 piges, je ne connaissais pas trop les opens mics, je n’étais pas encore dans ce délire. J’étais rappeur dans mon coin, je faisais mes trucs avec les rappeurs que je connaissais. Il n’y a qu’eux qui m’écoutaient. De connexion en connexion, j’ai rencontré Cas de Conscience, L’Entourage. On s’est rencontré dans les opens mics. Au début j’ai eu un bon feeling avec Poochkeen et Lyricalchimie. Au final, on s’est dit « Pourquoi ne pas faire un projet commun ? » Bloopa Looza avait un peu arrêté d’écrire à cette époque là. Il a participé sans en faire partie intégrante. En parallèle, on a aussi créée Tribus de L’Est avec B. Looza. On s’est dit qu’on pouvait faire un groupe à deux. C’est vraiment plus Lyricalchimie qui s’est concrétisé.

Votre projet a eu un succès d’estime non ?
Oui, il a eu un petit succès dans le milieu underground. Les gens ont bien aimé. Il y avait des personnes que je ne connaissais pas qui m’arrêtait dans la rue pour me dire que c’était bien. C’était fou. C’est là qu’on a vu l’impact de partage de L’Entourage. Quand quelqu’un sortait un projet, tout le monde le partageait.

Vous vous êtes séparés ?
Après le projet, Poochkeen avait ses bails à faire, un solo, Ouhhz aussi. Moi je me suis retrouvé solo, j’ai continué le rap. Je me suis mis à côtoyer les mecs de L’Entourage. Depuis le début, je  trainais pas mal avec les mecs du S-Crew. C’était un lien d’amitié fort, avant le rap. On s’est connu par rapport à ça, on a vu que l’on avait la même passion, la même culture, les mêmes goûts. Ils m’ont d’abord invité sur leur projet Même Signature. J’étais beaucoup avec eux donc j’ai fait beaucoup de sons. Au final, on a vu que ça marchait bien 2Zer S-Crew, on était devenu comme des frères avec le temps. On a vu que ça devenait vraiment sérieux donc ils m’ont dit que si je voulais rejoindre l’équipe, j’étais le bienvenu. S-Crew c’est vraiment une équipe de frères avant d’être une équipe de son.

Tu as développé ton propre timbre et flow et c’est ce qui fait que l’on te reconnaît au premier mot. Est-ce que tu as travaillé en ce sens ?
Ça a été long de trouver mon propre style. Au départ, tu n’as pas vraiment de style, tu fais un peu de tout, tu essaies. C’est vraiment de l’expérimentation. On va dire que quand j’ai eu 17 ans et que j’ai commencé à me mesurer aux autres dans les open-mics, j’ai beaucoup appris. J’ai vu plein de gens qui avait plein de style. Je me suis dit « il faut que j’ai mon truc et que je développe ça ». Ce que j’ai fait de mon côté. Après c’est au feeling, c’est juste moi. Quand je parle ou quand je rappe, c’est à peu près la même chose. Je parle vite donc je rappe vite.

Comment tu le décrirais ?
Comme je t’ai dit, c’est beaucoup au feeling. C’est vraiment ce qu’il va se passer dans ma vie. J’ai vraiment besoin de ça pour écrire. J’ai besoin d’être inspiré par ce qu’il se passe tous les jours. C’est à dire que je ne vais pas me mettre à écrire parce que je dois écrire. C’est vraiment une instru, un truc que j’ai vécu qui va me donner l’inspiration.

Interviews Rappeurs

[Interview] Walter : « J’essaie de rebondir sur des rimes que l’auditeur n’attend pas. »

Walter est un rappeur étonnant qui joue des mots et semble très préoccupé par les structures de rimes. La musique, la culture, l’énergie qu’il crée, Le rap en France est allé à sa rencontre pour essayer de connaître un peu mieux ce MC du 77, ses envies, ses projets ou encore son histoire avec le rap. Entretien. 

Qui est Walter et d’où vient-il ?
Je viens d’un collectif du 77 qui s’appelle le Val Mobb. C’est un jeu de mots avec un regroupement de villes nouvelles qui s’appelle le Val Maubuée. C’est un secteur où il y a beaucoup de choses qui se font dans le rap et dans l’électro. C’est ma première famille de sons.

On a pu te voir dans différents groupes, tu peux nous éclaircir ça ?
Le premier groupe que j’ai monté, c’était Artisans du Mic (avec Moax, Lemdi & Smoof).  Et aujourd’hui il existe une formation entre des rappeurs du Val Mobb et qui s’appelle Nouveaux Mutants (Daiz Diggi, Moax, Lemdi, Nitro et Moi). Je fais partie de plusieurs familles de rap. La première c’est le Val Mobb.

La deuxième, c’est Ol’ Kameez ?
Voilà. Il y a deux ans et demi, j’ai commencé à rencontrer plus des gens de ma génération, avec qui je me suis bien entendu au niveau de la vision du rap, ce que les mecs faisaient et aussi au niveau des influences. Dans tout ça, on a créé un groupe, Ol’Kameez avec Skyle. Je l’ai rencontré, on a fondé le groupe et on a fait un  premier projet en janvier 2012, produit par Dooze et par Goomar. Ce sont des beatmakers avec qui je travaille beaucoup. J’aime beaucoup leur univers.

On t’a effectivement vu avec beaucoup de rappeurs de la nouvelle génération.
Parmi toutes les connexions qui se font, j’ai rencontré Lomepal, avec qui on a fait la compile 22h-6h. Là, pareil, ça a été l’occasion de se rapprocher de pas mal de rappeurs de Paris que je ne connaissais pas avant : Bhati, Mothas, Black Sam (BPM), Naïad, Georgio puis aussi des connexions avec la Belgique avec des gars comme Patee Gee & Caballero. Plein de choses se sont formées. Aujourd’hui je travaille aussi avec le Bohemian Club (avec mes gars Orus, Zoonard et Goomar). Il y a beaucoup de noms, mais c’est à peu près tous les collectifs ou les crews dans lesquels je gravite.

Tu as déjà sorti plusieurs projets.
Oui, il y a eu Petits Meurtres entre Amis en mai 2011, que je considère comme une compile. J’avais envie de rassembler un paquet de gens avec qui j’ai évolué pendant longtemps. Donc les gars du Val Mobb, Skyle, Nek, Alpha, Nino Ice etc. Après, il y a eu Ol’Kameez Volume 1, avec Skyle donc. En juin 2012, j’ai sorti 22h-6h avec Lomepal et enfin l’album du Val Mobb en juillet dernier. Ça, ce sont les projets sortis. Sinon, il y a plein de trucs qui arrivent. Le Ol’Kameez Volume 1.5 courant octobre et le Vol.2 début 2014. On ne s’arrête pas.

Ce n’est pas trop dur de combiner ton « vrai travail » et la musique ? Est-ce que tu comptes te consacrer au rap ?
Franchement, c’est à l’étude encore. Je n’ai pas vraiment de réponse, parce que pendant longtemps, ce que je pensais, c’était réussir à faire de la musique par passion. Pas comme un hobby, mais vraiment un truc qui m’accompagne, dans lequel je m’accomplis. Parce que j’aime faire de la scène, des morceaux, des radios. J’aime me retrouver avec des potes avec qui on fait du son. J’aime aussi faire des soirées avec des potes où on ne fait pas vraiment du son, mais on reste dans cet univers, on décortique la musique. Plus je m’implique et plus je m’éloigne d’autres aspirations. Et en même temps, je ne perds jamais de vue qu’il faut réussir à être polyvalent et avoir d’autres inspirations. Ne pas forcément se cantonner au rap.

Comment s’est fait Petits Meurtres Entre Amis ? Tu fonctionnes beaucoup avec des featurings. Quelle était l’intention de création ?
Petits Meurtres, je l’ai sorti parce que je commençais à avoir un gros panel de morceaux. Il y en avait avec des potes du Val Mobb puis j’ai commencé à faire des freestyles avec des gens de ma génération. J’ai bien aimé toute cette alchimie. Je n’avais pratiquement rien fait, j’avais envie de sortir des projets. Je voyais que ça devenait assez possible. Il y a ceux que je connaissais depuis longtemps et ceux que j’ai rencontrés à des concerts, des freestyles. On s’est invité à des sessions studios, on a fait des morceaux, on a pas mal creusé. J’ai vu que j’avais une quinzaine de morceaux. Je me suis dit : « Vas-y, je vais sortir une compile, ça va me motiver à faire des projets par la suite ». Je suis assez content aussi des instrus. Il y a quelques-unes à moi mais j’ai arrêté maintenant. Sinon, il y a DJ Lumi, Dooze et Nino Ice pour la majorité des productions.

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Portrait : Faya Braz, « il fallait être fou pour faire du beatbox. »

Près de trois heures. C’est le temps passé avec Faya Braz, champion du monde de beatbox par équipe avec son groupe Under Kontrol. Pendant ce café à rallonge, il a eu le temps d’aborder l’histoire de la discipline et de sa place dans le hip hop, son influence, son rôle, et plus généralement sa passion d’utiliser la bouche comme instrument de musique. Il est de ses rencontres qui cultivent et ouvrent l’esprit. Connaît-on vraiment le beatbox ? Portrait d’un art à travers le prisme de Faya Braz. (suite…)