Chroniques

Booba, Jack, Kaaris, Kalash, Pasqua

booba-futur

Ce n’est pas un scoop, Booba ne livre plus les albums qu’il a un temps été capable de livrer. Si la période post-2006 est celle d’une domination sans pareille sur l’ensemble du rap jeu, elle est aussi celle de la baisse qualitative de ses projets et de choix artistiques douteux. Si bien qu’il faut souvent chercher du côté de la série Autopsie pour retrouver chez B20 la verve de ses débuts. Un comble, alors que son troisième solo Ouest Side est encore à ce jour la plus belle représentation d’un rap français mainstream à la violence esthétiquement superbe et à la gracieuse vulgarité totalement décomplexée.

En revanche, s’il ne tient plus la distance passée la douzaine de titres, il faut toujours compter sur l’ourson bodybuildé pour déployer à l’occasion, le temps d’un morceau, une puissance verbale digne de ses plus belles apparitions. Car le matérialisme tant décrié et toujours plus ostentatoire qui découle de ses clips par Chris Macari n’y change rien : Booba même bourré de deniers reste un monstre d’écriture capable de fulgurances formidables. Et Kalash en est l’exemple le plus probant qu’il nous a été donné d’entendre depuis un bon moment. A vrai dire, c’est même un gigantesque doigt – de pied – à tous ceux qui trouvaient Caramel mou.

Impressionnant de constater à quel point le dernier single en date de Futur représente toutes les facettes de son auteur et même au delà. Kalash est Booba dans tout ce qu’il a de plus excessif. Et le clip alcoolisé à l’imagerie militaire qui flirte allègrement avec le porno n’est rien face à la gigantesque fresque d’obscénité dépeinte dans les paroles. Les occurrences des mots chatte, mère et grand-mère, d’ailleurs jamais très éloignées, n’ont jamais été aussi nombreuses au sein d’un seul morceau. Si bien qu’on ne les compte même plus et qu’elles finissent par passer comme une loi Pasqua : violemment mais sûrement. Oublié le flow à la guimauve, Kalash signe le retour d’une métrique implacable, d’une intonation puissamment orchestrée. D’où des références, même les plus pauvrement écrites comme ce J’suis Marlo Stanfield, ta mère la hyène, t’es McNulty, qui semblent sortir d’ailleurs. Quant au J’ai des gros bras la chatte à Popeye, comment commenter un truc pareil ?

Au-delà de B2O lui-même, il y a deux choses franchement impressionnantes dans Kalash. La première, c’est le refrain. A l’image du morceau dans son ensemble, c’est une mine de gimmicks conçus pour durer. Caramel faisait déjà fort de ce point de vue là, ce n’était qu’un en-cas. Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux pour constater que le Qu’est-ce j’vais faire de tout cet oseille ? à déjà sensiblement marqué les esprits. Moi et mes kheys on part sur la Lune, amuse-toi bien en Meurthe-et-Moselle est une autre phrase qui concentre en elle seule toute l’arrogance du rappeur, et ce non sans la sale pointe d’ironie habituelle. La seconde chose impressionnante, c’est Kaaris. Kaaris, sur Kalash, est un petit miracle. Personne n’avait jamais tenu tête à B20 dans son propre registre comme il le fait ici. Son couplet, le tranchant d’une hache dans un crâne. Il retourne les esprits pour théoriser ses biceps taille mollet, retourne une fille pour la pratique, ré-invente le code de la route et prostitue ta grand-mère. Gratuit, y’a pas de quoi.

Violence verbale à son apogée, que les salopes n’osent pas approcher et que ça reste ça-comme. Ces paroles tirées de Première Catégorie siéent à la perfection à un titre du calibre de Kalash, véritable orgie autant sauvage que maitrisée, que les excès ne rendent que plus jouissive. A ceux qui le disent rouillé, Booba prouve qu’il est encore capable d’aligner sa cible, il lui faut juste un peu plus de balles. Et dommage pour elle, il n’a pas l’air d’en manquer pour l’instant.


 

2 commentaires

  1. Pas vraiment d’accord , c’est bourré de gimmicks mais ça ne dit plus grand chose, au point que l’on en arrive à écrire : « J’ai des gros bras la chatte à Popeye, comment commenter un truc pareil ? ».
    Par ailleurs Kaaris est loin d’être le premier à tenir tête à B2O, le couplet de Sir Doum’s dans R.A.P. est curieusement au-dessus de celui de B2O en 2 fois moins de mots : concision et efficacité de l’intervention…

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.