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Chroniques Grands classiques

[Grands Classiques] L’ombre Sur La Mesure – La Rumeur

Comment briller dans la noirceur ? Avril 2002. La Rumeur accouche d’un premier album sous les lueurs tamisées des nuits parisiennes. L’ombre sur la mesure ou l’antithèse du romantisme vers lequel a plongé, en ce début de siècle, une partie de la scène hip hop hexagonale.

« L’obscurité la plus dense n’est jamais loin de la lumière la plus vive… »

La pochette de l’album annonce déjà la couleur : une dominance de noir et de gris rappelant le décor d’une vieille carte postale, quatre visages d’enterrement, et, au verso, 19 titres gravés en lettres de noblesse, immortalisant visuellement  une œuvre musicale dense, sombre et brillante à la fois.

De la plus belle des manières, La Rumeur ne raconte pas de belles choses ! Le ton est grave, le verbe violent et habillé par les visions intimes et pessimistes d’Ekoué, Hamé, Philippe et Mourad. Ambiance de film noir, productions brutes et mélancoliques de Soul G et Kool M servent le décor. La « métamorphose des cloportes » s’opère avec aigreur et amertume dans l’univers sans réelle saveur d’une ville dortoir où coexistent « ces silhouettes grises dont les rêves gisent sur le pavé couvert de pisse ». La Rumeur « choisit ses mots comme on commet un homicide », les yeux ouverts à l’embouchure des quartiers périphériques de la banlieue parisienne.

« Ils ont enchaîné nos pères, pour qu’ils les regardent violer nos mères… et merde si aujourd’hui on en subit encore les séquelles ! »

Brûlot dramatique sortit d’un cauchemar, L’Ombre sur la mesure élève l’art d’un rap qui ne plie par l’échine et rend les coups, témoignant d’un réveil attendu à travers des révoltes parsemées ou endormies dans les dédales de l’Histoire. Ces « fils d’immigrés » ont décidé de laisser jaillir la lumière en s’attachant à leurs racines, pour tirer du passé les larmes que le temps a oublié de sécher. Des larmes devenues cicatrices sur ces enfants retournant les entrailles ancestrales et révélant le traumatisme de générations antérieures dont les voix résonnent encore aujourd’hui. Cicatrices entre les rires et les pleurs non retenus devant « cette connerie d’abolition et leurs 150 ans », cicatrices d’une liberté conquise en Algérie pour « que partout refleurissent des premiers matins de novembre », cicatrices de jeunesses africaines poétiquement honorées par Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme et inspirant directement Ekoué, le temps d’ « un retour au pays natal » de son père. Enfin, et peut-être en vain, les cicatrices d’une « valise dans un coin », venue avec « quelques vêtements chauds » depuis un continent attisant toujours les convoitises. Amateurs d’exotisme et de safari à l’africaine, passez vite votre chemin ! A la fin de l’acte, « si le fatalisme et l’isolement prédominent ici, la haine trouvera son écho » promettent les voix d’un album qui ouvre la « boîte de Pandore » au carrefour de l’Histoire incestueuse des relations franco-africaines.

« J’épouse cette funeste époque les yeux ouverts, et garantis sur facture mes fournitures de guerre ! »

La valise déposée dans l’ombre laisse ensuite sa place au silence. Les voix couvertes par le chant des mouettes « à 20 000 lieues de la mer », ou derrière les complaintes de Moha entre les murs du pénitencier. Récits amers d’une jeunesse, devenue fille de l’immigration, au cœur de « ces ex-quartiers vivants et populaires ». Le tour de force de cette œuvre ? Arracher les mots et enfouir la fatalité, comme Frantz Fanon appelait à enfouir le monde colonial, « au plus profond du sol». Têtes relevées, ces « intermittents de l’asphalte » ont trouvé leurs armes, pour suivre cet instinct de survie qui pousse parfois l’Homme « à réagir comme une bête ». Une attitude qui s’illustre à travers un disque sans concession. Perle noire apparue à l’entrée du nouveau millénaire, L’Ombre sur la Mesure est une création sincère, authentique, sans illusion, pouvant prétendre à la lumière éternelle promise aux bijoux qui ne se brisent pas.

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Les classiques jouent toujours un grand rôle dans l’histoire d’un genre musical ainsi que dans son exposition et sa légitimité. Ils sont les balises d’un océan sonore qui permettent de guider les marins néophytes, perdus bien souvent dans l’immensité d’une production inégale.  Pourtant, les critères d’attribution de ce label sont difficiles à déterminer et les classiques se voient parfois contestés, selon l’expérience individuelle de l’auditeur. Reste les critères objectifs que sont l’impact médiatique, la qualité de l’artistique ou encore la durabilité. Art de Rue fait partie de ces classiques, dans lesquels on trouve autant de morceaux de choix que de menus détails qui viennent gâcher un projet d’une ampleur colossale. Malgré cela, il reste un classique, ancré dans une époque révolue, qui en est presque d’ailleurs l’ultime témoin. (suite…)

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