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Interviews

[Interview] Lomepal : « La solitude est un thème de prédilection. »

On avait déjà rencontré Lomepal l’année dernière. Il vient de sortir son nouvel EP Seigneur. Légèrement différent des précédents projets, le rappeur y explore le côté sombre de son univers. Il nous en a dit plus autour d’un Long Island.

Tu disais l’année dernière dans une interview que tu prenais une nouvelle direction. Est-ce le cas pour Seigneur ?
Je trouve que dans La Perle je ne prenais pas trop de risques. Je me doutais que mon public allait suivre parce que c’était dans la même direction. En réalité, Meyso est presque un des meilleurs dans ce style donc je savais que je ne pouvais que renforcer la base fan que j’avais, qui aimait ce style. D’une, je n’avais pas envie de refaire le même projet. C’est normal. Et de deux, en toute honnêteté, je m’intéresse à d’autres courants musicaux et à d’autres styles dans le rap. Ça me plait et j’ai envie de faire ce qu’il me plait. Donc, c’est sûr que ce que je vais sortir change beaucoup de ce que je faisais avant. Il y a encore des trucs qui restent dans la même vague, c’est sûr car ça reste moi. Mais j’avais envie de me faire plaisir. C’est ce que je sentais. Je ne vois pas l’intérêt de me forcer à faire ce que les gens attendent. Je vais continuer comme ça de toute manière. Mes projets seront toujours différents. Si il y en a qui plaisent plus que d’autres, c’est normal, c’est la vie.

Tu n’as pas peur de troubler ton auditoire ?
Je pense que chaque projet a son public. Ce qui est plus délicat avec celui-là, c’est qu’il risque de ne pas faire l’unanimité. Il va devoir se battre pour conquérir de nouveaux auditeurs. Ce n’est pas dans le sens où j’ai envie de délaisser mon public mais je comprendrais qu’il ne soit pas tous attachés à ce projet qui est quand même très sombre et assez agressif. J’espère juste que les gens qui apprécient ce style-là vont me découvrir. Ils existent beaucoup de gens qui n’aimaient pas ce que je faisais avant ou qui y était un peu indifférents. C’était un peu mou, un peu trop linéaire et ça ne parle pas à tout le monde. Avec ce qui me plait maintenant, j’espère faire changer d’avis ces gens-là. Leur montrer que je sais aussi faire ça mais sans délaisser les autres.  J’ai envie qu’ils comprennent que c’est toujours moi, que je fais ce que je veux. Et surtout, ça ne reste que des EP. Quand tu commences à faire un album, il faut que tu ailles vers quelque chose d’éclectique. Mais vu que ce sont des EP, ce sont des petites histoires donc on fait un peu ce qu’on veut. C’est bien de se mettre dans un trip à fond.

Quel est le virage de cet EP justement ?
Sur la moitié des prods, le BPM est plus lent. Sur La Perle, ça tournait autour de 90. C’était vraiment ce qu’on appelle vulgairement du boom-bap. La moitié des prods est descendu à 70 BPM. Au niveau de l’écriture, on est dans ce qu’Alpha appelle du double time. C’est à dire que tu te retrouves dans un BPM tellement lent que tu peux soit le doubler, soit t’adapter. Pour être plus clair, soit tu suis les temps donc tu ralentis complètement ton flow, soit là où tu aurais placé une syllabe, tu en places deux. Je fais un peu les deux. Comme sur le morceau La Chute Libre, je joue avec les deux vitesses.

Dans l’interview que tu nous avais accordé, tu parlais de trois forces : le sens, la technique et le style. Tu es toujours d’accord ?
C’est marrant, je ne me souviens plus de ça. Oui c’est toujours d’actualité. Techniquement, j’estime être resté à peu près à mon niveau, même si c’est vrai que parfois j’ai l’impression d’avoir suffisamment acquis de technique pour pouvoir m’en servir quand j’en ai envie. Je suis moins menotté. Si jamais je dois faire des concessions, je les fais mais c’est toujours un plaisir de bien rimer. En termes d’écriture, ce que je raconte est plus thématique, même si ce n’est pas vraiment le mot. J’essaie de vraiment raconter des choses. La grosse différence entre ces deux projets, c’est que sur le dernier, je pouvais freestyler les textes, et là je ne peux pas. Ça n’aurait aucun sens. Là, les textes sont indissociables de leur instru. C’est une grosse différence.

Donc tu l’as composé différemment ?
Oui, j’ai vraiment écrit sur les instrus. Alors que ce n’était pas forcément le cas avec Meyso. J’ai voulu qu’il y ait une bonne cohérence. J’ai essayé de ne faire que des morceaux. Il n’y a vraiment aucun freestyle, sauf dans le bonus que j’ai rajouté sur Itunes où j’ai essayé de faire un patchwork de rimes. Donc, dans l’écriture et la technique je dirais que c’est la même intensité. Après dans le style, je ne peux pas me juger moi-même. C’est subjectif.

Comment ça subjectif ? Tu as ton style.
Oui j’ai mon style mais la façon de le percevoir est subjective. Pour certaines personnes, je vais avoir du style et d’autres ne vont pas comprendre. Je dirais que ces trois forces, on les retrouve à la même intensité, mais dans des mondes différents. Ce projet aura des avis plus tranchés. Il y a des morceaux qui vont plaire ou être détester. Il va moins laisser indifférent. J’attends de voir, je ne suis plus très objectif sur ce projet.

Interviews

[Interview] Fixpen Singe : « A priori, cette union est éphémère. »

A l’occasion d’une tournée inédite, les emcees Vidji, Kéroué, Lomepal , Caballero et le beatmaker Meyso reconverti en DJ pour l’occasion, ont décidé de monter ensemble sur scène  sous le nom de Fixpen Singe. Pour ceux à qui leurs noms ne disent rien, nous sommes allés à leur rencontre le 29 mars à Marseille  pour leur poser quelques questions. (Une interview plus exhaustive se trouve chez Le Bon Son) (suite…)

Interviews

[Interview] Loko & Karna : « La musique c’est mon psy, ma passion et mon métier »

Nous avions quitté Loko en Janvier 2013 à quelques jours de la sortie de son premier album Vis ma vie  qui voyait enfin l’ex-membre du Barillet mettre sa musique dans les bacs. Compte tenu des longues années nécessaires à la concrétisation de cette ambition, assimilable à un « rêve de gosse », dixit l’intéressé, nous ne pensions pas assister à l’émergence d’un nouveau projet dans un futur proche. Mais notre ingénieur du son semble s’être pris au jeu du passage en cabine et c’est en compagnie de son acolyte Karna, avec lequel Loko a pris l’habitude de collaborer, que s’est enregistré l’opus Décalages horaires dont la sortie est prévue le 7 Avril. Rencontre avec deux des trois éléments.

Lors de notre dernière entrevue tu me confiais que ton premier solo était un kiff perso et que quoi qu’il arrive il ne pourrait être rentable, qu’en est-il à l’heure du bilan ?
Loko : Financièrement ? Un suicide (rires) ! Je n’avais rien sorti pendant une décennie, j’ai voulu revenir avec un beau produit, des contenus vidéo de qualité, des concepts sympas (j’avais fait un calendrier de l’avent pour annoncer la sortie)… Tout ceci a un prix ! Humainement ? Mortel ! J’ai repris gout à la scène et cette sortie m’a fait me rendre compte que c’était indispensable à mon équilibre perso de produire des choses. Résultat, j’ai sorti le 3 éléments dans la foulée et maintenant Décalages Horaires.

Plus important, quels ont été les retours que tu as reçu de la part de ton public ?
Loko : Je pensais que j’étais aux oubliettes et que les gens qui m’avaient connu comme le producteur/rappeur de Neochrome m’avaient zappé, je m’étais trompé ! Il y a eu un effet de come back auquel je ne m’attendais pas du tout, ça m’a donné LA FORCE au sens Star Wars du terme (rires). Après, quand tu reviens, on t’attend au tournant et tu t’exposes à des : « il a changé, j’aimais mieux avant…«  et là encore j’ai eu la chance de ne pas être confronté à ce type de remarque. Je pense que depuis l’album les gens sont un peu rentrés dans mon monde, un peu de second degré et des choix de thèmes un peu farfelus, chose qu’on ne peut pas faire lorsqu’on ne fait que des apparitions et des featurings.  Donc sur une échelle de 0 à 100% je dirais que je suis content à 300000% !!!

Outre la sortie de tes albums Soif de réussite en 2007 et Petit Miracle en 2010 Karna, ton label Frenchkick s’est surtout illustré à travers les productions de Tony Danza. La structure existe-t-elle toujours ?
Karna : Concernant Frenchkick, en effet ça se résumait pour moi à Tony Danza et Ysham, qui en 2009 a produit la quasi totalité de mon album Petit miracle. Je n’étais pas officiellement signé dans ce label mais Tony Danza s’est occupé de la réalisation de l’album, il était comme un manager avec Ysham qui a fait du bon boulot pour moi. Après quelques soucis de la vie on va dire et mon départ pour les Antilles je n’ai plus trop de nouvelles de Tony Danza. Il faut dire aussi que pendant deux ans je ne voulais plus entendre parler de rap !

En parlant de Sadik Asken, certaines mauvaises langues considèrent que ta prise de distance avec Neochrome coïnciderait avec son arrivée dans le label. Cette arrivée aurait pallié un manque de disponibilité de ta part Loko, quelques pendules à remettre à l’heure à ce sujet ?
Loko: C’est un concours de circonstance alors ! Parce que moi j’aime bien Asken et je pense que c’est réciproque ! Il est arrivé à un moment où le mode de fonctionnement de notre label ne me convenait plus. Quand la passion devient business, il y a des choix à opérer et étant trop occupé en studio, certains de ces choix m’ont échappé. Asken est arrivé au studio avec une énergie de newbie et moi j’étais fatigué de certaines choses, je pense qu’il a été très utile à ce moment là, sa présence m’a soulagé un peu en terme de masse de taff en tant qu’ingé son.

Interviews Rappeurs

[Interview] Demi-Portion : « L’éducation, le respect : c’est ça la base du rap. »

Salut ! Alors, ce soir concert à Montpellier en première partie de Kaaris. Tu as refusé dans un premier temps, pourquoi ?
Je n’ai pas vraiment refusé, j’ai proposé d’autres trucs (Joke entre autres) mais ils m’ont dit qu’ils voulaient plutôt un gars du coin, local, pas trop cher, qui ramène un peu de monde.

Mais pour toi, c’était un décalage par rapport au public ?
Exactement. Puis la couleur musicale, tout simplement. Après rien n’empêche, par exemple j’ai déjà fait la première partie de rappeurs qui n’ont vraiment rien à voir avec Demi-Portion.

Quels sont les autres artistes qui ont un public proche du tien selon toi ?
Ah, ça c’est aux auditeurs de le dire. Mais déjà la place pour Demi-portion ne coûte pas vingt-cinq euros, tu vois. Après par rapport à ce soir ça reste de la musique, on s’adapte. On va essayer de se faire plaisir et de faire plaisir aux deux publics.

Sinon par rapport à internet et aux réseaux sociaux, tu es vraiment très présent sur Facebook par exemple. En quoi c’est important pour toi en tant qu’artiste ?
On ne crache pas dans la soupe. Ça fait 19 ans que j’fais du rap, depuis 1996, donc des choses j’en ai vu. J’ai vu l’évolution, au début sans internet puis après avec myspace etc.. Donc oui, pour les réseaux sociaux, on ne s’en cache pas. Un portable, un ordi : on essaie de répondre à tout le monde et de voir ce qui se trame un peu partout. Après, on fait surtout beaucoup de concert.

Oui justement, c’est la scène que tu préfères avant tout.
Voilà, c’est surtout la scène ! On a fait que deux albums mais beaucoup, beaucoup de scènes. Je fais autant de concert que Sinik ou d’autres artistes du genre. D’ailleurs la tournée reprend, jusqu’au mois de Juin.

Pour en revenir à Internet, tu es aussi un des seuls artistes à proposer autant de clips. Y a-t-il des raisons particulières à cela ?
On a toujours aimé faire de la vidéo. Après, j’ai personne à Sète, donc c’est plutôt avec des gars de Montpellier (Jean-Baptiste Durand) ou de Perpignan (Morfine). Mais voilà, on fait juste ça pour le kif. On essaye toujours de laisser une trace visuelle, sans trop compter les vues.

Concernant ton dernier album Les histoires, es-tu satisfait des retours que tu as eu ? Est-ce que tu t’attendais à une telle reconnaissance ?
Sérieusement non. Je te dirais que c’est le retour de la médaille, ça fait toujours plaisir. Après, ça donne de la force pour continuer mais ce n’est pas éternel. On essaye de laisser un maximum de traces pour que ça reste intemporel. On fait beaucoup de concerts en proposant à chaque fois des morceaux issus de tous les projets, que ce soit Artisan du bic, Petit bonhomme ou Les histoires. Du coup, le public aime peut-être ce côté simple, ce n’est pas un truc professionnel, tout cadré. Le phénomène qui s’en suit fait donc vraiment plaisir.

Dans le morceau Avec plaisir tu dis « La plus belle chose que j’ai apprise : non j’ai pas envie d’être célèbre », tu considères vraiment que la gloire et l’argent sont nuisibles à un artiste ?
C’est sûr, du moins ça peut. Moi, j’ai appris à me contenter, je n’ai pas besoin de plus et je ne vais pas me bâtir une villa grâce au rap. En tout cas, ce n’est pas ma vision de la musique. Je pense plutôt aux gens qui vont acheter le disque en se disant « ce gars-là le mérite », c’est ça qui compte. Après je fais juste de la musique. La célébrité peut t’égarer. L’argent aussi, même si on a besoin c’est sûr.

Tu le dis toi-même dans Real hip-hop « On fait du rap conscient, ça c’est une belle question ». Ça veut dire quelque chose pour toi le terme de rap « conscient » ?
C’est devenu quelque chose de nos jours. A l’époque, rapper c’était écrire, prendre un micro, trouver un sample et voilà. Maintenant, être rappeur c’est une image, il y a certaines conditions précises. Après, c’est sûr qu’on devrait être conscient, mais parfois on ne l’est pas : on rit, on est triste, on est fou. Peut-être qu’au final, on fait du rap conscient dans le sens ou on essaye juste de s’appliquer…

Consciencieux ?
Exactement, mais sans se prendre la tête.

Interviews Rappeurs

[Interview] A2H – « Je suis un vadrouilleur. »

On ne présente plus A2H mais si par malheur vous ne le connaissiez pas, l’interview de l’ABCDR est très instructive. L’éclectique rappeur du 77 a posé son timbre de voix si particulier sur un nombre de projets affolants depuis le début de sa carrière. Toujours dans les bons coups et prenant de plus en plus de galons, Le Rap en France a décidé de lui rendre une visite dans ses studios avant la sortie de son prochain album.

Es-tu satisfait de ton premier album ?
J’en suis satisfait artistiquement mais je n’ai pas eu le temps de le finir correctement parce que j’avais vraiment envie de le sortir. Il y a quelques morceaux que j’aurais souhaité plus aboutir, certains sur lesquels j’aurais aimé retravailler les refrains et quelques instrus que j’aurais peut-être rejoué. Parce qu’il avait vraiment une vocation musicale, j’ai fait intervenir des saxophonistes, des bassistes, des claviers. On aurait pu prendre le temps de rejouer. Mais sinon, j’en suis satisfait car c’est un album qui me ressemble.

Ça s’entend, d’ailleurs.
Ouais, en terme de flow et d’instru. Après, j’ai fait plein de choses dont une tournée derrière et si je devais le refaire aujourd’hui, il serait différent. Mais à l’époque de sa création, c’était exactement ce que je cherchais.

Entre les deux, il y a eu le projet avec Alpha.
C’est encore autre chose parce que j’étais drivé de A à Z alors que c’est moi qui gère tout d’habitude. Ça fait grandir, je suis plus à l’aise aujourd’hui. Alpha, c’est le self-made man. Après on est vraiment différents. Je ne suis pas comme lui, très pointu dans un domaine. Même s’il est très éclectique, tu reconnais sa patte directement sur un son. C’était intéressant de bosser sur un projet comme ça mais je ne me vois pas faire que ça.

C’est un projet très réussi, en tout cas.
Il est bien, il est vraiment agréable. Il représente vraiment cette ride d’été.

En termes de vente, Bipolaire a bien marché ?
On n’en a pas vendu des masses. Ça a dû tourner autour de 1200 ventes, ce qui représente 60% des pressages. J’ai encore des stocks que je vends sur les concerts, ça m’arrive toujours. On est rentré à peu près dans nos frais au final.

Tu n’as pas eu énormément de promotion sur cet album ?
Et non, promo facebook ! On n’a pas pris d’attaché de presse ni de partenariat radio ou site. Du coup, on n’avait vraiment rien. J’ai véritablement sorti mon album sur facebook et je pensais que les réseaux sociaux avaient un autre impact. Mais je me suis rendu compte que quand tu n’as pas un énorme buzz, les réseaux sociaux ne te suivent pas tant que ça. On a défendu l’album comme on pouvait. En sachant en plus que j’ai eu pas mal de souci avec les clips, certains n’ont pas pu sortir pour diverses raisons. On en a clippé deux, au final. Et pour un quinze titres, ce n’est pas suffisant. Pour conclure, on peut dire que la promotion était un peu foirée.

Pourtant, il y avait quand même eu une belle soirée de lancement à la Maroquinerie.
Oui mais en terme de promotion, je pense que ça n’a pas été très bien compris. Vu que Némir était très attendu, je pense qu’on a cru que je faisais la première partie alors que c’était une scène partagée. Je crois qu’on a mal géré notre coup en faisant une co-release avec quelqu’un qui a plus de buzz que nous. Les pros attendaient vraiment Némir. Ils ont appréciés mon set mais il n’y avait pas d’attente. Hormis pour les connaisseurs qui savaient que j’envoyais un album.

Donc si je comprends bien pour ton album qui arrive, le principal axe de progrès sera la promotion.
Carrément. On a embauché Florent de MPC qui va gérer ce côté-là. On a déjà quatre clips prêts alors que l’album n’est même pas sorti. On essaie de démarcher un peu plus les radios, on ne sait pas s’ils vont rentrer les titres mais on va tenter avec Générations, Nova, Skyrock etc.

Il y a aussi les freestyles en attendant l’album ?
Oui alors ceux-là sont clairement ciblés pour les gens qui nous suivent depuis longtemps. C’est une piqure de rappel pour toute ma fan-base.

J’ai lu dans l’interview de l’ABCDR que tu te considérais comme un rappeur « monsieur tout-le-monde », un mec qui est dans l’entre-deux : ni la plus grande des cailleras ni le petit-bourgeois. Est-ce que tu espères par ce biais toucher un plus grand public ?
C’est vrai qu’on se positionne dans cette middle-class. Mais c’est pas forcément le but. Moi, je ne rappe que qui je suis. Je suis né dans un quartier mais j’ai déménagé partout, je suis dans la ride. Je suis un vadrouilleur ! J’ai pas UN endroit où j’ai grandi mais c’était dans le 7-7, entre Le Mée et Melun. C’était un milieu très modeste, je n’ai jamais vraiment eu d’argent mais je ne suis pas à cheval sur cette revendication. Greg Frite l’a très bien dit dans une interview : « on n’est pas assez caillera pour les cailleras et pas assez branchés pour les branchés. » C’est le propos qui représente le mieux ce que je fais. Donc je représente plus monsieur Tout-Le-Monde que les autres mais je touche moins de gens parce qu’ils ont besoin de s’identifier à quelque chose.

Et il existe toujours ce fantasme du rappeur.
Carrément. Et si on devait vraiment regarder, on a toute la caution street. Je pourrais revendiquer mon coin mais je préfère laisser ça à d’autres. Certains s’inventent des vies très bien.

Avec ce nouvel album, la scène sera toujours primordiale ?
Plus que jamais ! J’ai vraiment envie de le défendre au maximum. Sur scène, j’aime bien penser mes sets comme un album en plus avec des séquences qui n’existent que sur scène.

Est-ce que tu penses être à un tournant de ta carrière ?
Je crois, oui. Parce que je pense avoir fait quelque chose de plus abouti que la moitié des projets que je vois passer en rap français. Cet album, c’est vraiment toute ma vie. Les intrus sont travaillées par des gars de mon équipe ou des gars que je connais. C’est un vrai travail de fond. Un peu comme un Drake, qui bosse avec les mêmes personnes depuis le lycée. On est un peu dans cette dynamique et le disque est vraiment cohérent. Il représente vraiment A2H.

Interviews Rappeurs

[Interview] Alpha Wann – « Ma carrière solo est en parallèle de 1995. Je slalome. »

Alpha Wann, ce nom est devenu incontournable dans le rap français. Membre du groupe 1995 et du collectif l’Entourage, ce jeune homme de 24 ans trouve encore le temps, entre les tournées et ses diverses formations, de lancer son propre EP, Alph Lauren. Très attendu au tournant en solo, le rappeur à la rime aisée n’a pas déçu. Le Rap en France l’a rencontré. Sa timidité est frappante, mais sitôt que l’on parle de rap, sa langue se délie et il montre toute sa culture et sa fascination pour le hip-hop. Discussion autour d’un coca.

Es-tu content de la sortie de l’EP Alph Lauren et de l’accueil qu’il a reçu ?
Oui, je suis plutôt content. Les gens ont l’air d’apprécier donc je ne peux pas dire que je ne suis pas satisfait. Après, la sortie ne s’est pas passée sans encombre. Il y a eu des galères de distribution, des Fnac n’ont pas pu proposer le CD la première semaine. Une galère totale, les limites de l’indépendance.

Justement, tu as signé chez Believe. Tu peux nous en dire plus ?
Avec Lo, on a monté une structure, un label, qui s’appelle Don Dada Recording et on a sorti ce projet avec Believe. C’est juste un deal de distribution. Je leur ai apporté un produit fini à distribuer.

Comment as-tu travaillé sur l’EP ?
Je l’ai travaillé de manière différente, dans le sens où les deux feat sont assez vieux. Il y en a un qui date de 2011, c’est un des premiers morceaux que j’ai fait, celui avec Monsieur Nov et celui avec Infinit, je l’ai fait en 2012. Je suis parti à Nice pour l’enregistrer avec lui. Et le morceau avec Nov, je l’avais enregistré il y a très longtemps à l’époque où je bossais avec Kyo Itachi, on avait sorti un maxi vinyle, Mon Job, et j’avais gardé ce beat. Pour les autres morceaux, j’écris tout le temps. J’ai toujours des écrits. Je crois qu’il n’y a qu’un seul que j’ai fait d’une traite, L’Histoire d’un type bien, en une soirée et un matin. Et Bustour, je l’ai écrite dans le tour bus avec 1995.

Il est sorti en vinyle ?
Pas encore. On est en train de travailler la pochette avec Lo.

 Tu écris tout le temps, tu grattes sur des prods ou tu écris d’abord et tu vois après ?
J’écoute un son, un mec va dire quelque chose, ou je crois avoir entendu un truc, et après ça me donne une idée. J’écoute un son, ça m’inspire et après je coupe le son. Je peux aussi écouter un album entier et me dire à la deuxième ou troisième piste que j’ai envie d’écrire. J’écris surtout pour garder la forme. C’est spécial. Si tu as envie d’avoir toujours des écrits de haut niveau, il faut que tu n’arrêtes pas de les travailler. Ça demande du travail. Tu ne peux pas faire de l’avion pendant six mois et retourner en studio et être un champion.

Tu peaufines tous tes textes, tu les retravailles ?
Dans tout ce que j’écris, je dois en jeter 70 %. Pas parce que c’est nul, mais parce que parfois ça peut tourner en rond. Mais je le fais, je les écris parce que si ça se trouve, un jour j’aurais un truc qui va rimer avec ça. Ça peut permettre de trouver un nouveau truc donc je les peaufine tout le temps. J’enlève des choses. Dans un morceau, s’il y a quatre mesures en plus, je les enlève parce que je ne les trouve pas terrible. Il faut d’abord que je trouve ce que je vais dire, soit que je parte d’une idée ou d’une inspiration. Premier jet et j’y vais. Mais je laisse toujours murir trois-quatre jours. Pour mes morceaux à moi.

Tes structures de rimes sont particulières. Tu joues dessus ?
Avant, dans L’Entourage, quand on était plus jeune, on voulait tous être le plus technique. A force de faire ça, ça n’avait plus de sens, ça n’avait ni queue ni tête. On a voulu revenir à un truc plus sobre. Une fois qu’on fait ça, c’est là que l’on peut développer du style et de la technique. Je ne voulais pas que ça rime comme les autres, que ça tombe comme les autres. C’est devenu naturel. Ça vient tout seul ce découpage de mots. Je ne veux pas que ça tombe comme les gens s’attendent. Il y en a trop où je sais comment ça va tomber ou quelle va être la rime et ça me dérange. Pas avec tout le monde. Il y a une certaine façon de le faire. Il y a des gens qui prétendent un truc mais en fait ça n’a pas de sens. Alors que ceux qui ne prétendent rien et qui le font, ça le fait parce que c’est naturel. C’est brut chez eux.

Tu choisis tes instru en fonction de ton flow et de la manière dont tu vas poser dessus ou on pourrait t’entendre sur un style totalement différent ?
C’est totalement une question de goût, si j’aime ou pas. Souvent, les trucs que j’ai utilisés, je l’ai su dès le début. Il y a des trucs que j’écoute plein de fois, que je sélectionne et que finalement je trouve nuls. Je me demande juste si j’aime.

Tu enregistres où ?
On a un studio avec 1995 donc ça me permet de le faire.

Qui sont tes producteurs préférés ?
Comme je sais ce que je veux faire, et que je travaille avec des gens qui savent ce que je veux faire, tout se passe bien. Mais il y en d’autres que j’aime beaucoup comme IKAZ, Lubenski. Mais pour moi, c’est plus VM The Don, qui a produit quatre sons sur l’EP et Lo. Sinon, il y a 1up World, Kyo Itachi aussi. Je suis encore à la recherche de ce que je veux faire. Il faut que je trouve une ambiance, une marque. Un grand rappeur, à un moment, ça doit aller avec un genre. Snoop, quand c’est arrivé, ça allait dans un style. Il faut que je trouve cette sonorité particulière encore. Il ne faut pas non plus que ce soit trop original sinon c’est nul.

Interviews Rappeurs

[Interview] Hippocampe Fou : « Je commence à avoir une bonne synthèse de la forme et du fond. »

Tu peux nous raconter doù vient le mec derrière lhippocampe ?
La légende veut que je sois le fils de Poséidon et que j’aie grandi sous la mer. C’est la version officielle, celle que je donne en interview d’habitude. Mais en vrai, je suis juste un passionné de cinéma qui a suivi un parcours classique.

Tu aimes le cinéma depuis tout petit ?
Oui, c’était ma vraie première passion. La musique est venue plus tard. Je le précise parce que mon père est musicien et qu’on pense que ça vient naturellement. Mais non, j’étais à fond dans le ciné.

Donc tu arrives à la musique plus tard.
Exactement. Quand j’ai commencé mes études de ciné en fait. J’ai découvert le rap via Ghost Dog de Jim Jarmusch et ça a été un déclic. Dans ce film, il place la culture des films de mafieux, celle des samouraïs et le hip-hop au même niveau. Ça m’a tout de suite intrigué. Je retrouvais quelque chose dans les rythmiques et je me suis rendu compte que j’aimais vraiment ça.

Cest plutôt rare de voir un rappeur venir au rap tard. Généralement, ça prend à lenfance ou ladolescence puis on souvre à dautres cultures après.
J’aime le rap depuis longtemps mais je ne vais pas m’inventer une vie, le rap n’a jamais été pour moi une porte de sortie ou une manière d’extérioriser des frustrations.

C’était bien lidée de ma question, cest peut-être le signe dun changement d’époque.
J’ai commencé à écrire et à m’intéresser au rap quand TTC, La Caution etc. ont commencés à sortir. Ça n’a rien à voir avec eux mais c’était le début d’un courant alternatif. Il y avait aussi Java, d’ailleurs. Donc pour moi, c’était déjà possible et envisageable de faire du rap qui parle de tout et n’importe quoi.

On pouvait déjà sortir de l’étiquette quartier si on fouillait un peu.
Voilà, tu pouvais t’éloigner des codes. Après, il y a eu l’essor de ce gangsta-rap au cours des années 2000 qui ne me parlait pas du tout. C’était trop froid, même au niveau des productions. On dirait l’ancêtre de la trap mais sans ce côté bounce qu’il peut y avoir maintenant.

Cest étrange parce que le rap racailleux des années 2000, hormis quelques albums, est rejeté presquen bloc maintenant alors quil a vraiment phagocyté le mouvement à une époque.
C’est vrai. Mais je respecte tous les artistes et tous les genres musicaux. Pourquoi on pourrait faire du rap un peu étrange et marrant et pas du gangsta rap ? Mais c’est vrai qu’on ne voyait que ça à une époque et c’est vraiment resté ancré dans l’opinion publique.

Puisquon parle des années 2000, je crois savoir que tu es venu au rap par le slam.
Oui, mes premiers textes étaient des a cappella dans des soirées slams. Je me testais et je faisais des flows déjà rapides. C’est un bon galop d’essai parce que tu vois tout de suite ce qui marche ou non. Je refais des soirées slams maintenant et ça me met une pression que je n’avais pas avant. Je fonctionne par période. Parfois je bosse le fond : j’ai besoin de défendre mon univers et de développer mon discours. Puis après tu vas te prendre une claque d’un rappeur et tu vas te rappeler que le flow est à la base du genre. Donc tu vas partir sur des textes à flow très technique. Le but, c’est d’arriver à allier le fond et la forme.

Cest une émulation perpétuelle.
C’est ça. Je sais que j’ai progressé, je commence à avoir une bonne synthèse des deux. En live, il y a des moments où je suis dans la technique pure et les gens crient. Ils apprécient l’exercice comme un batteur qui ferait un solo. C’est jouissif comme sensation. Sur mes nouveaux aqua-shows, je veux faire la même chose mais en offrant plus de thèmes et des morceaux plus calmes par moment.

Lavantage dun texte très technique, cest quil nécessite plusieurs écoutes pour lappréhender correctement.
Oui mais pour faire ce genre de textes, il faut bien sélectionner ses syllabes. Certaines sont bannies tout simplement parce qu’elles sont très dures à prononcer rapidement. Alors tu choisis des consonnes faciles à enchainer et forcément tu ne peux plus dire ce que tu veux. Tu es tributaire de l’enchaînement des sonorités.

Tout en gardant une certaine musicalité quand même. Cest Orelsan qui disait que « si tas du flow et pas dparoles, tu seras jamais plus fort que Scatman ».
A l’heure actuelle, des gars comme lui et Stromae sont vraiment au-dessus du lot. Ils ont réussi à aller au-delà du rap sans faire dans le niais. Il y a quelque temps, j’avais envie d’aller voir Orelsan et de lui dire « tas vu, jarrive à rapper super vite et en plus jai des paroles. » Mais c’est pas mal aussi de faire des textes sans prouesse technique, juste pour le texte. C’est là où Orel est fort, il n’y a pas d’esbroufe chez lui. Il ne se cache pas derrière sa technique.

Interviews Rappeurs

[Interview] Rocé : « Je n’attends pas la médaille ou la bonne note des critiques, je suis au-dessus de ça. »

Alors que la pluie commençait à s’abattre sur la fête de l’Humanité, ROCé a répondu à nos questions. Une interview courte de quinze minutes, mais grande de sujets. Le bonhomme nous parle de live, mais bien au delà de conscience politique, de la musicalité des scratchs, et des pièges des retournements de veste.

Comment as-tu commencé à rapper en public ?
ROCé : J’ai commencé la scène assez jeune, dans des lieux associatifs, les fêtes de quartier. Et puis, j’ai fait ma première tournée assez tard, en 2005/2006, j’en étais déjà à mon deuxième album. Après j’ai écumé aussi pas mal de scène en France et aussi à l’étranger, en Allemagne, en Hollande, en Algérie…

Durant ces voyages, tu as pu te rendre compte des différences de réaction des publics ?
ROCé : Le public est à l’écoute, il est assez réceptif. Nous, sur scène, on fait en sorte d’avoir une bonne dynamique, d’être toujours en interaction avec le public. De faire ça vraiment comme une performance, un travail qui mérite un entraînement pour pouvoir être mis sur scène. A partir de là, le but c’est de laisser les gens un peu bouche-bée. Montrer une performance, comme il peut y avoir la même logique dans la danse. C’est à force d’entraînement qu’ils arrivent à faire leurs figures. C’est pareil, on peut faire ce que l’on veut à force d’entraînement. L’idée, c’est de bluffer le public.

Tu parles d’entraînement, comment se prépare une tournée ?
ROCé : Avec DJ Karz,  l’idée c’est d’être en interaction. Parfois il va prendre le micro, d’autres fois il va couper des morceaux pour mettre ma parole en avant. On n’est que deux sur scène. A une époque, j’ai eu un live band, mais aujourd’hui le but c’est de montrer qu’à deux on peut faire des choses aussi grandes qu’avec un groupe. A l’heure actuelle, la plupart des gens vont mettre un live band en cache-misère. En plus, certains programmateurs sont assez réticent au fait qu’il n’y ait qu’un rappeur et un Dj. C’est vraiment de l’interaction, le but c’est de mettre la barre très haute, de manière très épurée. C’est assez représentatif de ma musique. C’est assez épuré, avec beaucoup de lyrics. Il faut surtout que ça envoie.

Justement, les détracteurs disent souvent que le rap n’est pas musical.
ROCé : C’est question de goût. Moi, je pars du principe que pour changer les enjeux de la musique, il faut de la pureté et pas de la fusion. Ça veut dire que si demain je ramène une chanteuse ou un chanteur, avec des violons de musique classique, pour montrer que je suis ouvert d’esprit et que je fais de la fusion, je change quoi ? Au final, ça va être juste pour avoir les applaudissements bien-pensants des critiques. Mais je ne vais changer aucun enjeu. On change les enjeux avec la pureté même, l’essence du mouvement . Que ce soit dans le cinéma, dans la musique etc. La poésie c’est la poésie. Si les gens n’aiment pas la poésie, ce n’est pas parce qu’on va mettre des notes de musique, qu’on va faire évoluer la poésie. La poésie restera la poésie, on aura juste fait de la fusion. Le rap c’est pareil. Par exemple, on ne dit pas « les percussions c’est pas de la musique parce qu’il n’y a pas de tonalités perceptibles comme les tonalités d’un piano.» Les percussions restent de la musique. Le rap, c’est de la musique. Je n’attends pas la médaille ou la bonne note des critiques, je suis au dessus de ça.

D’ailleurs, ce qui t’importe c’est le retour du public ?
ROCé : Déjà, ça va commencer par moi car ça va être un accomplissement personnel. Puis bien sur, ça va être le retour du public. Comment le public perçoit l’énergie du disque ? Puis c’est surtout le long terme. Je fais une musique qui n’est pas facile, avec beaucoup de texte. Sur le court terme, même les gens qui me connaissent n’arrivent pas à donner un avis sur mes albums. Ça ne les intéresse pas. Je suis dans une temporalité qui est à l’écart de la temporalité mainstream dans laquelle on vit.

Quand tu es en phase de composition, penses-tu déjà au live ?
ROCé : Avant non, mais pour cet album ça a été le cas. C’est vrai qu’à un moment, on se pose la question « est ce qu’on a envie d’écrire des textes trop parsemé de réflexions ? » Du coup, comment on le fait sur scène? Les gens n’ont pas le temps d’écouter, ils ne peuvent pas bouger leur tête. C’est assez frustrant d’ailleurs. Il y a aussi un côté énergie que l’on veut donner, d’une manière assez généreuse. Si les textes sont trop remplis, on n’y arrive pas. C’est la symbiose des deux que j’essaye de faire.

Tu as fait ta première tournée après ton deuxième album. Pourquoi ça ?
ROCé : J’ai toujours fait des concerts, je n’ai jamais arrêté. Mais par contre, ce n’était pas dans une organisation vraiment construite de tournée. C’était des concerts à droite, à gauche, parsemés. A partir du deuxième album, j’étais avec des tourneurs et on a pu vraiment partir sur une tournée.

Aujourd’hui tu es à l’Huma, qui est à l’origine un festival engagé. Le choix de tes dates, est il important ?
ROCé : En toute honnêteté, je ne suis pas fan des programmations de l’Huma, parce que je ne les trouve pas assez engagées, elles n’ont pas assez de caractère. Maintenant je suis très content d’y jouer, parce que c’est quand même une superbe exposition et qu’il y a l’histoire de ce qu’est la fête de l’Huma. Je trouve ça juste dommage qu’ils ne suivent pas la cohérence de ce que c’est. Mais je suis content d’y être pour ce que ça représente.