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Interviews Rappeurs

[Interview] Espiiem : « Je suis en train de me bâtir, de me construire. »

Espiiem, un nom bien connu dans le rap game. Salué pour son talent, son éloquence évidente et son savoir encyclopédique, il apparaît dans la plupart des coups de cœurs de passionnés. Son mini-album Haute Voltige est sorti en début de mois et a confirmé combien il fallait désormais compter sur Le Noble. Doux, posé et réfléchi, l’homme est à l’image de son flow. Pendant l’interview, on découvre un artiste sincère, en phase avec sa musique et avec qui il fait bon discuter. Espiiem, un nom qui gagne à être connu en dehors du rap game.

D’où viens-tu Espiiem ?
Mon parcours est un peu sinueux parce que je suis issu de la formation Cas de Conscience qui est une formation très rap, des grosses sonorités New Yorkaises, assez sombres. Puis, j’ai basculé vers un autre groupe, qui est The Hop, qui est à mi-chemin entre Soul, Jazz, avec beaucoup de musiciens et une chanteuse. Et en solo, je fais un peu le lien entre ces deux influences très différentes. J’arrive à me frayer un chemin un peu étrange entre toutes ses sonorités-là pour faire ce que je fais maintenant avec Haute Voltige. Je ne sais pas encore vraiment que sera la suite. Mais en tout cas j’espère que ce sera lié à davantage de compositions, faire appel à pas mal de musiciens et essayer de développer toujours un son assez différent, qui me plait.

Qu’est ce que tu tires de chaque étape ?
On était quatre dans Cas de Conscience. C’était pour nous le moyen de progresser, c’est vraiment ce qui m’a formé. On écrivait tous, puis on se voyait pour faire le bilan, se jauger les uns. Ça m’a donné une véritable assise en tant que MC. Avec The Hop, j’étais MC dans un groupe de musiciens, ça m’a donné une approche plus musicale pour aborder un morceau dans sa globalité. Ça m’a apporté un savoir-faire sur les structures de sons. Je sais maintenant choisir les instruments par rapport aux morceaux. Maintenant en solo, je prends du plaisir. Grace à mon parcours, j’ai l’assurance de savoir ce que je fais.

Comment les connexions se font avec tout ton entourage ? Dans The Hop il y a Kema et Sabrina. Sabrina travaille avec Jimmy Whoo qui a le studio Grandeville.
En fait, avec Jimmy Whoo, on était en classe ensemble au lycée, donc on se connaît depuis très longtemps. Sabrina, ça s’est fait via The Hop. Les connexions se sont faites très naturellement parce qu’on trouvait qu’il y avait un talent mutuel. Avec Sabrina, ils ont bien accroché donc ils ont fait des morceaux ensemble. Tout s’est fait vraiment naturellement et on se connaît tous un petit peu. On fait chacun nos projets avec les avis des autres donc les connexions se font au feeling parce que l’un connaît un beatmaker, un studio, un autre artiste et puis ça fait d’autres liens et ça ne fait que croître.

Et The Hop, c’est fini aujourd’hui ?
The Hop, ce n’est pas fini pour l’instant, on va dire que c’est en phase de stand by. On est très nombreux, donc au niveau de l’organisation, c’est à chaque fois compliqué de mettre un morceau en place. L’un travaille, l’autre est en vacances… Chacun se dirige sur ses propres projets. Il y a Loubenski, qui était le bassiste et qui fait ses propres projets avec Sabrina. Il y a Benjamin, le batteur, et Kema, l’autre rappeur qui font leur truc, donc on part plus sur nos projets solos. Mais, j’espère, en tout cas, pouvoir revenir sur cette formation pour quelques morceaux. Ils prendraient plaisir à le faire aussi. On reste très en contact. On suit ce que fait chacun de très près, mais pour l’instant, il n’y a pas de morceaux estampillés The Hop à venir.

Les rappeurs travaillant avec des musiciens sont assez rares dans le milieu, comment tu y es venu ?
En France, ça n’a pas été fait énormément parce que les gens associent peut-être les instruments à quelque chose de trop léger, de manière presque péjorative. Ils auraient peut-être le sentiment, à tort, de perdre ce côté rue, ce grain. Alors qu’au contraire, ça permet d’ouvrir encore plus ta musique, d’aller encore plus loin. C’est pour ça que ce n’est pas fait suffisamment. Et puis, on est arrivé maintenant à une génération, où même les musiciens, qui sont dans The Hop par exemple, ont écouté beaucoup de rap et ça leur fait plaisir d’apporter leur touche sur cette musique. Peut-être qu’il y a 20 ans, les musiciens n’écoutaient pas de rap donc le brassage se faisait moins facilement. C’est aussi pour ça que j’espère qu’on va en voir davantage.

On sent qu’il y a toujours une alchimie entre ton texte et la production. C’est voulu ?
Je suis content que tu mettes ce point là en évidence parce qu’avant j’écrivais sur des instrus, parfois même sur les morceaux d’autres artistes. Maintenant, j’écris uniquement sur mes instrus pour vraiment être dans l’esprit. Donc je suis content que tu puisses ressentir cette symbiose. Comment je fais ? Ça se fait naturellement. Dans le processus créatif, avant ce n’était pas le cas. Je faisais un peu à droite, à gauche. Maintenant, j’ai besoin d’avoir l’instru pour pouvoir partir. Même en ayant des instrus originales, ça te permet de pouvoir être original, d’essayer de t’adapter au niveau de la prod. Donc je pars de l’instru pour pouvoir y apporter ma propre touche et être réellement en adéquation avec elle.

Tu n’écris jamais avant d’avoir une prod’ ?
Avant c’était le cas. Maintenant ça peut arriver, à des rares occasions. Tu peux être dehors, avoir une phrase qui te vient, puis une seconde, donc tu commences avant. Mais des morceaux entiers, maintenant non. J’essaie de pousser mon innovation de la musique plus loin et d’être en phase directe avec mon instru.

C’est une vraie démarche artistique. Tu te considères comme un artiste ?
Ah … Bonne question. Pour moi, être un artiste ce n’est pas uniquement le fait de produire de l’art. Ce n’est pas parce que, à mon sens, tu vas faire un morceau ou un CD que tu es un artiste. Sinon, tu peux dire que n’importe qui est un artiste. Mais pour moi, artiste dans le sens noble du terme, c’est presque quelque chose qui s’acquiert. Il faut y réfléchir mais le fait qu’il y ait une osmose parfaite entre ta vie, ce que tu es et l’art que tu proposes, je pense que c’est quelque chose qui s’acquiert au fil du temps. Je pense qu’on devient artiste et on le cherche. Ce n’est pas uniquement le fait d’en produire qui te rend artiste.

Interviews Rappeurs

[Interview] 2-zer : « Quand tu es tout seul, tu vas plus vite mais en équipe tu vas plus loin. »

2Zer Washington fait partie de cette nouvelle génération de rappeurs qui en veut. Membre de L’Entourage et du S-Crew, dont l’album Seine Zoo (sortie le 30 septembre) est très attendu, il se différencie par un flow souriant et une écriture dans laquelle il se raconte. Franc, sympathique et sincère, il a répondu aux questions du Rap en France. 2Zer : un sacré numéro.

D’où viens-tu et comment as-tu eu le déclic rap ?
J’ai grandi dans le 20e arrondissement, près de Ménilmontant, dans un quartier qu’on appelle la banane. Depuis que je suis petit, on a toujours écouté du rap. Le premier CD de rap que j’ai écouté, c’était Coolio Gangsta’s Paradise. J’étais tout petit et ça m’a vite passionné. J’ai vu que l’école n’était pas pour moi donc je me suis dit que j’allais faire ça. C’est un truc qui m’inspire, qui me donne envie. C’est une manière de s’exprimer, sans forcément se livrer à une personne en particulier. Même s’il y a beaucoup de gens qui écoutent, au final tu es moins timide de rapper ton texte que de parler directement à une personne de ce qui te touche, de ce qui arrive. À l’âge de 11 ans, avec mes potes pour rigoler en cours, on prenait des paroles de rappeurs, on les modifiait un peu. De fil en aiguille, j’ai commencé à écrire mes textes.

Pourquoi 2Zer Washington ?
C’est une longue et bonne histoire. Ça a été du feeling. Je me suis habitué à mon blaze. Comme les lycées sont dans tout Paris et pas seulement dans ton quartier, tu te fais plein de connaissances de personnes d’autres quartiers. On me demandait d’où je venais et je répondais toujours du 2 zéro. À la fin, on a enlevé le o et les gens m’appelait comme ça : 2zer. Washington, c’était pour rire sur Denzel Washington. Je l’ai marqué sur Facebook et c’est resté.

Tu ne regrettes pas ?
Non, maintenant c’est mon blaze et je n’ai pas envie de le changer. Ça me convient. Je n’ai pas de problème avec ça.

Et ton gimmick « Tu connais pas 2Zer » vient d’où ?
Il y a 5-6 ans avec mes potes, on a fait une vidéo pour rire. On allait voir les gens dans la rue, on les filmait et on leur demandait de dire « Tu connais pas 2Zer ? ». J’ai mis la vidéo sur Internet. Les gens ont vu la vidéo et ils me disaient toujours « Tu connais pas 2zer ? ». Et c’est resté.

Tu peux nous raconter un peu ton parcours avant le S-Crew avec Lyricalchimie ?
À la base, j’ai rencontré Lyricalchimie via Bloopa Looza. À l’époque je trainais avec lui, un mec du quartier nous avait présentés. Ce sont des connexions improbables. On s’est connu dans la rue. Il a vu que je rappais dans mon coin, il m’a dit « Je vais te présenter des potes à moi Lyricalchimie, ils sont dans le délire rap à fond ». Vers mes 16 piges, je ne connaissais pas trop les opens mics, je n’étais pas encore dans ce délire. J’étais rappeur dans mon coin, je faisais mes trucs avec les rappeurs que je connaissais. Il n’y a qu’eux qui m’écoutaient. De connexion en connexion, j’ai rencontré Cas de Conscience, L’Entourage. On s’est rencontré dans les opens mics. Au début j’ai eu un bon feeling avec Poochkeen et Lyricalchimie. Au final, on s’est dit « Pourquoi ne pas faire un projet commun ? » Bloopa Looza avait un peu arrêté d’écrire à cette époque là. Il a participé sans en faire partie intégrante. En parallèle, on a aussi créée Tribus de L’Est avec B. Looza. On s’est dit qu’on pouvait faire un groupe à deux. C’est vraiment plus Lyricalchimie qui s’est concrétisé.

Votre projet a eu un succès d’estime non ?
Oui, il a eu un petit succès dans le milieu underground. Les gens ont bien aimé. Il y avait des personnes que je ne connaissais pas qui m’arrêtait dans la rue pour me dire que c’était bien. C’était fou. C’est là qu’on a vu l’impact de partage de L’Entourage. Quand quelqu’un sortait un projet, tout le monde le partageait.

Vous vous êtes séparés ?
Après le projet, Poochkeen avait ses bails à faire, un solo, Ouhhz aussi. Moi je me suis retrouvé solo, j’ai continué le rap. Je me suis mis à côtoyer les mecs de L’Entourage. Depuis le début, je  trainais pas mal avec les mecs du S-Crew. C’était un lien d’amitié fort, avant le rap. On s’est connu par rapport à ça, on a vu que l’on avait la même passion, la même culture, les mêmes goûts. Ils m’ont d’abord invité sur leur projet Même Signature. J’étais beaucoup avec eux donc j’ai fait beaucoup de sons. Au final, on a vu que ça marchait bien 2Zer S-Crew, on était devenu comme des frères avec le temps. On a vu que ça devenait vraiment sérieux donc ils m’ont dit que si je voulais rejoindre l’équipe, j’étais le bienvenu. S-Crew c’est vraiment une équipe de frères avant d’être une équipe de son.

Tu as développé ton propre timbre et flow et c’est ce qui fait que l’on te reconnaît au premier mot. Est-ce que tu as travaillé en ce sens ?
Ça a été long de trouver mon propre style. Au départ, tu n’as pas vraiment de style, tu fais un peu de tout, tu essaies. C’est vraiment de l’expérimentation. On va dire que quand j’ai eu 17 ans et que j’ai commencé à me mesurer aux autres dans les open-mics, j’ai beaucoup appris. J’ai vu plein de gens qui avait plein de style. Je me suis dit « il faut que j’ai mon truc et que je développe ça ». Ce que j’ai fait de mon côté. Après c’est au feeling, c’est juste moi. Quand je parle ou quand je rappe, c’est à peu près la même chose. Je parle vite donc je rappe vite.

Comment tu le décrirais ?
Comme je t’ai dit, c’est beaucoup au feeling. C’est vraiment ce qu’il va se passer dans ma vie. J’ai vraiment besoin de ça pour écrire. J’ai besoin d’être inspiré par ce qu’il se passe tous les jours. C’est à dire que je ne vais pas me mettre à écrire parce que je dois écrire. C’est vraiment une instru, un truc que j’ai vécu qui va me donner l’inspiration.

Interviews Rappeurs

[Interview] Walter : « J’essaie de rebondir sur des rimes que l’auditeur n’attend pas. »

Walter est un rappeur étonnant qui joue des mots et semble très préoccupé par les structures de rimes. La musique, la culture, l’énergie qu’il crée, Le rap en France est allé à sa rencontre pour essayer de connaître un peu mieux ce MC du 77, ses envies, ses projets ou encore son histoire avec le rap. Entretien. 

Qui est Walter et d’où vient-il ?
Je viens d’un collectif du 77 qui s’appelle le Val Mobb. C’est un jeu de mots avec un regroupement de villes nouvelles qui s’appelle le Val Maubuée. C’est un secteur où il y a beaucoup de choses qui se font dans le rap et dans l’électro. C’est ma première famille de sons.

On a pu te voir dans différents groupes, tu peux nous éclaircir ça ?
Le premier groupe que j’ai monté, c’était Artisans du Mic (avec Moax, Lemdi & Smoof).  Et aujourd’hui il existe une formation entre des rappeurs du Val Mobb et qui s’appelle Nouveaux Mutants (Daiz Diggi, Moax, Lemdi, Nitro et Moi). Je fais partie de plusieurs familles de rap. La première c’est le Val Mobb.

La deuxième, c’est Ol’ Kameez ?
Voilà. Il y a deux ans et demi, j’ai commencé à rencontrer plus des gens de ma génération, avec qui je me suis bien entendu au niveau de la vision du rap, ce que les mecs faisaient et aussi au niveau des influences. Dans tout ça, on a créé un groupe, Ol’Kameez avec Skyle. Je l’ai rencontré, on a fondé le groupe et on a fait un  premier projet en janvier 2012, produit par Dooze et par Goomar. Ce sont des beatmakers avec qui je travaille beaucoup. J’aime beaucoup leur univers.

On t’a effectivement vu avec beaucoup de rappeurs de la nouvelle génération.
Parmi toutes les connexions qui se font, j’ai rencontré Lomepal, avec qui on a fait la compile 22h-6h. Là, pareil, ça a été l’occasion de se rapprocher de pas mal de rappeurs de Paris que je ne connaissais pas avant : Bhati, Mothas, Black Sam (BPM), Naïad, Georgio puis aussi des connexions avec la Belgique avec des gars comme Patee Gee & Caballero. Plein de choses se sont formées. Aujourd’hui je travaille aussi avec le Bohemian Club (avec mes gars Orus, Zoonard et Goomar). Il y a beaucoup de noms, mais c’est à peu près tous les collectifs ou les crews dans lesquels je gravite.

Tu as déjà sorti plusieurs projets.
Oui, il y a eu Petits Meurtres entre Amis en mai 2011, que je considère comme une compile. J’avais envie de rassembler un paquet de gens avec qui j’ai évolué pendant longtemps. Donc les gars du Val Mobb, Skyle, Nek, Alpha, Nino Ice etc. Après, il y a eu Ol’Kameez Volume 1, avec Skyle donc. En juin 2012, j’ai sorti 22h-6h avec Lomepal et enfin l’album du Val Mobb en juillet dernier. Ça, ce sont les projets sortis. Sinon, il y a plein de trucs qui arrivent. Le Ol’Kameez Volume 1.5 courant octobre et le Vol.2 début 2014. On ne s’arrête pas.

Ce n’est pas trop dur de combiner ton « vrai travail » et la musique ? Est-ce que tu comptes te consacrer au rap ?
Franchement, c’est à l’étude encore. Je n’ai pas vraiment de réponse, parce que pendant longtemps, ce que je pensais, c’était réussir à faire de la musique par passion. Pas comme un hobby, mais vraiment un truc qui m’accompagne, dans lequel je m’accomplis. Parce que j’aime faire de la scène, des morceaux, des radios. J’aime me retrouver avec des potes avec qui on fait du son. J’aime aussi faire des soirées avec des potes où on ne fait pas vraiment du son, mais on reste dans cet univers, on décortique la musique. Plus je m’implique et plus je m’éloigne d’autres aspirations. Et en même temps, je ne perds jamais de vue qu’il faut réussir à être polyvalent et avoir d’autres inspirations. Ne pas forcément se cantonner au rap.

Comment s’est fait Petits Meurtres Entre Amis ? Tu fonctionnes beaucoup avec des featurings. Quelle était l’intention de création ?
Petits Meurtres, je l’ai sorti parce que je commençais à avoir un gros panel de morceaux. Il y en avait avec des potes du Val Mobb puis j’ai commencé à faire des freestyles avec des gens de ma génération. J’ai bien aimé toute cette alchimie. Je n’avais pratiquement rien fait, j’avais envie de sortir des projets. Je voyais que ça devenait assez possible. Il y a ceux que je connaissais depuis longtemps et ceux que j’ai rencontrés à des concerts, des freestyles. On s’est invité à des sessions studios, on a fait des morceaux, on a pas mal creusé. J’ai vu que j’avais une quinzaine de morceaux. Je me suis dit : « Vas-y, je vais sortir une compile, ça va me motiver à faire des projets par la suite ». Je suis assez content aussi des instrus. Il y a quelques-unes à moi mais j’ai arrêté maintenant. Sinon, il y a DJ Lumi, Dooze et Nino Ice pour la majorité des productions.

Interviews Médias

[Interview] Grünt (2/2) : « Qui sait jusqu’où ça peut aller ? »

Grünt, c’est d’abord une série de chiffres. 12 freestyles vidéos, plus d’un million de vues sur Youtube, des Süre Mesure en partenariat avec Nova et un buzz exponentiel. Il nous paraissait intéressant de savoir qui se cachait derrière ce projet et quelles étaient les motivations. Rencontre autour de quelques bières et d’un dictaphone. C’est Grünt qui se dévoile. Ceci est la seconde et ultime partie de l’entretien, la première partie se trouve ICI.

Le rap a beau avoir 25 ans, c’est toujours un peu marginal.
Jean : C’est plus la symbolique que ça dégage qui dérange les gens. Ce sont les jeunes issus des banlieues qui réussissent.  Et ils rappent des idées qui sont antithétiques avec la méritocratie.

Et les rappeurs ne sont pas vraiment poussés à s’exprimer sur leur travail.
Jean : Voilà, on ne leur pose pas les bonnes questions. Personne ne leur demande d’expliquer leur structure de rimes ni de raconter les heures qu’ils ont passés sur un texte. Mais il y a de nouveaux courants de pensée qui apparaissent quand même. On entend dire que le rap est le vrai héritage de la poésie française via tout ce travail sur la langue. Brassens, en son temps, avait complètement poussé le concept.

Va expliquer à un mec de la France profonde que Brassens et le rap peuvent avoir quelque chose en commun…
Jean : C’est clair. On va crier au scandale parce qu’il y a tout un cadre de lecture qui est imposé sur le hip-hop.

Cela dit, on oublie un peu de nos jours que les poètes n’étaient pas forcément très appréciés par leurs contemporains.
Jean : Bien sûr ! Molière a été enterré dans de la boue alors qu’il a écrit les plus belles pièces de théâtre de ce pays.
Quentin : Cela dit, ce raisonnement est valable pour tous les mouvements. C’est la construction des médias qui veut ça. Si tu prends les œuvres d’art contemporain, tu en entendras encore moins parler !
Jean : Il y a une démission de la presse culturelle. Ça dépasse largement le cadre du rap français.

Je change de sujet. Grünt arrive-t-il à être indépendant financièrement ?
Jean : Pas vraiment. Mais on ne prend pas les gens pour des cons : on vend les t-shirts à 12€ et les sweats à 25€. On a décidé de se faire la plus petite des marges possibles. On en vendra peut-être plus comme ça et tout l’argent est réinjecté pour l’achat du matériel. Mais c’est un honneur que les gens portent nos couleurs sur leur dos !

J’insiste un peu. Grünt peut-il être viable ?
Jean : Je pense qu’on n’y arrivera jamais. Mais il y a quand même eu un sacré changement de paradigme avec l’arrivée d’internet. Maintenant, tu peux toucher des gens plus facilement mais il faut arrêter de croire que tu peux en vivre.

La culture va peut-être finir par se restreindre aux passionnés.
Jean : Les gens qui ont une vraie nécessité d’écrire le feront toujours. Peu importe l’enjeu financier. Mais aujourd’hui, un mec en Nouvelle-Zélande peut acheter ton cd même s’il n’est vendu qu’à la FNAC Saint-Lazare.

On parle des artistes là mais quid des structures de presse etc. ?
Jean : Oui mais si tu prends Kistune, ils ont réussi leur modèle. Si tu arrives à fédérer autour de ton projet, si les gens se reconnaissent dans tes valeurs, tu peux réussir à vendre des produits dérivés.

Un label Grünt pour bientôt alors ?
Jean : Non, on n’a pas cette prétention-là du tout. Mais si tu regardes notre évolution, il y a un an on tournait presque la première émission sans caméra. Aujourd’hui, on est en passe d’avoir les nôtres. A ce rythme, qui sait jusqu’où ça peut aller ?

On en revient donc à la notion de passion.
Jean : C’est sûr ! Il faut accepter de ne pas mener la vie des clips. Tu ne vas pas commencer à balancer des billets mauves.

Mais votre passion se ressent. Il y a vraiment une image familiale autour de Grünt.
Jean : C’est le plus beau compliment que tu pouvais nous faire. Pour revenir sur le modèle économique, si on prend l’exemple de So Foot, ils ont réussi à être viable en ne misant que sur le qualitatif.

D’ailleurs, ils ont décliné le concept au cinéma et au vélo.
Jean : Carrément mais toujours en prônant la qualité.

Depuis un an ou deux, on vit une véritable effervescence autour du rap. Comment l’expliquez-vous ?
Jean : Il y a quand même toujours eu des bons crews de rappeurs. Et même pendant le creux, des projets solides sortaient comme ceux de Flynt ou Youssoupha en 2007. Mais il y a deux explications à ça. La première, c’est qu’internet a permis de mettre en lumière des mecs qui ont toujours kické comme ça, des Seär et L’Indis par exemple. Et la seconde, c’est que beaucoup de gens ont réagi par rapport à la merde dont on les abreuvait en permanence via les radios. Ils ne voulaient plus que leur musique soit galvaudée.

Tiens, est-ce que pour vous Grünt est un média ?
Jean : Complètement. A partir du moment où on offre une information, on est un média. Après, nous sommes un média à format hybride sans n’en avoir inventé aucun. On fait du freestyle comme ça se fait depuis 30 ans et des interviews comme ça s’est toujours fait. La simple différence se situe dans l’état d’esprit. On travaille à travers un prisme qui n’entrave ni le contenu ni les valeurs.

Justement, quelles sont les valeurs ?
Jean : Le partage, le respect, la bonne musique et les bitches (rires). Vraiment, en numéro 1 : le partage. On n’existe que via internet et sans partage, c’est bien simple, on n’existe pas. C’est super cliché mais ils nous aiment et on les aime. Continuez à nous aimer et on donnera encore plus d’amour. Après, on pourra faire d’énormes partouzes numériques.

Est-ce que vous allez rester sur le modèle du freestyle vidéo ? Vous n’avez pas peur de l’essoufflement ?
Jean : Ça fait 30 ans que ça existe alors si ça s’essouffle à cause de nous, on aura quand même bien raté notre mission.

Je voulais plutôt savoir si vous comptiez diversifier vos activités.
Jean : Tout à fait mais le cœur de ce qu’on fait restera le freestyle. On réfléchit à des formats d’interviews qui seraient innovants. On voudrait y mettre cette pâte qui est la nôtre. On va essayer de rentrer dans l’intimité des rappeurs afin d’expliquer l’œuvre par l’artiste.

Vous aviez aussi un projet avec des normaliens pour analyser des textes non ?
Jean : Ah, ils sont lents nos amis normaliens ! Le principe est simple : c’est du Rap Genius puissance 1000. Le premier texte sélectionné est un texte de Fabe et ils vont l’analyser comme une vraie œuvre de littérature.

Vous avez des invités de rêves pour les freestyles ?
Jean : Oui mais on sait déjà qu’ils ne viendront pas. Via Nova, on a essayé de contacter Oxmo et AKH et ils ont dit non. On peut les comprendre, ils ont la quarantaine et ils n’ont plus forcément envie de se frotter à ça.

Cela dit, vous avez eu Rocé et Kohndo quand même.
Jean : Ouais mais ce sont des mecs qui n’ont jamais lâché l’affaire. Un Oxmo n’a plus vraiment le temps pour ça et on respecte vraiment ses choix. Le rêve ultime, c’est Fabe mais on sait tous que ça n’arrivera jamais.

Les artistes qui viennent freestyler sont obligatoirement des mcs que vous avez validés ?
Jean : Tu fais bien de poser cette question parce qu’on nous a reprochés de mettre les mêmes têtes à chaque fois. Mais c’est faux parce qu’il y a une diversité folle.

On commence à vous faire des reproches ? C’est étonnant parce qu’on a le sentiment que vous faites l’unanimité.
Jean : C’est rarement dirigé contre nous. Mais vous connaissez internet, les reproches vont vite. Maintenant, on a droit à des gens qui nous disent que les premières étaient meilleures. Cependant, on n’a pas encore eu de vrais haters. Mais ça va forcément arriver, c’est le jeu.

Pour l’anecdote, vous saviez que Grünt était aussi l’acronyme des Grandes Rencontres de Ukulélé de Navarre et de Toulouse ?
Jean : Bien sûr qu’on est au courant ! Il y a même parfois des gens qui nous tweetent « trop cool la Grünt 10 » et qui mettent le lien du ukulélé ! On respecte ce qu’ils font, c’est très propre.

Mais d’ailleurs, d’où vient le nom de Grünt ?
Jean : De nulle part, vraiment. Tout le monde nous demande mais c’est sorti de ma tête. Ça a une signification en allemand et en anglais, c’est aussi un fantassin dans Warcraft. Je le sais parce qu’un mec m’a arrêté dans la rue un jour alors que j’avais le sweat. Il m’a demandé si j’étais fan, je n’ai pas trop compris sur le coup.

Et les sessions freestyles, vous les tournez où ?
Jean : Un peu partout, chez les uns et les autres. Dès qu’on voit un appartement sympa, on saute sur l’occasion. D’ailleurs, c’est sympa chez toi (rires).

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Interviews Rappeurs

[Interview] Moïse The Dude : « Mes goûts en rap français vont du Klub des Loosers à Booba. »

Moïse est, aujourd’hui, en solo. Il vient de sortir, en mai dernier, son premier EP : The Dude vol.1. Pour l’occasion, un jours pluvieux, place de Clichy, il a répondu à nos questions autour d’une bière. Suit une rencontre, où le garçon parle de son projet et du concept Lebowsky. D’égotrips et de rap sudiste. Du Bhale Bacce Crew et de son envie d’aller voir ailleurs. 

Si tu devais te présenter, que dirais tu ?
Je m’appelle Moïse et je suis rappeur, depuis un peu plus de dix ans. A la base, j’ai commencé avec le collectif Bhale Bacce Crew, qui est un sound system reggae / hip hop. Au bout d’un certain temps, j’avais envie de faire quelque chose de plus personnel et qui se détache de l’univers du collectif. Donc dans un premier temps j’ai fait deux projets, avec Cosmar, qui vient lui aussi du collectif. On a sorti deux albums, tous les deux produit par Dj Monkey Green. Après ces deux albums, j’avais envie de faire un truc tout seul. Il me fallait la maturité pour trouver le bon concept. Donc me voilà en  solo !

Tu parles de rap sudiste…
J’écoute 90 % de rap au quotidien et dans ces 90 % il y a 80 % de rap sudiste américain, en gros les scènes de Houston, Atlanta, Miami, la Nouvelle Orléans. C’est le rap que je préfère écouter. Je connais très bien le rap New-yorkais, j’en ai énormément bouffé, mais un moment donné je me suis pris le rap sudiste en pleine tronche et je me suis passionné pour cette sous culture qui a ses particularité : les rythmes sont lents.

De rap alternatif aussi…
C’est parce que j’ai l’impression d’être assez proche de la scène dite spé, de l’époque des TTC et autres. Je fais un truc qui s’inscrit sûrement dans cette mouvance-là, alors que c’est quelque chose qui n’existe plus du tout aujourd’hui. Je ne fais pas du Booba, alors que c’est ce qui marche en ce moment. Je ne fais pas un rap ghetto. Pour être prétentieux je fais un truc qui n’appartient qu’à moi, car mes références sont diverses.

D’ailleurs en référence, tu cites Booba et Doc Gyneco…
C’est pour montrer qu’il faut faire des grands écarts, que tout ça c’est le rap. J’écoute tout.

Mais précisément, quelles sont tes références ?
Au départ, c’est les grands classiques : IAM, NTM, l’âge d’or du milieu des années 90 du rap français. Après on arrive sur toute cette vague spé, avec Le Klub des Loosers, La Caution ; et puis en parallèle le rap sudiste américain qui est arrivé jusqu’à mes oreilles. Mais mon rappeur préféré, c’est Serge Gainsbourg.

Pour ton Ep, tu incarnes un personnage, est-il si différent que le Moïse que j’ai en face de moi ?
On va dire que c’est 50 / 50. Pour cet Ep là, je me suis fixé sur le personnage du Big Lebowsky et ça m’a donné une ligne directrice. Par-dessus ça, j’ai brodé avec Moïse, avec ce que je peux avoir envie de rapper. C’est pour ça, que c’est un mélange de clin d’œil au film et le reste. Le reste c’est moi.

C’est donc plus un concept autour d’un Ep, qu’un projet dans l’avenir…
Là, c’est sûr que le concept est en place sur cet EP. Après dans le titre j’ai mis Vol.1, pour donner une suite. Enfin je te dis ça j’en sais rien, car le truc vient de sortir et qu’il faut qu’il vive sa vie. Mais dans l’absolu j’aimerai bien donner une suite, faisant évoluer le personnage. Là, j’estime avoir fait le tour de ce que je pouvais faire, en faisant des clins d’œil explicites au film. Donc la suite, même si ça sera The Dude, probablement Vol. 2, ça sera un Dude, un petit peu différent, avec d’autres angles d’attaque, mais il y aura toujours Moïse derrière.

The Dude, ton nom de MC est aussi une référence ?
The Dude, je le pique carrément à un rappeur de Houston, qui s’appelle Devin the Dude. D’ailleurs je fais complètement comme lui, parce que pour son premier album il s’appelait Devin, tout court, et le nom de son album était The Dude. Et c’est resté Devin the Dude… Du coup, je fais un gros plagiat.

Le Big Lebowsky est fainéant et amateur de bowling, c’est un peu toi ?
Gros fainéant pas tant que ça, car il faut vivre ! Ce qui m’intéressait ce n’était pas de passer pour un fainéant, mais j’aime bien l’idée d’un personnage qui ne culpabilise pas s’il ne fait rien. Parce que c’est un fainéant mais qu’en définitive, il fait ce qui lui plaît. Et moi j’aime bien faire ce qui m’intéresse et me foutre du reste. Après le bowling c’est marrant…

Certains disent que c’est le film de la coolitude, ça te correspond plus ?
J’avais clairement envie de dire fuck à un tas de chose, en gardant le sourire, et en restant cool.

Cette coolitude, c’est un moyen de tourner la page sur quelque chose de plus politisé et militant ?
C’est une manière de tourner la page, de dire que je peux faire quelque chose d’autre. C’est une autre facette de ce que j’ai envie de faire. Puis je ne renie pas du tout Bhale Bacce, au contraire. Mais j’avais déjà commencé avec Cosmar, dans le projet Moïse et Cosmar, à prendre la tangente. Et là, j’enfonce le clou !

Parlons précisément de ton EP ? Présente-le nous !
C’est 7 titres de nonchalance cool, teintés d’arrogance et de j’en ai rien à foutre de vos gueules, mais vous me faites marrer quand même. Et je suis le meilleur mais personne ne le sait. Ouais c’est un peu ça l’esprit du truc.

Il y a beaucoup d’égotrip.
Je voulais exactement être en équilibre sur l’égotrip pur et dur, figure imposée du rap. Je kiffe l’égotrip, mes premiers textes étaient de l’égotrip, c’est un genre que je n’ai jamais vraiment abandonné. Malgré tout, pour me l’approprier j’ai cherché à être dans cet équilibre entre l’égotrip pur et la dérision dans l’égotrip. Du coup ça collait bien avec le personnage.

Est-ce une façon de ne pas tomber dans des clichés ?
Les clichés du rap je m’en fous, car j’aime tous les raps. Mes goûts en rap français vont du Klub des Loosers à Booba, alors je n’ai vraiment pas de problèmes avec les différents genres. Je ne suis pas nostalgique d’une certaine époque, comme certains. Mais, c’est vrai qu’en tant que rappeur j’essaye de ne pas trop être dans le cliché. J’y suis aussi de temps en temps, car c’est libérateur. La plupart du temps, j’écoute 90 % de rap. Alors les clichés je les connais, je les assimile, je les accepte. Quand on connaît la culture rap, on sait d’où ils viennent les clichés. Bien sûr qu’il y a des excès et des dérives. Mais malgré tout, la violence, les femmes, la drogue, ça ne vient pas de nulle part. Ce n’est pas un rappeur qui s’est levé un matin « je veux mettre des filles à poils dans mon clip, et ça va être cool ». Non, il y a des fondements à tout ça. Alors avec les clichés, je n’ai vraiment pas de problème, j’essaye juste d’être subtil.

Sur tes sept pistes, tu as différentes personnes qui s’occupent des prods, comment tu choisis ? Comment se passe les collaborations ?
Sur les sept pistes, il y a déjà Monkey Green qui me suit depuis Bhale Bacce. Il m’a fourni trois prods. L’avantage avec lui c’est qu’il a des centaines de prods, j’ai donc pu piocher ce qui me semble le mieux pour le texte que j’ai. Parfois je n’ai pas le texte, j’ai juste la prod et j’écris dessus, directement. Monkey Green c’est vraiment ma base, je vais d’abord aller voir ce qu’il a en magasin, et après les autres beatmakers, c’est des gens que j’ai rencontré sur le net, que j’ai croisé dans la vie. C’est au coup de cœur. Si ça me plait, je prends ce qu’on me propose.

Et toi, tu mets la main à la pâte ?
Non je ne mets pas vraiment la main à la pâte, sauf avec Monkey Green, parce que c’est lui qui a, techniquement réalisé l’EP. Là je l’accompagne beaucoup dans les phases de mix et même sur certaines de ses prods. Du coup, comme je suis proche de lui, l’avantage c’est que je peux donner les directions, avoir quelques exigences.
Sinon pour les autres beatmakers, je touche à la structure. Enfin ce n’est pas moi qui le fait, mais je vais dire au beatmaker « ton morceau, il est cool, je vais le prendre, mais je veux que tu fasses telle structure ». C’est à dire que je donne mes directions pour mettre la partie refrain à tel endroit, de telle durée…

Et pour tes textes, la phase de création se passe comment ?
Ça dépend. Il y a des textes que je vais avoir écrit en entier sans avoir de prod’, du coup après il faut que je cherche le son qui va vraiment aller. Et parfois ça m’arrive d’avoir un bout de texte et de trouver la prod’ et du coup je finis le texte en connaissant la musique. Et des fois, même si c’est plus rare sur cet EP, ça m’arrive d’écrire le texte en direct, juste avant d’enregistrer.
En général ça part d’un truc réel. J’ai des mots, des formules, des phrases, des images, des situations, et à partir de là j’ai des choses qui s’ouvrent, que je déforme. Une rime en appelle une autre. Parfois je cherche la rime. Parfois je recherche ce qu’il faut mettre entre deux rimes, il faut que je remplisse.

Là, tu as un concept autour d’un film. Les références de ton écriture, ce sont le rap, les films, l’art en général ?
Ici, c’est forcément pas mal le film. Mais le rap en général aussi. Parce qu’il y a des figures de style, il y a un ton, il y a effectivement le côté égotrip… Mais tout peut m’inspirer car comme on dit toujours « Oui la vie m’inspire »… Mais c’est vrai que j’aime m’inspirer de toutes les œuvres d’art, les films, les peintures, les livres. D’ailleurs avec les bouquins, je me suis souvent dit que j’aimerais en faire des adaptations musicales. Après il faut avoir l’inspiration, et ça ne vient pas toujours.

Tu t’attaches beaucoup au visuel, d’ailleurs tu viens de sortir un clip, est-ce important aujourd’hui d’avoir une image à côté d’un projet musical ?
Aujourd’hui c’est très simple, si tu n’as pas de clip, ton son n’est pas écouté. Vraiment. Ça en est même dramatique. Je le vois en soirée, avec des amis, on écoute de la musique sur Youtube. La dictature Youtube, c’est un truc de fou. Donc je fais des clips parce qu’il faut en faire, mais aussi parce que ça me plait. J’aime bien faire le con devant la caméra.
Et puis là, avec le personnage, ça se prêtait bien au visuel. Rien que les habits ça pose déjà une ambiance.

Youtube et internet sont quand même une chance pour diffuser facilement de la musique…
Je pense qu’internet est à double tranchant. C’est très bien de pouvoir diffuser ses sons, plus ou moins, au plus grand nombre, sans que ça coûte à qui que ce soit. Mais le problème, c’est que tout le monde peut le faire. Il suffit d’avoir un micro, un ordi et un 5d. On le voit tous les jours, sur les réseaux sociaux. Ça crée des embouteillages et un zapping. Je me dis que les gens n’ont pas assez de temps de cerveau disponible pour tout le monde. Alors il faut se démarquer, il faut être le meilleur. Mais ça aussi ça ne veut rien dire, car tu es dépendant des modes et des gens.

Pour en revenir à ton rap, toi qui vient d’un collectif nombreux, envisages tu des featurings ?
Sur ce projet-là, honnêtement je n’avais pas envie d’avoir de featurings. Le concept est tel que j’imaginais mal d’autres rappeurs dans cet univers-là. Ceci étant, sur le Vol.2 peut être. Mais là, j’avais envie de tenir la baraque tout seul.

Comment et pourquoi on passe d’un collectif tel que Bhale Bacce à Moïse tout seul ?
Bhale Bacce est assez militant dans l’esprit et dans les textes. Pour dire les choses franchement, je n’avais plus envie d’écrire des choses engagées. D’ailleurs, je n’étais pas le membre dont les textes étaient les plus militants, j’étais dans cette chose plus introspective mais avec un côté vision de la société. J’en avais juste marre, j’avais envie d’autre chose. C’est complètement un grand écart, mais entièrement assumé. Je suis dans une musique de divertissement mais avec quelques subtilités. Je m’inscris dans quelque chose de plus rap.

Dans cette transition, tu as sûrement perdu une partie de ton public ?
Oui, ça c’est un problème. J’ai forcement perdu une partie du public Bhale Bacce qui n’adhère pas à ce que je fais aujourd’hui. Ce qui est normal et que je comprends. La difficulté est de conquérir un public nouveau, du coup tu as le sentiment de repartir à zéro. Parfois, ça génère un peu de frustration. Mais je n’ai pas envie de refaire du Bhale Bacce pour ravoir un public, pour capitaliser sur la popularité du groupe.

Le rap médiatisé est plutôt un rap gangsta ou  parfois conscient, tu aimerais que le rap prenne une autre direction, celle de la musique de « divertissement » ?
Le rap c’est beaucoup de chose, donc je n’ai pas envie qu’il prenne une direction en particulier. Que tous les styles de rap puissent être représentés. Comme je te disais tout à l’heure je peux écouter La Rumeur comme je peux écouter Seth Gueko, et je vais avoir le même plaisir à les écouter mais je ne vais pas y chercher la même chose. Il faut que le rap garde cette diversité-là. Après médiatiquement, le problème c’est que lorsqu’on invite un rappeur à la télé, c’est pour lui parler de société et pas de musique. Il est très mal représenté et surtout les gens qui en parlent n’y connaissent rien.

C’est aussi une musique populaire, mais mal aimée…
Le rap a mauvaise réputation, il est maltraité dans les médias, même aux Victoires de la Musique il n’y a pas de vraies catégories. Les mecs ça les fait flipper, c’est épidermique. Pourtant c’est une musique qui vend des disques. C’est une musique qui reste marginale. Pourtant une poignée d’artiste sont très médiatisés. Après ce n’est peut-être pas pour les bonnes raisons. Et ce ne sont peut-être pas les bons…
En ce moment, je me pose vraiment une question. On se réjouit que le rap ait pénétré toutes les couches de la société mais parfois je me demande si ce n’est pas une mauvaise chose. Ne devrait-elle pas rester une musique de niche ?

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