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[Chronique] 2014 – Marqué A Vie – Tunisiano

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Toujours avec le « même plaisir de déranger », le soldat Tunisiano reprend les armes microphoniques en cette année 2014. L’incontesté MC des Sniper et renommé poète d’élite présente une nouvelle rafale musicale : habile et méticuleuse.

Notons d’abord que Marqué à vie reste un album assez classique qui, malgré le ressassement des thèmes et du discours, parvient à rester vif et plaisant à l’oreille. En effet, la déclamation pesée et tellement singulière du rappeur entraine, comme d’habitude, le cœur au rythme des cadences mélodieuses. L’artiste annonce d’ailleurs dans le dément Hurricane Carter, qui introduit parfaitement l’album, qu’il ne se laisse pas aller aux modes et aux mouvances médiatiques en persistant dans son style propre: « Ils me connaissent, c’est Tunissan’, pour pas changer. »

Les sonorités sont abouties et témoignent d’un labeur consciencieux et attentif. L’auditeur retrouve donc encore et toujours cette même sobriété musicale, souple et enjouée, qui caractérise le rap de Tunisiano. Trait spécifique du rappeur, la gravité du piano propose aussi quelques morceaux poignants à la manière des titres assez lyriques comme Je voulais un monde ou le morceau de clôture Si on se disait tout. Deux textes traitent d’ailleurs des différents visages de l’amour : de l’amour paternel aux relations amoureuses. En effet, si le titre Elle donne propose une nouvelle pièce à cet exercice désormais incontournable des rappeurs devenus pères, le sulfureux Amour poison décrit avec fureur l’entrain comme les revers de la passion amoureuse.

Quant aux morceaux qui conversent de revendications plus graves, nous ne manquerons pas de remarquer Les oreilles qui sifflent où se brassent cependant, il faut le dire, de nombreux lieux communs. De plus, le featuring avec Youssoupha sur Ils nous condamnent poursuit le même discours dans une démarche musicale très soignée. Le très bon Mec de tess questionne, quant à lui, la condition du jeune de cité ainsi que le jeu de l’image et des clichés dans lesquels il peut (ou pas) se complaire. Car si « Tout ce qu’il accomplit n’est que violence, injures et abus » « qui est vraiment ce mec de banlieue? » interroge le rappeur.

Toujours dans cette même optique, l’artiste plonge l’auditeur dans une fresque terne et troublée du pays français en esquissant les traits et les contours d’une dérive politique et des disparités économiques qu’elle peut engendrer. Le rappeur se revendique donc « Simple haut-parleur, ghetto narrateur » et hisse l’écriture de son rap en parole représentative. Il s’attèle à la description et à l’évocation de ceux qui sont « Marqués par la vie » tous ceux qui sont « opprimés, mis de côté, salis ou sous-estimés». Nous pouvons alors nous ravir de ce discours si précieux et indispensable au rap en tant qu’il est – et doit rester – un mouvement engagé dans l’action sociale.

Enfin, quelques morceaux reprennent l’esprit « délire » du fulgurant Equivoque de l’album précédent à la façon de JCVD tandis que les titres Val de Zoive, Mout ou Carré empruntent un ton plus acerbe et mordant à l’image de quelques punchlines saisissantes. Pour finir, le titre Paris vaut aussi le détour rien que pour la délicieuse ambiance instaurée par l’envoûtant Charles Pasi avec aussi le clip très audacieux de Leila Sy qu’il convient de saluer.

Marqué à vie est donc un album profondément authentique comme nous y avait habitué le célèbre membre des Sniper. Le propos, comme la teneur musicale, embrasse une large palette de sentiments et de réflexions preuve de la sincérité du rappeur qui affirme n’être « qu’un homme » et c’est bien là sa grandeur.

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