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[Chronique ] Ali – Que la Paix Soit Sur Vous.

Beaucoup moins médiatisé que son ancien camarade de Lunatic, et bien souvent à tort, Ali revient en ce début d’année avec un tout nouveau projet intitulé Que la paix soit sur vous, sorti le 2 Mars dernier. Le projet est assez court et comporte uniquement 14 titres ; mais la déception ne dure qu’un temps. Les trois premières notes de l’album nous parviennent aux oreilles et dissipent alors tout le reste. Dans ce projet on retrouve tout ce qui a fait le succès des précédents albums : des textes soignés et travaillés, des instrumentales douces et entêtantes, parfois même quelques phases de scratchs (qui se font assez rares ces derniers temps) ou encore la présence de sonorités nouvelles.

L’introduction de l’album, habilement nommée Lotus reprend les bases de la philosophie du rappeur, mettant la religion au centre de son discours et de ses textes, en prônant notamment la paix et la sagesse. Il use pour cela de métaphores assez fines et d’un champ lexical bien précis pour comparer la vie à un lotus, comme nous le montre le refrain du morceau : « La paix est le message, là où la haine est comme un marécage / Absorbant les âmes salies vers des sphères de bas étages ». On retrouvera d’ailleurs le lotus comme emblème sur la pochette arrière de l’album.

Le second morceau de l’album surprend par sa recherche de mélodies et son mélange de sonorités. En effet, le titre Dialogue se laisse porter durant plus de deux minutes trente par la plume du rappeur, sur une production aux notes assez claires, pour finir sur un solo de guitare électrique des plus enivrants ; le tout accompagné de touches de scratchs de qualité. Respect à Crown pour la prod. À souligner la belle référence à l’époque de Time Bomb et à ses acteurs emblématiques : « Ni de l’ENA, ni de Sciences Po’ / J’ai partagé les bancs avec X-Men et les Sages Po’ ».

On ne s’oublie pas est un titre peu moins sombre, plus chantant et plus mélodique que les autres. Pour ce premier featuring de l’album, Ali a fait appel au rappeur Exs pour l’accompagner sur une prod de Junkaz Lou. Une collaboration très sympathique, à écouter avec attention. Le morceau qui suit Survivant a déjà été dévoilé il y a de cela un an comme premier extrait de ce nouvel album. Avec deux couplets d’une très grande qualité et une prod’ du même ordre, il nous laissait impatients et avides d’en entendre plus : « Brise la routine par la méditation, manifestation / Ma voix traverse les murs.. sans détruire les fondations ». Le cinquième titre est un peu plus poussé que les autres vers la religion. Sur une production d’Astronote assez sombre mais teintée de notes claires, Ali va nous asséner une suite de punchlines adoratrices et spirituelles : « Créature louant le Créateur / Lui est l’Adoré bénissant l’adorateur / Orateur de la foi, spirituel explorateur / Cheminant vers l’infini, l’invoqué entend l’invocateur ».

Le titre qui suit, composé par DJ Stresh et Oliver DrumDreamers, c’est le genre de prod’ qui fait hocher la tête dès les premiers notes. Ce sixième morceau intitulé Art est certainement un des meilleurs du projet. Des rimes affinées avec précision, bourrées de références, sur une instru’ magnifique. Les dernières notes de piano du morceau nous ramènent d’ailleurs tristement à la réalité au bout de quatre minutes et on regrette presque que le morceau ne soit pas plus long. On se console alors en regardant le clip, tourné dans un décor apocalyptique, celui d’une tour de refroidissement nucléaire désaffectée. On retiendra le message fort : « Make Art, Not War » et les nombreuses phases marquantes du morceau : « Après l’hiver suit le printemps / Comprends, l’oppression ne dure qu’un temps » ou encore « J’avance, l’amour est ma cure, mon bol d’air pur / Où la couleur de l’argent pollue les gens comme le mercure ».

Quelques craquements de vinyles plus tard, la suite est toute aussi belle. Produit par Mr Stroke, ce septième titre laisse très rêveur et pensif… « Doux et sucré comme un mango lassi / Le paradis ne s’atteint pas en prenant de l’ecstasy ». Une mélodie douce, aux teintes légèrement jazzy, qui capte immédiatement l’attention. Rien à redire. Le petit vocal d’enfant qui chantonne à la fin vient peaufiner cette Suprême Mélodie. Quelques repeats plus tard, voilà le titre éponyme de l’album : Que la paix soit sur vous qui assure la transition et qui porte un message qui n’est, une nouvelle fois, pas surprenant venant du rappeur : « D’Ici-bas à l’au-delà, en pèlerinage vers le parfait / Allah est le plus aimant vers l’humanité ».

Nous voici arrivés au second featuring de l’album, encore plus intéressant que le premier. Cette fois-ci, Ali est accompagné du rappeur Hifi, son compère du label 45 Scientific. Sur des notes envoûtantes et des vocaux féeriques, ce dernier va nous délivrer un couplet à la fois doux et très technique : « J’ai tout foiré, je regrette l’âme de mes années d’enfance / Je vais en soirée mais je n’vois que des âmes damnées dansantes ». Le morceau se termine aussi doucement qu’il avait commencé, comme pour mettre fin à L’Innocence ; une vraie réussite. Le morceau La bonne nouvelle également teinté par une production assez jazzy, nous ramène vite à la réalité et redonne un certain rythme à l’album. Vient ensuite le troisième featuring de l’album, sur une production boom bap endiablée de Dj Stresh. L’invité de marque de ce titre ? Le Rat Luciano ! L’ancien membre de la Fonky Family vient poser son flow, plus technique que vraiment efficace, sur le premier couplet du morceau : « C’est pas parce que tu as des douilles que ça fait de toi un autre / C’est pas parce que tu as des couilles que ça fait de toi un homme ».

Tant qu’il est temps vient apporter sa touche de sonorités originales, notamment avec son saxophone à moitié étouffé, accompagné de percussions assez originales, le tout sur un phrasé simple d’Ali qui enchaîne trois couplets plutôt courts, à base de rimes simples, mais pas moins efficaces. Le morceau qui suit est marqué par la collaboration de l’artiste Habib Kane, cousin du rappeur Salif, et acteur majeur de la scène soul parisienne actuelle. Le morceau est très doux, la voix d’Habib Kane est apaisante, limite enivrante, et les couplets d’Ali remplis d’amour : « L’amour n’a pas de remparts, de mon cœur il s’empare / Sens la généreuse énergie générée de toute part ». Le dernier titre de l’album intitulé Salaam vient clôturer ce voyage d’une petite heure, sur une douce mélodie orientale au vocal troublant, produite par MKZoo, dont il est assez difficile de se remettre.

En résumé, un album très réussi, tant au niveau de l’écriture, que sur le choix des productions. Un ensemble assez cohérent, d’une grande qualité. On retrouve Ali et son univers apaisant, qui fait de temps en temps réfléchir, et qui nous donne plus que jamais envie d’aimer notre prochain. Un sans faute, à recommander vivement !

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À proposGuillaume Simonin

N°1 de Genius France / Fondateur et CEO du site We Love Nancy / Chroniqueur pour Le Rap en France / Chroniqueur pour The Chemistry Magazine / Social Media Manager

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