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[Chronique] Al’Tarba – La nuit se lève

Et si tout commençait par la fin ? Et si cette conclusion assénée comme un direct du droit en pleine tronche, plus que le simple acmé d’un album réussi, était en fait le commencement de quelque chose de plus grand.

Après l’écoute du morceau éponyme La nuit se lève, on se surprend à rêver.

Et si cet LP inspiré en partie par la puissance et la suggestivité de l’écriture de Vîrus n’était qu’un amuse-gueule. En effet, cette juste collaboration (qui gagnerait probablement à durer sur un format plus long) résument parfaitement les ambitions du projet. Sombre, dense et s’obstinant à agir comme le miroir d’une partie de la société. Un pan que tout le monde devine mais que personne ne souhaite réellement accepter et donc légitimer. Retranscrire cette impression avec des mots n’est déjà pas une mince affaire. Le faire en musique est un défi autrement plus compliqué.

 

Pour relever un tel défi, Al’Tarba paraît être l’homme idoine.

Unanimement reconnu pour la qualité et la cohérence de son travail, il nous a habitués tout au long de sa carrière à créer des univers toujours plus singuliers avec un style identifiable entre mille. L’homme nous l’avait confié lors d’une précédente rencontre, son travail sur le sampling tient de l’obsession. Écraser les samples, en extraire le meilleur et les empiler comme une « texture » est sa méthode de travail et sa signature. Guillotine est l’illustration parfaite de cette maîtrise du sample. Ici, tous les éléments s’emboîtent comme dans un puzzle pour créer une image parfaite. Entre hiatus savamment étudiés et fonds de guitare saturés, chaque espace sonore est optimisé dans le but de créer un sentiment d’oppression qui finit forcément par étreindre l’auditeur.

La nuit se lève, comme la plupart des projets d’Al’Tarba, a été pensé comme un film. Plus précisément comme sa bande son. Cela commence dès Ripped eye et ses samples orientaux qui plantent le décor d’une ville encombrée où le danger est partout et nulle part. Ici, le temps file à une vitesse vertigineuse et s’étire en une longueur infinie. S’ensuit un interlude drolatique au dialogue à la sauce Audiard. Tout au long de l’EP, ces interludes donneront corps au récit. A travers eux, on suit les pérégrinations d’un personnage anonyme à travers la folie urbaine symbolisée par ces beats lourds, agressifs et étouffants qui sont désormais bien au delà du beat hip hop (Now more fighting).

 

D’autres morceaux plus légers sont disséminés au long de l’album pour symboliser cette recherche permanente d’oxygène ou la recherche d’une éventuelle porte de sortie. Que l’on pense trouver un échappatoire via une fascination morbide (Dans le vide) ou par une envie de s’affranchir des règles (She’s endorphins), ces plages sont là pour illustrer ces moments d’apnée.

L’alternance de ces morceaux « light » avec d’autres plus étouffants renforce cette impression d’univers savamment reconstruit qui est incontestablement la force de cet album. On est également frappé par la diversité des styles abordés. Pas toujours franchement reconnaissable, on devine pourtant l’éclectisme de l’artiste à l’écoute de morceaux si différents comme On the prowl et Starship loopers. Ce dernier, à l’influence hip hop évidente par les scratchs et cuts de Nixon, est d’ailleurs un banger imparable.

« Il fait quel cri le brouhaha, il broit ! » clame Vîrus dans La nuit se lève.
On se laisse broyer par cette vie étrange que l’on écoute se dérouler sous nos yeux, bien content d’être auditeur d’une telle folie.

 

À proposZayyad

Singe Jaune. Le plus Hip Hop des frères Bogdanoff

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