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[Chronique] Asocial Club – Toute Entrée Est Définitive, par Chaïm Helka.

Asocial Club. Une hydre polycéphale. D’abord cinq têtes: Casey, Vîrus, AL, Prodige, Dj Kosi. S’y greffent, ensuite, Dj Saxe, Laloo, B.James, Hery, Banane, RocéBuena Vista Asocial Club mais, à la différence de celui piégé des décennies durant dans la pieuvre castriste, cet Asocial Club plante d’entrée ses crocs dans les légions de Mc’s formatés et lacère ceux qui « Accrochés au game par des chaines / Les rappeurs font les chiennes ».

Bête hargneuse que ce nouveau collectif, bête fuyant la foule farcie de textes misérables estropiés de tout intérêt et plaqués sur des rythmes ectoplasmiques. Pas de carte de membre, pour s’inscrire dans ce club où il faut détester le principe du club, première règle. À quoi bon finalement ?  « 99% des Mc’s sont très cons » disent-ils dans 99%et ils pisseront toujours des paroles ineptes et connement universelles. Mais à quoi bon ? « J’ai honte de dire que je rappe » avoue AL dans La putain de ta mère« 99% des Mc’s sont très cons » Caries mentales que ces 99%, ils nous rabotent le neurone critique ! Heureusement, de nouveaux dentistes ont ouvert un cabinet. Attention, aucune anesthésie, pas de roulette et de plombages, seulement une tenaille, on arrache et on remplace. D’autres clients ? Oui, Marianne et son râtelier moisi, Marianne et ses oreilles bouchées au cérumen armé, Marianne et sa grosse clique. Contes de la frustration, contes de décavés, la voici la grande fresque peinte par l’Asocial Club : la résignation…

Ils fouillent, détaillent, durant une heure et douze plages pour nous torcher à l’émeri, nous liposucer la graisse musicale qui, telle une bonne grosse doudoune, nous étouffe en douceur. Asocial Club se glisse dans le sec, ne mange pas, ne se nourrit pas et puise au fond du trou. De La putain de ta mère à Creuser, autant taper la bise à un scorpion ou avaler par gorgée entière de l’huile de foie de morue pour aller mieux. Casey, Al, Vîrus, et le reste de la bande, affirment que le Toi + Moi + Nous  ne fonctionne pas, que le système se nécrose. En doutait-on, franchement ? Asocial Club, le gravier dans la tong, l’aphte géant dans nos mouilles.

Les punchlines se ramassent au tractopelle ! Pas de bouclier, pas de filtre, et nous voici asperger pour l’année ! Inutile de tortiller de l’esgourde pour écouter droit. Ecouteurs callés, rapidement, l’adhésion s’immisce… « Laisse-leur le bobo-rap, on est dans le ghetto-music » assène le refrain de Ghetto-Music; Vîrus qui lâche un cv dans Toute entrée est définitive : « A bien y réfléchir, je nous préfère incultes / Impressionné, tout ce que t’as lu, on l’a vécu » ou encore, ellipse de AL qui, dans Je hante ma ville, pourrait résumer l’album : « Socialement,… Je suis mort… »

Les musiques de chaque titre s’accrochent aux paroles et inversement. Mention spéciale au titre Ghetto et son intro reggae (Peter Tosh, Equals Rights, 1977). Clairs, sans pour autant magnifier les paroles, les accompagnements musicaux servent ces enragés qui tracent leurs sillons, ceux là-mêmes où ils sèment des graines de chiendent. Vivement la récolte !

Asocial Club, Toute entrée est définitive… Pas de sortie au risque de se couper du flux énergique, au risque de ne pas se laisser ramoner les synapses avec tout ce qui composait les ingrédients principaux du rap hardcore français, tenanciers qui perpétuent les solides leçons de La Rumeur… Fouteurs de merde ? Plus : fouleurs de merde ! Souvenir de AL, dans High Tech et Primitif (album majeur s’il en est) « J’écris sur le rap, je lui défonce le fion »

  Toute entrée est définitive ! Pas de sortie de secours, enfermé, pas d’alarme incendie, condamné à brûler. Toute entrée est définitive et ne plus jamais en sortir ? La pochette de l’album en témoigne : monde fermé et, cimentée de moellons, la façade relève plus de la cage, de la prison que du lieu de vie, et pourtant… Reste la parabole pour se connecter au monde, triste monde… Asocial Club ne croît plus en rien : parangon du nihilisme ? Sommes-nous venus chercher autre denrée ? « Le cafard m’entaille, me déchire la tête jusque dans les entrailles » cingle AL dans L’hiver est long, à se demander si cette saison n’avale pas tout.

L’innocence et l’espoir qu’un jour nous avons cru posséder s’en sont allés, peut-être n’ont-ils jamais existés… L’Asocial Club joue les rappels de vaccination et l’aiguille ne s’arrache plus du bras.

On ne se souvient pas d’une caresse, mais d’un coup de bâton oui, et celui-ci est le meilleur depuis longtemps. Très bon coup de bâton ! Précipitez-vous ! (de la falaise)…

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