La genèse de cet album n’a pas été un long fleuve tranquille. 2012, épris par le doute et le manque d’inspiration Brav jette tous ces morceaux et met son projet solo en suspens. En lieu et place, il va se concentrer sur les projets du label Din Records, notamment ceux de Médine et Tiers Monde (son acolyte de Bouchées Doubles), se ressourcer par les voyages (Liban, Turquie, Palestine), réaliser des clips et, fait rarissime dans le milieu du rap, offrir son sublime texte Post Scriptum à Kery James qui en fera un moment fort de Dernier MC (2013).
Mais Brav n’abdique pas. A l’heure où la sortie d’un album se fait le plus rapidement possible, le havrais a su prendre son temps. « Premier album, dernière chance. », son leitmotiv représente parfaitement son état d’esprit lors de la conception de ce premier album solo. Bousculer les formes habituelles du rap français, donner aux textes la place qu’ils méritent, parvenir à allier les deux sans compromis mais non sans cohérence ; on obtient alors un album étonnamment créatif et réussi. Humilité, générosité et ambition : voilà Brav.
Ce qui surprend le plus à la première écoute de Sous France, c’est la dextérité avec laquelle Brav passe du rap au chant, varie ses flows, habite ses interprétations. Rarement des refrains chantés auront été aussi agréables, bien loin des soupes pseudo R’n’biques. L’Arche, sans doute l’un des meilleurs morceaux de cet album, en est le symbole idéal. Evidemment, la richesse des instrus de Proof contribue grandement à ce résultat, tant il a su répondre avec brio à la créativité qu’imposait ce projet. Néanmoins, petit bémol pour certains titres dont Sous France cette fois-ci desservie par un refrain raté et discordant. Même si les parties chants sont globalement maitrisées, on peut regretter un manque de morceaux plus rappés comme sur le très bon Tyler Durden.
Remettre le rap conscient au goût du jour, l’entreprise est belle. Sur ses 17 titres, Brav dénonce dans A l’évidence (« Je ne comprends pas pourquoi ils fuient, c’est bête / C’est pourtant le paradis d’être en vacances chez eux »), lutte dans Brav Against the Machine (« J’connais pas de recette-miracle pour faire l’bonheur de mes proches J’ai juste appris les ingrédients de base du cocktail molotov ») et se confie dans Meïlia. Un rap conscient mais pas moralisateur, personnel mais pas stéréotypé, Brav distribue avant tout un message de lutte et d’espoir, le tout agrémenté de punchlines bien senties : (« L’Etat nous pisse dessus, les médias disent qu’il pleut » dans Tyler Durden).
Un album réussi donc, travaillé, qui parvient à un équilibre intéressant entre le fond et la forme, à une homogénéité sur la qualité des morceaux et à une cohérence artistique sans faille. Cet album peut dérouter, mais on ne change pas les codes sans brusquer les esprits.
C’est Tyler Durden, pas Burden
Album de l’année