Gros coup de massue sur la tronche du rap français lundi dernier. Un album de Lino vient de sortir. Personne n’était au courant, aucune promotion n’a été faite. Étonnant. Pourtant l’information se propage comme une MST sur les réseaux sociaux. Nous en venons tous à la conclusion évidente qu’il y a quelque chose d’interlope derrière tout ça. Les morceaux sont mal mixés, certains ne sont pas terminés. Certains sons de la track-list officielle sont même inversés. La sphère rap français s’interroge. C’était avant que Lino en personne vienne expliquer le pourquoi du comment à travers cette interview.
Gaëlino M’Bani accuse donc son label de lui avoir planté un couteau dans le dos. Joints par nos soins, ceux-ci ont catégoriquement refusé de répondre à nos questions. Nous étions soucieux d’avoir deux versions de cette sombre affaire, il n’en sera rien. Cependant, nous avons appris début Avril que Menace Records, le label de Bayes, avait signé un partenariat avec Warner Music. On peut imaginer qu’il y a eu une volonté de solder rapidement tous les projets en cours pour se focaliser sur les nouveaux. Tout ceci ne restant qu’un tissu d’hypothèses, recentrons nous sur le sujet véritable de cette chronique : le retour sur album de Lino.
Nous n’allons faire que répéter ce que vous avez déjà pu lire sur les forums. Oui, la pochette est dégueulasse et pique les yeux. Oui, le mastering est à l’état d’ébauche. Mais est-ce que le disque est bon ? Et bien, oui ! Lino n’a rien perdu de sa légendaire verve, celle qui avait promené Ärsenik sur les hauteurs de la chanson française en 1999 et qu’il n’avait jamais vraiment perdu depuis.
Nous pourrions vous sortir quelques phrases de leur contexte. Ce serait facile. Mais Lino n’est pas comme certains rappeurs, il ne remplit pas ses couplets autour d’une seule punchline bien trouvée. Il a ceci d’un écrivain qu’il peut développer une idée forte sur un couplet avec une citation qui en est le climax. Alors ce serait défigurer l’œuvre que d’en extraire des morceaux, nous vous invitons plutôt à écouter avec une oreille attentive l’une des plus belles plumes encore en activité en France, tous genres confondus.
En toute modestie, nous accolons une mention spéciale à plusieurs morceaux. D’abord, l’excellent Wolfgang qui fait hurler de rage, l’instru démarrant vraiment au moment où Lino s’arrête de rapper. Puis Hors-Format sur un beat rapide qu’il maitrise sans aucun souci. Et une dernière pour Sentier de Gloire avec le sample du film Les Choristes qui possède vraiment d’une atmosphère particulière.
Au final, cette sortie rocambolesque est pleine de bénéfices pour Lino. L’empathie que le rappeur suscite est sans commune mesure, tout comme les messages de soutien qu’il reçoit. Certains qui le donnait pour mort le 6 Mai hurlaient au génie jamais oublié le 7 au soir. On retourne assez facilement sa veste dans le milieu.
Toujours est-il que nous sommes face à un produit bâclé, de très mauvaise qualité sonore et paradoxalement excellent car ce côté crasseux sied parfaitement à la voix rocailleuse de la moitié du A tréma. Le talent de Lino se suffit presque à lui-même, même sur un projet non-fini. Car telle une symphonie de Beethoven, c’est ce goût d’inachevé qui rend cette œuvre si précieuse. Et tous les éléments pour en faire un objet culte sont réunis. Ne reste plus qu’à attendre le verdict des années. Elles décideront.
Trop chelou une histoire pareille !
« Certains qui le donnait pour mort le 6 Mai hurlaient au génie jamais oublié le 7 au soir. On retourne assez facilement sa veste dans le milieu. »
Assez juste !
Bien mixé ou pas moi j’adore ce projet
C’est Lino simplement. On attend son album comme on attend un nouveau solo du Rat. Cela prouve la dimension, la place particulière de ce type dans le rap en France. Et même des sons à la qualité audio douteuses peuvent ravir… et prouvent que le type n’est pas mort. Et plus simplement, son retour fait bien plaisir en cette année.