Avec la flopée de projets sortis entre septembre et octobre, vous êtes peut-être passés à coté de l’album de Gros Mo, Les étoiles. Petite séance de rattrapage pour ce projet qui méritait bien une chronique…
Début juin 2018, Gros Mo fait son retour après plusieurs mois de silence avec le titre et le clip de Désolé. Surprise, le rappeur de Perpignan à perdu sa barbe impressionnante qui faisait sa signature ! Et ce n’est pas tout, le titre change un peu de son registre habituel : texte introspectif à tendance soft lover, une ambiance chaude et sexy parfaite pour l’été magnifiée par un très beau clip. Bref, de quoi nous mettre l’eau à la bouche pour la suite…
Fin septembre, malgré un gros calendrier de sorties, c’est bien sur son album que l’on s’attarde, et avec un certain plaisir. Teasé avec quelques extraits (dont le très bon Bélier qui ne figure malheureusement pas sur l’album), Les étoiles est un projet de 14 titres qui réunit la crème du 06 : il est entièrement produit par Enzoo et on retrouve Némir sur deux morceaux. L’un des rappeurs les plus sous-cotés du game nous régale avec une pépite musicale qui se déguste toute seule.
Plus habitué aux seconds rôles qu’au costume de leader (il est le backeur historique de Némir), Gros Mo a visiblement pris de l’assurance. Celui qui a commencé il y a une dizaine d’années sur les bancs de la Casa Musicale, association perpignanaise où il gratte ses tous premiers textes, s’est fait remarquer avec 2 projets : Les # de Gros Mo (2016) et Fils de pute (2014). Jusqu’ici, le rappeur perpignanais était défini par son écriture sombre, ses mots durs imprégnés de musicalité. Bref, du rap de kickeur qui met des gifles et un vrai sens du rythme qui lui vient peut-être de ses débuts en breakdance.
Un autre élément de son univers permet de le distinguer de la masse de rappeurs d’aujourd’hui : ses références mystiques à la magie et au surnaturel. Celui qui décrit la musique comme une force invisible très forte, capable de faire naître frissons et émotions, est un « vaudou de la rime » qui n’hésite pas à mentionner le diable ou la sorcellerie, sans aucun complexe. Manifestation originale de son côté sombre et provocateur, cet aspect est toujours présent dans Les étoiles même si c’est beaucoup plus léger.
En effet, le ton a changé. Gros Mo ne s’en cache pas et il l’a déjà évoqué en interview : le rappeur est père de famille, il voulait créer quelque chose qu’il peut écouter avec ses enfants. Et, si les textes sont plus softs, il n’en perd rien en qualité ! Au contraire, l’ensemble est beaucoup plus organique et l’on ressent une certaine maturité dans ses textes. Contrairement à ses autres projets, Les étoiles est beaucoup plus respectueux de la gent féminine. Les « coup de schlass dans le cul à Nabila » ou autres « Nique ta pétasse » ont disparus, Gros Mo s’excuse (Désolé), drague ou déclare son amour à sa mère avec le magnifique Yemma. Beaucoup plus lumineux, cet album est une déclaration d’amour à la vie, aux relations humaines, à l’amitié. Soyez rassuré, il est toujours aussi percutant et toujours là pour « niquer des mères » (Ola). Gros coup de cœur d’ailleurs pour le titre À l’époque, un peu moins chanté et que l’on retrouve avec plaisir au milieu de la tracklist. Gros Mo ne se cache plus derrière sa barbe, il est beaucoup plus ouvert, introspectif. Il prend des risques et ça lui réussit.
L’album transpire le sud, avec une ambiance super chill et planante, qui donne envie de fumer un joint au soleil. Perdus dans nos pensées et dans la fumée (le brouillard, qui revient souvent dans l’album), on se surprend à cogiter avec des morceaux comme Les étoiles ou À l’époque. Gros Mo s’est éloigné de ses influences du rap parisien (notamment Mourad de la Scred Connexion et l’Entourage) : cet album, c’est un « nouveau départ » (Aie aie aie), tout est possible, il ne se pose plus de limites.
La collaboration avec Enzoo est au top : l’alchimie entre le flow de Gros Mo et les prods est incroyable et apporte une vraie musicalité. Le génie d’Enzoo est à l’œuvre avec des prods vraiment intéressantes et assez originales, qui donnent à l’album une saveur particulière. Gros coup de cœur pour les prods de LVEB, Sans Pression et sa petite touche orientale, ou encore ça le fait avec son rythme à la bossa nova. La diversité des prods et la maîtrise de son flow, avec des changements d’interprétation ajoute du relief qui fait du bien à l’oreille.
Malgré quelques défauts dans la tracklist (le dispensable Vriller, par exemple), Les étoiles est donc d’une remarquable cohérence, avec beaucoup de parties plus chantées qu’à l’ordinaire. S’il est désormais capable de chanter avec justesse, il est toujours aidé de Némir sur deux titres, qui introduit une vibe différente. Présent sur LVEB et Yemma, Némir accompagne Gros Mo avec brio pour un résultat particulièrement touchant.
Malgré quelques erreurs, comme le morceau Cousine (par particulièrement intéressant, et pour les auditeurs qui ne sont pas du Sud, « cousine » pour une chanson d’amour, c’est … bizarre), Les étoiles est un album de qualité, qui signe un changement de cap pour l’artiste. Léger, l’album s’écoute tout seul et donne envie de le voir sur scène… On l’espère, prochainement !